Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
E

Ekman (Kerstin)

Romancière suédoise (Risinge, Östergötland, 1933).

Elle débute dans le genre policier en 1959 avec des romans à énigme, avant de se tourner vers un roman policier plus psychologique dont elle est l'initiatrice suédoise. Ses romans historiques et sociaux servent d'instrument d'analyse de la condition féminine (la Maison des anges, 1979 ; Une ville de lumière, 1983). Crimes au bord de l'eau (1993), sorte de thriller aquatique et sylvestre, n'est pas sans rappeler l'univers de Simenon. Première femme admise à l'Académie suédoise en 1978, elle en démissionne pour désaccord idéologique.

Eknath

Poète indien de langue marathi (Paithan 1548 – v. 1599).

Brahmane qui adapta en langue populaire les grands textes sanskrits, jusqu'alors réservés à l'élite cultivée (Eknathi Bhagvat, 1573 ; Bhavarth Ramayan ; Rukmini svayamvar, révision de la Jñanesvari, 1584).

Ekwensi (Cyprian)

Écrivain nigérian (Minna 1921 – Enugu 2007).

D'origine ibo, il fait des études de pharmacie en Angleterre et enseigne la biologie et la chimie dans un collège de Lagos, avant d'entrer dans les services du ministère de l'Information. Il débute, dès 1947, par des ouvrages populaires qui relèvent de la « littérature du marché d'Onitsha » (Quand l'amour murmure, la Griffe du Léopard). Gens de la ville (1954) marque le coup d'envoi de la littérature romanesque nigériane (Jagua Nana, 1961 ; la Brousse ardente, 1962 ; Belles Plumes, 1963 ; Iska, 1966 ; Survivre à la paix, 1976). Onze ans lui furent nécessaires pour écrire une fresque du Nigeria pendant la guerre civile (Divisés, 1980).

El Maleh (Edmond Amran)

Écrivain judéo-marocain de langue française (Safi 1917).

Membre du Comité central, puis du Bureau politique du Parti communiste marocain de 1948 à 1959, il est installé en France depuis 1965. Son œuvre (Parcours immobile, 1980 ; Aïlen ou la nuit du récit, 1983 ; Mille Ans, un jour, 1986 ; Jean Genet, le Captif amoureux et autres essais, 1988 ; Abner Abounour, 1995 ; le Café bleu. Zrirek, 1998) se situe au croisement de divers discours, du récit-témoignage politique au jeu interculturel ou à la rencontre entre littérature et peinture, et met en perspective une recherche identitaire souvent érudite.

élamite (littérature)

Langue ancienne attestée dès le IIIe millénaire en Asie Mineure, dans le Zagros, le Luristan et le Khuzistan actuels, l'élamite était la langue d'un pays appelé Haltam par les Sumériens, Élumaïs par les Grecs, et dont la capitale était Suse. Les plus anciens monuments de cette langue (« proto-élamite ») furent rapidement concurrencés par la culture suméro-akkadienne. Hormis quelques documents juridiques et économiques, le premier texte « littéraire » est un traité par lequel un prince élamite se reconnaît vassal du roi d'Akkad Narâm-Sin (vers 2240). La domination politique des dynasties d'Our puis de Babylone se traduit par une akkadisation de toutes les formes d'expression, et seules certaines inscriptions et formules religieuses témoignent d'une inspiration nationale. Vers la fin du XIVe s. av. J.-C., une renaissance politique et culturelle s'amorce avec la dynastie d'Anshan et le règne d'Ountash-Houmban, bâtisseur de la ziggourat de Tchoga Zanbil (vers 1250), puis avec la nouvelle dynastie de Suse qui connaît son apogée avec Shilhak-In-Shoushinak (vers 1140-1125) : les textes historiques et les inscriptions sur les briques votives des grands sanctuaires sont alors rédigés en langue élamite. L'Élam retombe dans l'obscurité après la conquête de Nabuchodonosor Ier (vers 1120) et ne réapparaît qu'au IXe s. av. J.-C. comme État précaire dans l'orbite de Babylone : de cette époque datent des inscriptions sur les roches de Malamir, et des tablettes funéraires d'une nécropole de Suse qui révèlent une interprétation originale du voyage des morts aux enfers. Écrasé par l'Assyrie (646), l'Élam est partagé (612) entre les Mèdes et le royaume de Babylone, avant d'apporter à l'empire de Darius et de Xerxès une contribution politique et culturelle particulière (Suse sera une capitale achéménide), et de se fondre dans l'univers séleucide puis parthe et sassanide, l'élamite n'étant plus qu'une langue de traduction (inscriptions trilingues – élamite, akkadien, vieux perse – de Béhistoun et de Persépolis).

