Nouveau Roman
Le terme « Nouveau Roman » recouvre un ensemble hétérogène, éphémère et labile, inventé dans les années 1950 par une critique soucieuse de réunir sous une étiquette commode des auteurs qui partageaient certains partis pris conceptuels et techniques : rejet des canons romanesques (anthropomorphisme, psychologisme, illusion référentielle, chronologie) et refus de l'engagement sartrien. Entretenu par les Éditions de Minuit, ce phénomène médiatique correspondait à un nouveau réalisme, qui remettait en cause la fiction traditionnelle et pouvait donc se revendiquer de tous les écrivains ayant manifesté des préoccupations théoriques et formelles, de Diderot à Joyce en passant par Sterne, Flaubert, Faulkner ou Kafka : en troublant la relation entre auteur et lecteur, ceux-ci auraient préparé « l'ère du soupçon » identifiée par Sarraute (1950). Claude Mauriac parla quant à lui d'« alittérature » (1958).
Avant qu'apparût la prétendue « École du regard », Barthes évoqua une littérature « littérale » ou « objective » à propos de Robbe-Grillet. Ce dernier, bientôt sacré « pape » de la nouvelle chapelle, explicita le déclin du genre romanesque (Pour un nouveau roman, 1963) et promut une esthétique de la déception par la précision des descriptions (les Gommes, 1953), la neutralité apparente du point de vue (la Jalousie, 1957), la confusion des niveaux de la narration (Dans le labyrinthe, 1959). Parallèlement, Butor déconstruisait le récit : simultanéisme (Passage de Milan, 1954), infinité d'échos suscités par l'écriture (l'Emploi du temps, 1956), étude de la durée intérieure (la Modification, 1957), impossible exhaustivité du dire (Degrés, 1960). Sarraute auscultait le domaine des tropismes et de la sous-conversation (Martereau, 1953 ; le Planétarium, 1959), tout en s'inscrivant dans la lignée de Proust. Également marqué par lui, Simon prit pour matière première « la discontinuité, l'aspect fragmentaire des émotions », et « leur contiguïté dans la conscience », l'œuvre étant alors travail sur la mémoire (le Vent, 1957 ; l'Herbe, 1958) et sur l'Histoire (la Route des Flandres, 1960). Ollier explorait un autre dédale universel, où s'affrontent imaginaire personnel et contraintes sociales (la Mise en scène, 1958 ; le Maintien de l'ordre, 1961), tandis que Pinget posait les problèmes de la création en rapport avec une conscience malheureuse mais non dénuée d'humour (Mahu ou le matériau, 1952 ; Baga, 1959) – tout comme chez Beckett (Molloy et Malone meurt, 1951 ; l'Innommable, 1953). Duras accompagna quelque temps la mouvance (Moderato cantabile, 1958 ; Dix heures et demie du soir en été, 1960).
Dès les années 1960, le regroupement commença de se désagréger, chacun poursuivant isolément sa propre quête, parfois en direction du cinéma ou du théâtre. Jean Ricardou entendit alors systématiser les recherches textuelles de ses aînés, en menant de front expérimentation (l'Observatoire de Cannes, 1961 ; la Prise de Constantinople, 1965 ; les Lieux-dits, 1969) et théorisation (Problèmes du Nouveau Roman, 1967 ; Pour une théorie du Nouveau Roman, 1971 ; le Nouveau Roman, 1973). Lors d'un colloque à Cerisy (1971), sa tentative d'imposer une vision strictement formaliste échoua : s'ils étaient convaincus que le roman est « moins l'écriture d'une aventure que l'aventure d'une écriture », les participants ne souscrivirent point au dogmatisme d'une école dont ils avaient toujours récusé l'idée. En 1982, un colloque à New York entérina ce fait : la cohésion, instable, du « Nouveau Roman » se fonde dans la pratique poétique d'œuvres irréductiblement individuelles.
nouveau théâtre
La critique a réuni sous cette appellation l'ensemble des manifestations, fort diverses, du théâtre d'avant-garde dans les années 1950. À travers les œuvres d'Adamov, de Beckett, d'Ionesco, de Genet, de Vauthier, mais aussi d'Audiberti et de Pichette, se dessine un travail de sape de la vieille dramaturgie bourgeoise, de l'esthétique de la « pièce bien faite » et de la pensée positiviste héritée du XIXe siècle. Ainsi ce « nouveau » théâtre, dont le dénominateur commun est avant tout de rompre avec « l'ancien », met en avant une représentation nouvelle de l'humain, n'obéissant plus à la logique de la psychologie traditionnelle. L'homme social se voit réduit à l'homme « naturel », prisonnier de la trivialité de ses besoins et des objets nécessaires à sa survie ; son destin s'inscrit dans une perspective résolument absurde, mêlant le comique, voire le burlesque, au tragique.
