Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

Burssens (Gaston)

Écrivain belge d'expression néerlandaise (Termonde 1896 – Ekeren 1965).

Poète marqué par le surréalisme (Piano, 1925), il évolua, avec Paul Van Ostaijen, vers un « expressionnisme organique » dans ses recueils (Pièges pour oiseaux chanteurs, 1930 ; Adieu, 1958) et ses essais (Fabula rasa, 1945).

Burton (Robert)

Écrivain anglais (Lindley, Leicestershire, 1577 – Oxford 1640).

Pasteur humaniste, il brocarde les intellectuels (Philosophaster, 1606), avant de réhabiliter une « humeur » compromise par les affectations aristocratiques ou puritaines dans l'Anatomie de la mélancolie par Démocrite Junior (1621-1651). À travers des digressions érudites, cette compilation de sources très diverses fonde la psychopathologie amoureuse et religieuse du deuil, de l'abandon, du ressentiment et de l'humour.

Busch (Wilhelm)

Écrivain et dessinateur allemand (Wiedensahl 1832 – Mechtshausen 1908).

Ses histoires dessinées lui valurent une extraordinaire popularité dans toute l'Allemagne. Max et Moritz (1865), Hans Huckebein (1868), la Pieuse Hélène (sa contribution au Kulturkampf anticatholique, 1872), Knopp (1875-1876), Plisch et Plum (1882) fourmillent de sentences malicieuses couramment citées par les Allemands. Leurs dessins forment avec leurs commentaires rimés une unité d'un très fort pouvoir comique. Leur cruauté se rattache à la tradition du conte populaire allemand, mais dans leur misanthropie, leur misogynie et leur pessimisme se reflète aussi la pensée de Schopenhauer. Par l'intermédiaire de ses imitateurs américains, Busch a influencé la bande dessinée.

Busi (Aldo)

Écrivain italien (Montichiari, Brescia, 1948).

Il connaît le succès grâce à son premier roman (Séminaire sur la jeunesse, 1984), « roman de formation », dont l'originalité stylistique et le goût de la provocation se retrouvent également dans ses œuvres suivantes (Vie standard d'un vendeur provisoire de collants, 1985 ; Sodomie en corps onze, 1988 ; Pour une Apocalypse plus svelte, 1999).

Busiri (Charaf al-Din al-)

Poète égyptien d'origine berbère (1212 – Alexandrie entre 1294 et 1297).

Il est célèbre pour le Manteau, poème à la louange du Prophète, traduit en français par le cheikh Si Hamza Boubakeur dans son commentaire de la sourate XLVII.

Buson Yosa

Poète et peintre japonais (Kema, province de Settsu, 1716 – Kyoto 1783).

Fils de propriétaire terrien, il perd tôt ses parents et se rend vers sa vingtième année à Edo, où il acquiert une solide formation poétique et picturale. Il entreprend ensuite de longs voyages sur le modèle des pérégrinations de Basho, et s'impose en tant qu'artiste, peintre de paysages à la chinoise haiga, équivalent pictural du haikai. En 1766, il se fixe à Kyoto et se consacre à l'activité poétique. Tout en prônant le retour à Basho, il n'en pratique pas moins un art très différent, visant dans ses vers nourris de culture classique un idéal de beauté et de liberté, refuge contre les limitations de la vie ordinaire.

Bussy (Roger de Rabutin, comte de) , connu sous le nom de Bussy-Rabutin

Général et écrivain français (1618 – 1693).

Soldat courageux, il se livrait volontiers à son goût pour le libertinage et la littérature. En 1659, il célébra le carême d'une manière si peu orthodoxe qu'il fut exilé sur ses terres pendant un an. Son Histoire amoureuse des Gaules, rédigée entre 159 et 1160, avait été composée pour divertir Mme de Montglat. L'œuvre, restée manuscrite, fut empruntée par la marquise de La Baume, qui en fit faire des copies ; l'une d'entre elles fut imprimée en Hollande en 1665. Jugée compromettante pour le roi lui-même, elle valut à son auteur treize mois à la Bastille et dix-sept ans d'exil en Bourgogne. Celui-ci vécut alors en Bourgogne, où il eut tout le temps d'écrire ses Mémoires, publiés en 1696. La variété, la durée et la précision de ses échanges épistolaires – notamment avec sa cousine Mme de Sévigné et les P. Rapin et Bouhours (à qui il servit de modèle et de juge de style) – font de sa Correspondance l'une des plus volumineuses et des plus remarquables du siècle.

Bustani (al-)

Famille libanaise d'écrivains de langue arabe.

Butrus (1819-1883) joua un rôle de premier plan dans la renaissance arabe par l'enseignement, l'imprimerie, la presse (il créa successivement quatre revues, Nafîr Sûryâ en 1860, puis al-Jinân, al-Janna et al-Junayna) et l'édition (lexicographe, il entreprit la rédaction de la première Encyclopédie arabe moderne, Dâ'irat al-ma'ârif). Salîm (1847-1884) collabora à l'Encyclopédie de son père Butrus, publia des romans en feuilleton dans al-Jinân (1870-1879), des poèmes et fit jouer des pièces de théâtre (Kays wa Laylâ, 1869). Sulaymân (1856-1925), ministre et critique littéraire, émigré à New York, a laissé une traduction en vers de l'Iliade.

Butler (Samuel)

Poète anglais (Strensham, Worcestershire, 1612 – Londres 1680).

Colonel dans l'armée des Puritains, secrétaire de G. Villiers à Paris (1670), il mourut pauvre, laissant Hudibras (1663-1664, 1678), poème héroï-comique, inspiré de Cervantès, Rabelais et Scarron, qui dénonce l'hypocrisie puritaine et dont l'antifanatisme sera admiré de Sterne et de Byron. L'Éléphant dans la Lune (1676), contre la Royal Society, inspirera Blake et Joyce.

