Whittier (John Greenleaf)
Écrivain américain (près de Haverhill, Massachusetts, 1807 – Hampton Falls, New Hampshire, 1892).
Journaliste, il publie un premier volume de contes, Légendes de la Nouvelle Angleterre (1831). Surnommé le « Quaker militant », il embrasse la cause abolitionniste publiant pamphlets et poèmes (Voix de la liberté, 1846). En 1849, il fait paraître son seul roman, Extraits du journal de Margaret Smith (1849). 1866 est l'année de son grand succès poétique Enneigés, évocateur de malheurs familiaux. L'œuvre de Whittier traduit un sentiment pastoral, caractéristique de l'idéologie américaine libérale du début du XIXe s.
Wickram (Jörg)
Écrivain alsacien (Colmar v. 1505 ou v. 1520 – Burkheim-en-Brisgau v. 1562).
Son œuvre littéraire est abondante et variée : il a fondé une école de maîtres chanteurs à Colmar (1449), écrit des Fastnachtspiele et des drames bibliques ; mais c'est surtout dans ses recueils d'anecdotes et de facéties, en particulier son livre le Petit Livre de la charrette (1555), qu'il réussit à donner une image vivante de la société de son temps. Ses romans (le Fil d'or, 1554 ; le Miroir des jeunes garçons, 1554 ; Des bons et des mauvais voisins, 1556) marquent la naissance du roman en prose allemand et le passage du roman de chevalerie au roman bourgeois.
Wideman (John Edgar)
Écrivain américain (Washington, D.C., 1941).
Un des rares romanciers issus de l'ère du Black Power sans sacrifier son art aux exigences de la revendication politique, Wideman retrace une journée dans la vie d'un drogué dans son premier roman, Juste un coup d'œil (1967). Rentre vite chez toi (1970) met en scène les tensions culturelles qui déchirent un jeune Noir américain et l'amènent en Europe, puis aux portes de l'Afrique. Le style poétique de ce roman ne se retrouve pas dans les Lyncheurs (1973), Damballah (1981), la Planque (1984) et Pour toi, d'hier (1983), où s'exhibe la violence de la réalité noire aux États-Unis dans une prose brutale. Réflexion autobiographique sur le ghetto et sur le destin de son frère, emprisonné pour meurtre, Gardiens de nos frères (1985) révèle tout ce qui lie et sépare l'écrivain de son milieu d'origine dévasté.
Wiechert (Ernst)
Écrivain allemand (Kleinort 1887 – Uerikon 1950).
Hostile au régime nazi, il est interné au camp de Buchenwald en 1938. Romancier (la Forêt, 1922 ; le Loup des morts, 1924), il fait des Enfants Jeromine (1945-1947) l'épopée d'un village de Prusse-Orientale. Missa sine nomine (1953) tourne autour du problème de la responsabilité politique. Certains récits autobiographiques (Forêts et Hommes, 1936 ; la Forêt des morts, 1945) évoquent son expérience de la déportation. Esprit inquiet, détaché du protestantisme familial, mais nourri de la Bible, il a renforcé dans la littérature allemande la tendance à l'irrationalisme poétique, typique des provinces de l'Est.
Wieland (Christoph Martin)
Écrivain allemand (Oberholzheim, près de Biberach, 1733 – Weimar 1813).
Fils de pasteur et d'abord marqué par son éducation piétiste, il débute par des poèmes séraphiques et des épopées dans le goût de Klopstock ou de Bodmer (la Nature des choses, 1752 ; Anti-Ovide, ou l'Art d'aimer, 1752), des opuscules moralisateurs et des tragédies sentimentales (Lady Johanna Gray, 1758). Une profonde crise psychologique, la fréquentation d'un cercle éclairé groupé autour du comte Stadion, le font se tourner vers les Lumières. Auteur de Contes comiques (1765) dans le goût de La Fontaine, il se moque du mysticisme et de la superstition dans Don Silvio de Rosalva (1764). Agathon (1766, versions remaniées en 1773 et 1798), premier exemple d'un Bildungsroman, retrace sous un masque grec transparent les incertitudes de la jeunesse de Wieland. En 1768, Musarion ou la Philosophie des Grâces, à mi-chemin entre le poème didactique et le conte comique, expose une philosophie du bonheur inspirée de Shaftesbury, conciliant nature et esprit, plaisir et vertu et qui évoluera toujours davantage vers les positions des cyniques grecs, comme le montre Socrate en délire (1770). Nommé en 1769 professeur à Erfurt à la suite de sa monumentale traduction de Shakespeare, Wieland y rédige un roman politique dans l'esprit de l'absolutisme éclairé, le Miroir d'or ou les Rois du Scheschian (1772), qui lui vaut d'être appelé à la cour de Weimar comme précepteur du duc héritier. Il y fait représenter un « Singspiel », Alceste (1773), et fonde la revue littéraire le Mercure allemand (1773-1789), qui contribuera à l'avènement du classicisme weimarien. Il publie le roman les Abdéritains (1774-1781), spirituelle satire de l'étroitesse philistine, puis en 1780 son chef-d'œuvre, l'épopée Obéron qui allie à la grâce légère du récit et à la virtuosité de la versification la gravité d'un idéal d'humanité qui rapproche Wieland de Lessing. Le roman Aristippe (1800-1802) réaffirme l'attachement de l'auteur, alors en butte aux attaques des romantiques, au cosmopolitisme de l'Aufklärung (on le surnomma le « Voltaire de l'Allemagne »).
Wiesel (Élie)
Écrivain américain d'origine hongroise et d'expression française (Sighet, Hongrie, 1928).
Issu d'une famille juive de Transylvanie, il est déporté à 16 ans à Birkenau, à Auschwitz et à Buchenwald. Seul (ou presque) survivant de sa famille, il place toute son œuvre sous le signe de son expérience de la souffrance et de la haine, et de l'approfondissement de la condition juive : la trilogie la Nuit (1960), l'Aube (1960), le Jour (1961) compose les premières pierres du « monument invisible » qu'il élève à la mémoire des victimes des crématoires. Mais en même temps court en filigrane de tous ses récits un espoir irrépressible qui s'enracine dans la tradition juive, les légendes orales (les Portes de la forêt, 1964 ; le Mendiant de Jérusalem, 1968). En 1966, après une enquête en U.R.S.S., il donne la parole aux Juifs du silence : l'expression restera pour désigner les Juifs des pays de l'Est, victimes d'un double racisme, héréditaire et idéologique, populaire et officiel. Après les nouvelles, ou plutôt les prières du Chant des morts (1966), et l'évocation dramatique du conflit entre l'intransigeance ancestrale et la compromission avec le monde (Zalmen ou la Folie de Dieu, 1968), Wiesel dit son attachement à Israël – attachement plus métaphysique que proprement politique – dans Un Juif d'aujourd'hui (1977). Il remonte au cœur du hassidisme avec Célébration hassidique (1972), Portraits et Légendes (1975), Célébration biblique (1975), Contre la mélancolie, célébration hassidique (1981). Mais son esprit reste hanté par les violences des pogroms et des camps, qu'ils soient tsaristes, nazis ou staliniens (le Serment de Kolvíllág, 1973 ; le Procès de Shamgorod, 1979 ; le Testament d'un poète juif assassiné, 1980 ; Paroles d'étranger, 1982) : une psalmodie qui mêle larmes et cris d'espoir, interrogations passionnées des rescapés et des bourreaux, une méditation continue sur l'exécration et le pardon (le Cinquième Fils, 1983 ; Signe d'exode, 1985 ; le Crépuscule au loin, 1987).