Cadou (René Guy)
Poète français (1920-1951).
Hélène ou le monde végétal (1952) : c'est à ce livre central paru après sa mort que cet instituteur de formation, à l'origine directe de l'école de Rochefort, dont il est le cœur battant et le meilleur poète, confie le soin de traduire au plus près son amour pour sa femme, elle-même poète. Ami de Jacob, de Reverdy, ce chantre de l'attention aux choses simples – et donc obscures – du quotidien, ne peut parler de lui (Usage interne, 1951) sans passer par un monde aux vertiges terribles. Il se place à l'écoute mais à côté du surréalisme, pour décliner un univers personnel largement tributaire, comme chez Éluard, de la rencontre de l'autre féminin. Poète des mots simples, poète populaire et camarade, plus que tout poète aimé, ce romantique qui aime, ce chercheur de beauté voit son œuvre interrompue à trente et un ans. Le Grand Élan (1943) des Bruits du cœur (1942) s'interrompt.
Caedmon
Poète anglo-saxon (mort à Whitby v. 680).
Berger visionnaire puis bénédictin, il est, selon la légende, le premier auteur britannique. D'après le récit de Bède, Caedmon reçut la visite d'un ange qui lui inspira son premier poème. On lui doit plusieurs chants sacrés et des versifications de la Genèse, de l'Exode et du livre de Daniel : c'est l'archétype du barde chrétien.
Cage (John)
Compositeur et écrivain américain (Los Angeles 1912 – New York 1992).
Élève de Cowell et de Schönberg, il a inventé une nouvelle façon de penser la musique et tous les sons du monde. Pour lui, la musique embrasse tout ce que l'oreille, et même le corps entier, peut saisir. Influencé par les philosophies orientales (tout particulièrement le zen et le Livre des mutations chinois), il demande au créateur comme à l'auditeur d'être totalement à l'écoute et de ne rien rejeter par préjugé. Ses premières innovations musicales remontent aux années 1930 (ainsi, en 1938, le « piano préparé », où l'introduction de corps étrangers entre les cordes modifie non seulement les sonorités mais accroît l'imprévisibilité du résultat acoustique). Théoricien de l'indétermination dans la composition et de l'aléatoire dans l'exécution, apportant une conception neuve du silence, Cage se recommande d'une nouvelle civilisation orale et ouverte, où le mouvement et l'improvisation l'emportent sur la répétition et l'autorité (Silence, 1961 ; Dans un an à partir de lundi, 1967 ; Notations, 1969 ; M, 1973 ; Pour les oiseaux, 1981 ; Thèmes et variations, 1982). Il s'est ainsi révélé un diagonal, ses recherches touchant à la danse (il travaille avec Merce Cunningham), à la peinture (il a écrit sur Duchamp, Miró, Jasper Johns), à la poésie et à l'expression dramatique : c'est en 1952, à Black Mountain College, qu'il créa le premier happening, auquel participaient le danseur Cunningham, le peintre Rauschenberg et le poète Charles Olson.
Cailhava de L'Estendoux (Jean-François)
Auteur dramatique français (Toulouse 1731 – Sceaux 1813).
Il tenta de retrouver la dynamique comique de Molière à une époque où le théâtre était empoisonné par l'abus de bel esprit et défendit ses vues dans son Art de la comédie (1772). Ses pièces en vers (la Présomption à la mode, 1763 ; le Mariage interrompu, 1769 ; l'Égoïsme, 1777) et en prose (le Tuteur dupé, 1765 ; le Cabriolet volant, 1770 ; les Journalistes anglais, 1782) connurent à l'époque un vif succès.
Caillois (Roger)
Écrivain français (Reims 1913 – Paris 1978).
À Paris, en 1932, il rencontre Breton et adhère au groupe surréaliste, avec lequel il rompra en publiant une lettre ouverte, Procès intellectuel de l'art. En 1936, il passe l'agrégation, soutient son diplôme de l'École pratique des hautes études (les Démons de midi) et lance avec Aragon, Monnerot et Tzara la revue Inquisitions. En 1937, il fonde avec Bataille puis Leiris le « Collège de sociologie ». Son premier recueil, le Mythe et l'Homme (1938), dresse un inventaire et esquisse une logique générale de l'imagination affective. À l'opposition traditionnelle des désordres de l'imagination et de l'ordre rationnel, Caillois veut substituer une conception plus rigoureuse de la raison qui lui permettrait de montrer que le désordre fait partie de l'ordre des choses. L'Homme et le Sacré (1939) analyse le sacré dans sa double nature : pur ou impur, objet d'attrait ou d'horreur, sacré de cohésion ou de dissolution, il est au cœur du social, lequel ne saurait se réduire au profane et à la seule nécessité économique. Considéré comme le manuel du Collège de sociologie, l'ouvrage connaîtra trois éditions (1939, 1950, 1963). Invité à Buenos Aires par Victoria Ocampo dans le cadre de conférences sur les mythes pour la revue Sur, il y reste cinq ans à cause de la Seconde Guerre mondiale. Il fonde alors la revue Lettres françaises et publie divers ouvrages : le Roman policier, Puissances du roman, les Impostures de la poésie, le Rocher de Sisyphe, Essai sur l'esprit des sectes. De retour à Paris, il entre, en 1948, à l'Unesco, et crée chez Gallimard « la Croix du Sud », où il traduit Borges. En 1952, il fonde la revue Diogène et publie l'Incertitude qui vient des rêves (1956), les Jeux et les Hommes (1958), Méduse et Cie (1960). Dans Ponce Pilate (1961), bref récit de facture borgésienne, à mi-chemin de la reconstitution historique et du conte philosophique, Caillois imagine que Pilate a refusé de faire exécuter l'illuminé qui se faisait passer pour le Messie et envisage les conséquences d'un tel événement. Suivront Au cœur du fantastique (1965), Pierres (1966), Cases d'un échiquier (1970), et l'Écriture des pierres (1970), qui envisage, à travers des descriptions souvent poétiques, les formes d'une « esthétique généralisée ». Approches de l'imaginaire (1974), recueil de textes marqués par son passage dans le surréalisme ou écrits dans le cadre du Collège de sociologie, constitue un essai de définition de la logique de l'imaginaire, à travers la découverte de la parenté profonde des démarches esthétiques de l'art et de la nature et de l'éclatement des formes d'expression linguistique et romanesque. Son dernier livre, le Fleuve Alphée (1978), est sa biographie intellectuelle. Polymorphe, l'œuvre de Caillois se défie des systèmes et recherche une lecture du monde toujours plus précise et plus juste. Elle tente de comprendre l'homme en regardant la société, en recherchant cette unité originelle perdue qui lie l'évolution culturelle et la vie individuelle. Au croisement de l'imaginaire et de la sociologie, du désir et de la raison, l'écriture de Caillois retrouve, dans une forme moderne, les accents des premières littératures et leur visée cosmogonique.