Les grandes dates fondatrices du Nouveau Théâtre restent : les représentations de la Grande et la Petite Manœuvre (mise en scène par Roger Blin en 1950 au Théâtre des Noctambules) et de Ping-Pong (mise en scène par Jacques Mauclair en 1955, aux Noctambules) d'Adamov ; celles de la Cantatrice chauve (mise en scène de Nicolas Bataille, en 1950, aux Noctambules), de la Leçon (mise en scène de Marcel Cuvelier, en 1951, au Théâtre de Poche) et des Chaises (mise en scène de Sylvain Dhomme, en 1952, au Théâtre de Lancry) d'Ionesco ; celle surtout d'En attendant Godot (mise en scène de Roger Blin, en 1953, au Théâtre de Babylone) de Beckett.
Nouvelle-Zélande
La littérature néo-zélandaise constitue un phénomène culturel récent, puisque ses débuts ne remontent guère au-delà des années 1930. La modestie de ses réalisations n'est pas sans rapport avec l'isolement géographique, et par suite artistique, du pays. Cette situation a contraint nombre d'écrivains à s'expatrier en Europe, comme le fit Katherine Mansfield, ou en Australie comme Douglas Stewart. L'isolement explique aussi l'influence qu'eut pendant longtemps la littérature britannique, influence actuellement battue en brèche par les modes culturelles venues des États-Unis.
La tradition maorie
Avant l'arrivée de l'écrit existait une tradition maorie orale très riche, fondée notamment sur l'histoire mythique qui remonte aux origines du peuple maori, à l'île de Hawaiki. Les Maoris sont venus vers 800 ap. J.-C. de l'est de la Polynésie, sur le territoire qu'ils appellent Aotearoa. Les premiers écrits maoris (le maori s'écrit depuis 1815 environ) traitent de l'invasion des Européens. On peut dire qu'aujourd'hui ces deux traditions se sont mêlées, et nombre d'éléments de la tradition orale – par exemple les proverbes (whakatanki), les incantations (karakia) ou encore les récits (korero) – ont été retranscrits. Une loi a été votée en 1987 pour sauvegarder la langue, parlée de moins en moins, et le maori est désormais une des langues officielles du pays.
Le temps des colons
Les premières œuvres écrites et publiées en Nouvelle-Zélande concernent les mythes et les poèmes maoris, qui furent recueillis dès 1854 par sir George Grey. On trouve aussi des récits et des mémoires écrits par les colons, et qui traitent de l'émigration, de la vie et des problèmes des pionniers : Aventures en Nouvelle-Zélande (1845) de E. J. Wakefield ; Taranaki : un récit de la guerre (1861) de Henry Butler Stoney ; Vieille Nouvelle-Zélande (1863) de F. E. Manning, le Roi Maori (1864) de J. E. Gorst. L'écrivain anglais Samuel Butler, qui passa quelques années dans le pays, raconta son expérience dans sa Première Année dans l'établissement de Canterbury (1863). Les récits sont dominés par un réalisme souvent naïf et des visées didactiques. Durant cette seconde moitié du XIXe s., quelques poètes se manifestent, qui imitent souvent la poésie victorienne : A. Domett (1811-1887) est l'auteur d'un poème épique sur les Maoris, traitant d'une union interraciale entre un jeune naufragé anglais et une princesse maorie (Ranolf et Amohia, 1872), tandis que Thomas Bracken (1843-1898) donne au pays son hymne national (Que Dieu protège la Nouvelle-Zélande). John Barr (1809-1889) se singularise en écrivant en dialecte écossais.
Avec les années 1890 apparaissent les sentiments nationalistes qui donnent aux écrivains plus de confiance en leur talent, sans toutefois extirper totalement le complexe d'infériorité des « coloniaux » à l'égard de la métropole : ainsi chez William Pember Reeves (la Longue Nuée blanche, 1898) et la « balladiste » Jessie Mackay (Terre du matin, 1909). Au début du XXe s., le roman garde une tonalité nettement historique avec la Porte de jade (1914) de William Satchell (1860-1942) et Tutira : histoire d'un élevage de moutons néo-zélandais (1921) de W. B. Guthrie, tandis que Pencarrow (1922) de Nelle Scanlan brosse la chronique d'un siècle de vie néo-zélandaise. Les thèmes sont liés à la délicate période de la construction de la nation, et le progrès (teinté parfois de darwinisme, comme dans la saga la Terre de mes enfants de Helen Wilson, 1874-1957) et le projet colonisateur sont envisagés sous le même angle « civilisateur » (Ceux qui amènent la loi, de G. B. Lancaster, 1913).