Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Apoukhtine (Alekseï Nikolaïevitch)

Écrivain russe (Bolkhov, gouvern. d'Orel, 1841 – Saint-Pétersbourg 1893).

Bien que son premier cycle poétique (Esquisses villageoises, 1859) rappelle la poésie sociale d'un Nekrassov, Apoukhtine se retire par la suite dans un aristocratisme qui fait le charme anachronique de son œuvre. Lorsqu'il renoue avec la vie littéraire, dans les années 1880, ses motifs de prédilection sont le désenchantement, le désir de fuir la société, comme dans le long poème Une année au monastère (1885). Sa prose est écrite dans un style laconique, volontiers sarcastique. Les Archives de la comtesse D. (1890) sont un récit épistolaire original qui ne comporte que les lettres adressées à l'héroïne par les personnages les plus divers. Le Journal de Pavlik Dolski (1891) met en scène un héros indolent, amené à tremper dans un crime. Récit fantastique, Entre la mort et la vie (1895) narre, du point de vue d'un défunt, ce qui se passe après la mort.

Appelfeld (Aharon)

Écrivain israélien d'expression hébraïque (Czernowitz 1932).

Déporté à l'âge de 8 ans, il émigra en Palestine en 1946 après la guerre. Ses nouvelles (Fumée, 1962 ; Givre sur la terre, 1965 ; Au rez-de-chaussée, 1968) peignent l'univers de survivants de l'holocauste, tandis que la plupart de ses romans (la Peau et la Chemise, 1971 ; le Temps des prodiges, 1978 ; Badenheim 1939, 1979 ; Jusqu'à l'aube, 1995 ; Tous ceux que j'ai aimés, 1999 ; Voyage vers l'hiver, 2000) traite du judaïsme européen d'avant-guerre. L'action de ses œuvres se déroule soit avant, soit après la tourmente, et la Shoah est évoquée dans une écriture de l'allusion et du non-dit. C'est seulement dans l'un de ses derniers romans, la Mine de glace (1997), qu'il situe l'intrigue au cœur de la guerre, d'abord dans le ghetto, puis dans le camp. Précurseur de la prose israélienne qui traite de la Shoah, son style, dont le rythme est unique, est à la recherche d'une identité perdue et marque la littérature de « la deuxième génération ».

Apte (Hari Narayana)

Écrivain indien de langue marathi (Indore 1864 – Poona 1919).

S'inspirant de Dickens, il est l'auteur de 21 romans sociaux, dont le plus connu s'intitule Mais qui s'en soucie ? (1893), et dénonce les dures réalités de la condition féminine.

Apulée

Écrivain latin (Madaure, Numidie, v. 125 – Carthage après 170).

Après des études à Carthage, ce Berbère romanisé se rendit à Athènes et parcourut la Grèce ; il y devint un adepte du platonisme et se fit initier à diverses religions orientales. Il revint ensuite en Afrique et s'établit à Carthage, où il donna de brillantes conférences de vulgarisation philosophique et scientifique, qui lui valurent une immense renommée. Curieux de tout, il est l'auteur de plusieurs opuscules de philosophie, dont quelques-uns (Platon et sa doctrine, le Dieu de Socrate...) sont parvenus jusqu'à nous. Il nous reste également de lui un plaidoyer (Apologia sive de magia), dans lequel il se défend, non sans humour, d'une accusation de magie, portée contre lui par les héritiers d'une riche veuve à la suite de son mariage suspect avec celle-ci, ainsi qu'une anthologie de ses conférences carthaginoises (les Florides).

   Mais Apulée doit surtout sa célébrité à un roman en onze livres, les Métamorphoses ou l'Âne d'or, qui développe un canevas fourni par la « nouvelle » de Lucien de Samosate, Lucius ou l'Âne. Ce roman, écrit à la première personne comme le Satyricon de Pétrone, relate dans un style maniéré les pérégrinations à travers la Grèce d'un jeune Corinthien, accidentellement transformé en âne par la servante d'une magicienne. Dans la tradition des contes « milésiens », les dix premiers livres se présentent comme un roman d'aventures, riche en épisodes tantôt comiques, tantôt dramatiques, où violence et érotisme tiennent une place importante, et qui préfigurent le roman « picaresque » moderne. Mais ils incluent aussi, raconté par un personnage de vieille femme, un mythe d'inspiration platonicienne, le « Conte d'Amour et Psyché », qui occupe les deux livres centraux. Dans le onzième livre, fort différent des autres, le héros redevient un homme grâce à l'intervention de la déesse égyptienne Isis, au culte de laquelle il se fait ensuite initier avant d'entrer dans son clergé. Aussi les Métamorphoses, longtemps considérées comme un roman divertissant et quelque peu scabreux, sont-elles souvent interprétées, aujourd'hui, comme une œuvre ésotérique ayant une portée religieuse et mystique, suggérée à la fois par le dénouement et par le conte de Psyché : l'âme (en grec psyché) trouve le salut après une longue suite d'épreuves. Ni l'une ni l'autre de ces lectures ne fait l'unanimité des critiques, et ce roman, au demeurant d'une lecture attrayante, conserve beaucoup de son mystère.

Aqqad (Abbas Mahmud al-)

Écrivain égyptien (Assouan 1889 – Le Caire 1964).

Autodidacte de vaste culture arabe et anglo-saxonne, il participa à la fondation du groupe moderniste du Dîwân (1913 – 1921) qui pourfendait les poètes néoclassiques. Il fonda en 1923 le journal wafdiste al-Balâgh et y imposa pendant l'entre-deux-guerres ses talents de polémiste défenseur des libertés. Outre ses poèmes, il a laissé un roman psychologique (Sara, 1938) et des essais, notamment de critique littéraire.

Aquin (Hubert)

Écrivain québécois (Montréal 1929 – id. 1977).

Avec ses quatre romans (Prochain Épisode, 1965 ; Trou de mémoire, 1968 ; l'Antiphonaire, 1969 ; Neige noire, 1974), il est l'écrivain québécois le plus proche du Nouveau Roman français, malgré un certain lyrisme révolutionnaire. Il brouille les pistes, entremêle ses récits d'épisodes policiers et érotiques. Son œuvre reflète sa vie agitée, passionnée : il a milité dans le mouvement indépendantiste, refusé le prix du Gouverneur général, rompu avec la revue Liberté subventionnée par le Conseil des arts d'Ottawa, et a finalement choisi le suicide, quelques mois après l'accès au pouvoir du parti québécois. L'ensemble de son œuvre, y compris ses essais incisifs, est scientifiquement éditée et très étudiée.