Butler (Samuel)

Romancier anglais (Langar Rectory, Nottinghamshire, 1835 – Londres 1902).

Fils d'un clergyman, émigré en Nouvelle-Zélande, il regagne l'Angleterre en 1864. Après s'être essayé à la peinture, il se tourne vers la littérature et publie en 1872 Erewhon ou De l'autre côté des montagnes, satire acerbe de la société anglaise (le nom du pays imaginaire décrit dans l'ouvrage est l'anagramme de nowhere, « nulle part » ; la pauvreté et la maladie y sont jugées comme des fautes graves, tandis que le vol passe pour une maladie et la richesse pour une qualité morale). Dans Ainsi va toute chair (1903), il porte un regard critique sur l'atmosphère suffocante de son enfance victorienne.

Butor (Michel)

Écrivain français (Mons-en-Barœul 1926).

D'abord associée au Nouveau Roman, son œuvre explore diverses techniques propres à déconstruire le récit et entrecroise d'emblée deux composantes majeures : l'espace et le temps, inscrits dans une perspective de l'interaction et de la relativité. Dans Passage de Milan (1954), la simultanéité des actions est mise en abyme par la composition en damier d'un tableau à la Mondrian, tandis que l'Emploi du temps (1956) ressortit à un véritable jeu de piste organisé en canon musical. Avec la Modification (1957), Butor accède à la célébrité, la restitution du théâtre de la conscience et le travail sur la durée intérieure étant joints à une focalisation inédite qui substitue le vous au je ou au il de la narration traditionnelle. Cette première période se clôt avec Degrés (1960), où la superposition des voix empêche la restitution d'une heure de classe dans un lycée : la complexité du réel entraîne l'impossibilité de tout dire et engendre un cheminement aporétique.

   La découverte des États-Unis entraîne un véritable bouleversement, qui fait éprouver à Butor la nécessité de replacer l'anecdote dans son cadre originel, impliquant alors un tel effort de documentation que le développement de l'histoire s'en trouve écrasé. Avec Mobile (1962), il abandonne donc le genre romanesque, au profit d'une poiesis qui multiplie les collages narratifs, joue de sa propre précipitation, exploite les possibilités de la typographie et de la mise en page (Intervalle, 1973 ; Boomerang, 1978). Dès lors, Butor s'impose comme l'un des plus grands novateurs du siècle, par une écriture expérimentale qui renouvelle toutes les formes auxquelles il s'intéresse. Son inspiration se diversifie et intègre la musique (Votre Faust, 1962 ; Sept Harmoniques à la clef, 1984) et les beaux-arts (Illustrations, 1964-1976 ; les Mots sur la peinture, 1969), mais aussi la photographie, l'ethnologie, l'audiovisuel ou l'informatique. Éminemment polyphonique (6 810 000 litres d'eau par seconde, 1965 ; le Rêve d'Irénée, 1979), son œuvre transgresse tous les cloisonnements (Alechinsky : frontières et bordures, 1984 ; Frontières, 1985) pour forger un langage polymorphe qui brasse les codes hétérogènes de la modernité et soit, comme le rêve, une « plaque tournante qui donne sur tant de voies » (Histoire extraordinaire, 1961).

   La problématique de l'unité dans la diversité est présente au cœur même de l'organisation de l'œuvre avec ses systèmes d'échos et de renvois incessants (Envois, 1980-1982 ; Avant-goût, 1984-1989), qui témoignent des ambiguïtés d'une représentation hésitant entre l'herméneutique et la recension de l'ensemble du visible. À l'encontre d'une conception démiurgique de la littérature (Portrait de l'artiste en jeune singe, 1967), l'écriture trouve sa nécessité dans un parcours fragmentaire à travers les références oniriques (Matière de rêves, 1975-1985) et mythologiques d'un monde « autographe » (Paysages de répons, 1968). Raison pour laquelle un livre est toujours un essai (Essais sur le roman, 1964 ; ... sur les Modernes, 1964 ; ... sur les « Essais », 1968) ou une improvisation (Improvisations sur Flaubert, 1984 ; ... sur Henri Michaux, 1985 ; ... sur Rimbaud, 1989 ; ... sur Balzac, 1998). Avec la série des Répertoires (1960-1982) et les nombreux entretiens accordés par l'auteur, ces cycles constituent les balises d'une inlassable réflexion esthétique et ontologique, l'écrivain étant présenté comme celui qui « mène le murmure des choses jusqu'à la parole » et donne cohérence à des éléments qui, hors de la quête qu'ils suscitent, resteraient in-signifiants. En ce sens, il n'est pas fortuit que Butor place ses recherches littéraires sous les auspices d'une « itérologie » (Répertoire IV, 1974), car, chez lui, parcours géographique et tracé graphique s'entremêlent constamment, tout langage étant lui-même un déplacement de lignes (Réseau aérien, 1962). La création s'affirme comme une activité ouverte, ludique et aléatoire, qui exige la participation active du lecteur. Exposant ses mécanismes de fabrication et déconstruit (comme le temps), l'espace littéraire est de l'ordre du passage et du franchissement, avec pour corollaire une méditation sur les sites (le Génie du lieu, 1958-1994). Ses multiples variations, nourries d'encyclopédisme et empreintes d'utopie (la Rose des vents, 32 Rhumbs pour Charles Fourier, 1970), sont autant de Travaux d'approche (1972) et accèdent ainsi à l'universalité, la rencontre de l'Autre étant tributaire d'une vision cosmopolite et fraternelle de la culture.