élégie

L'élégie, dans l'Antiquité grecque, ne se définit pas par un ton « élégiaque », ni par un sujet, même si elegos peut signifier « chant de deuil » et si l'Etymologicum Magnum redonne l'étymologie populaire e e legein, « dire hélas ! ». L'élégie est un poème composé en distiques élégiaques (groupes de deux vers ; un hexamètre dactylique et un pentamètre), accompagné de la flûte. Les fragments conservés de Tyrtée ou de Solon, les distiques transmis sous le nom de Théognis nous montrent aussi des élégies guerrières ou une élégie politique. L'élégie devient poésie de l'amour ou de la douleur chez Callimaque puis à Rome, notamment avec Tibulle et Properce ; les Tristes d'Ovide disent la douleur de l'exil. La complainte médiévale s'apparente, par le ton, à l'élégie, qui retrouve, avec la Renaissance, le thème douloureux. Dès le XIIe s., les élégies latines de Settimello ont préparé la voie au Canzoniere de Pétrarque et les distiques latins de Sannazzaro influencent la Pléiade et son expression de la fuite du temps, de la fragilité des êtres (Du Bellay, les Regrets ; Ronsard, Élégies, mascarades et bergeries). Camões au Portugal, Chiabrera en Italie illustrent le genre, qui, en Angleterre, devient majeur avec Spenser et Milton (Lycidas, 1637). Sont ainsi fixées les conventions élégiaques modernes : scène pastorale, invocation aux Muses, lien de la personne pleurée à la nature, méditation sur la destinée et le mal du monde, conclusion sur une note d'espoir – la mort est le commencement de la vie. Le XVIIe s. français, aux exceptions près, mais notables, de Théophile de Viau et de La Fontaine (Élégie aux nymphes de Vaux), ne favorise pas le genre, qui retrouve avec le sensualisme et l'épicurisme du XVIIIe s. (Parny, Bertin) une tonalité antique que précise Chénier (Élégies). Le préromantisme anglais et allemand donne sa véritable propriété au thème de la lamentation : les Nuits de Young, l'Élégie écrite dans un cimetière de campagne de Thomas Gray imposent la méditation douloureuse et rêveuse ; Gessner et sa sentimentalité, Goethe et les notations sensuelles des Élégies romaines fixent la double expression de l'élégie du XIXe s. Il ne s'agit plus alors de considérer la forme, mais l'omniprésente mélancolie, illustrée par Lamartine et Musset. La thématique du deuil et du souvenir subsiste chez Tennyson (Ode sur la mort du duc de Wellington), chez Pouchkine (Élégie sur le portrait de F. M. Barclay de Tolly) et culmine dans l'Adonais de Shelley, inspiré par la mort de Keats. Avec les Élégies de Duino de Rilke, la poésie est intériorisation progressive dans la parole de toutes choses périssables ; elle marque le recouvrement commun des deux domaines illimités de la vie et de la mort ; dans cet innommable, elle reste capable de recueillir tout objet et toute douleur, de composer les figures du Christ et du Saltimbanque. Juan Ramón Jiménez a usé du genre pour suggérer la pureté du dire poétique et l'opposer à la dégradation que porte tout souvenir. Aragon (Élégie à Pablo Neruda, 1966) prend prétexte du tremblement de terre qui a dévasté le Chili pour « exhaler la grande déploration par quoi la Terre même est accusée de trahison envers les poètes » et pour faire état de ses incertitudes politiques. Élégies (1967) de Jean Grosjean se conforme davantage au genre, tandis que B. Vargaftig inscrit Description d'une élégie (1975) dans la mouvance de Change et d'Action poétique.