Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Peroutka (Ferdinand)

Écrivain et journaliste tchèque (Prague 1895 – New York 1978).

Dirigeant les revues Temps présent (1924-1938) et Aujourd'hui (1946-1948), déporté par les nazis et exilé en 1948, il écrivit des essais (Comment sommes-nous ?, 1924 ; Luttes pour aujourd'hui, 1925 ; Oui et Non, 1932 ; la Construction de l'État, 1933-1938), des romans et des pièces (Nuage et Valse, 1947).

Perrault (Charles)

Écrivain français (Paris 1628 – id. 1703).

Fils d'un avocat au parlement, il était le dernier de quatre frères, et le jumeau d'un cinquième qui ne survécut pas. La critique moderne (M. Soriano) a vu dans cette gémellité avortée la source des choix esthétiques de l'écrivain, hanté par « une incertitude fondamentale concernant son existence ou la nature même de sa personnalité ». Il entre dans la vie littéraire par le burlesque, écrivant avec ses frères Nicolas (1611-1661), qui devait devenir un théologien janséniste, et Claude (1613-1688), un pastiche du VIe livre de l'Énéide et un poème burlesque, les Murs de Troie (1653), où s'affirment déjà des positions modernes. Entré dans les services de son frère Pierre (1608-1680), premier commis de Colbert, il travailla pendant vingt ans à organiser dans l'art et la littérature le système louis-quatorzien du pouvoir absolu : il fut contrôleur général de la surintendance des Bâtiments du roi, membre de la commission chargée de rédiger les inscriptions des monuments publics (la future Académie des inscriptions et belles-lettres), membre fort influent de l'Académie française. Le 27 janvier 1687, sa lecture, à l'Académie, du poème le Siècle de Louis le Grand lança la querelle des Anciens et des Modernes. Entraîné dans une longue polémique (évoquée dans ses Mémoires, 1759), en particulier avec Boileau, Perrault publia les quatre parties du Parallèle des Anciens et des Modernes (1688-1697) qui traitent successivement de la supériorité des modernes dans les arts et les sciences, l'éloquence, la poésie, les techniques, la philosophie et la musique. Il récidiva avec les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle (1696-1700).

   Mais c'est grâce à ses Histoires ou Contes du temps passé (1697), dits aussi Contes de ma mère l'Oye (en prose et en vers), que Perrault est passé à la postérité : qui ne connaît Barbe-Bleue, mari sanguinaire, le Petit Chaperon rouge, qui a bien tort de se promener seule dans les bois, la Belle au bois dormant, que seul l'amour peut éveiller, Peau d'âne, qui doit échapper à l'amour de son père, et le Chat botté, image et symbole de ce que peut la ruse pour l'ascension sociale...? Les doubles jeux de la littérature orale traditionnelle, archaïque et «  naïve  », et de l'écriture mondaine et lettrée, de la croyance et de l'ironie, du didactisme moral et des implicites (craintes ancestrales, violence, sexualité), en font (comme des Fables de La Fontaine) une des œuvres à la fois les plus populaires et les plus énigmatiques de la littérature française. La cruauté, l'effroi, le merveilleux, la familiarité et la malice y sont savamment dosés, grâce à une technique du récit qui privilégie l'évocation sur la démonstration, en rendant quotidien le fantastique. Classiques par leur élaboration formelle, leurs préoccupations pédagogiques réfléchies et leur orientation rationaliste, baroques par leurs thèmes merveilleux, leur art du masque (permettant ambiguïté et doubles lectures) et l'émergence mal maîtrisée de l'inconscient de l'artiste, les Contes apparaissent aussi comme une parfaite illustration de la théorie de la « modernité » (la tradition orale contre l'imitation de l'antique, le public mondain contre le public docte) professée par leur auteur. Dans ses Réflexions chrétiennes, Perrault notait que « l'odeur agréable des grands bois de haute futaie n'est dans son origine que la puanteur de quelque vieille souche pourrie » : ainsi l'humus de la vie d'un académicien classique a-t-il donné naissance à un chef-d'œuvre improbable, dont la fraîcheur intacte brille toujours d'un éclat inquiétant.

Perrault (Claude)

Médecin, physicien et architecte français (Paris 1613 – id. 1688).

Frère de C. Perrault, avec qui il collabora dans plusieurs entreprises de poésie burlesque (les Murs de Troye, 1653), et dont il partageait les positions « modernes », il fut un savant polyvalent et novateur : à l'Académie des sciences, il s'occupa d'anatomie, de physique, de zoologie. Il s'illustra surtout comme architecte (la colonnade du Louvre, l'Observatoire de Paris) et traduisit le traité De Architectura de Vitruve (1678).

Perret (Jacques)

Écrivain français (Trappes 1901 – Paris 1992).

Royaliste, il a tiré de sa vie aventureuse des romans (Roucou, 1936 ; Rôle de plaisance, 1957 ; le Caporal épinglé, 1947, évoquant sa captivité) qui le montrent pessimiste et souriant, comme aussi Bande à part (1952). Il écrit des souvenirs d'enfance (Grands Chevaux et dadas, 1977), des nouvelles (la Bête Mahousse, 1951), des pamphlets (Bâtons dans les roues, 1953), avant d'atteindre à une bonhomie ironique (Belle Lurette, 1982).

Perrier (Anne)

Poétesse suisse de langue française (Lausanne 1922).

Éloges de la nature ou hymnes à la vie, ses poèmes, d'une grande rigueur verbale, le plus souvent brefs sinon lapidaires, équilibrés sans excès, aux figures toujours justes, se veulent présence avant tout : ils créent une ambiance, rappellent la fuite inexorable du temps, permettent de prendre conscience de ce qui donne son prix à la vie qui passe. À preuve, le Livre d'Ophélie (1979) ; la Voie nomade (1986) ; Poésie (1960-1986, réédité avec une préface de Philippe Jaccottet, 1988).

Perron (Jacques Davy du)

Cardinal et écrivain français (Saint-Lô 1556 – Paris 1618).

Né dans une famille protestante, il reçoit une éducation humaniste poussée (latin, grec, hébreu). Introduit à la Cour en 1576, il devient le lecteur d'Henri III. Converti au catholicisme, il devient prêtre, évêque d'Évreux (1591), cardinal (1604), puis grand aumônier de France. Pour n'être pas de premier plan, son rôle littéraire n'est pas pour autant négligeable. Deux éditions collectives de ses œuvres parurent en 1622 et 1629. Elles comprennent d'abord un volet poétique constitué de traductions (Horace, Virgile, les Psaumes) et de compositions personnelles profanes comme religieuses. Ensuite, un volet critique, représenté par les Perroniana, collection de jugements et de commentaires sur la poésie du temps. Un volet oratoire, enfin, spécifiquement lié à sa carrière d'homme d'Église. À l'exception, en effet, de quelques discours profanes (tel l'Éloge de Ronsard prononcé en 1586 au collège Boncourt en présence de toute la Cour), ce troisième volet est essentiellement constitué d'opuscules théologiques et de sermons. Du Perron joua un rôle de premier plan dans le mouvement de la Contre-Réforme. Le plus célèbre débat auquel il prit part fut celui qu'il engagea en mars 1600, devant la Cour et le roi lui-même, avec l'écrivain protestant Duplessis-Mornay. D'une manière générale, son œuvre est marquée par l'esthétique baroque : faconde, emphase, goût des citations et des digressions.