Hawar
(l'Appel)
Revue culturelle kurde, éditée à Damas, entre 1932 et 1943, en kurde et en français.
Les premières tentatives de développement de la culture kurde ont commencé à la fin du XIXe siècle à Istanbul et au Caire. Interrompues par la Première Guerre mondiale, elles furent reprises, d'une part, dans la jeune République socialiste soviétique d'Arménie en accord avec la politique culturelle de l'U.R.S.S. et, d'autre part, en Iraq dans le cadre limité du régime linguistique privilégié accordé aux régions kurdes. En Syrie, sous mandat français, le mouvement culturel kurde prit une importance réelle au début des années 1930. Les initiateurs en furent les petits-fils de Bedir Khan Pacha Azizan, les émirs Celadet (1893-1951) et Kamuran (1895-1978), entourés non seulement de nombreux lettrés kurdes de Syrie, d'Iraq, de Transjordanie auxquels s'étaient associés des chefs de tribus, mais aussi d'orientalistes français tels que Roger Lescot et Pierre Rondot. Ils se regroupèrent autour de la revue Hawar dont la première tâche fut de répandre un alphabet kurde en caractères latins, plus adapté au génie de la langue que l'alphabet arabo-persan utilisé jusqu'alors. Hawar a été l'amorce de l'unification des dialectes kurdes septentrionaux et a contribué à la renaissance de la littérature populaire.
Hawkes (John)
Écrivain américain (Stamford, Connecticut, 1925 – Providence, Rhode Island, 1998).
Son œuvre, qui tient à la fois de Kafka et de Buñuel, joue tour à tour de la terreur et de l'ironie. Inaugurée dans le cadre apocalyptique de l'Allemagne de l'« année zéro » (le Cannibale, 1949), la série de ses romans brise avec la tradition réaliste pour évoquer des faits de la banalité quotidienne, sur le rythme du cauchemar éveillé : vol d'un cheval de course (le Gluau, 1961), libertinage dérisoire de couples croisés (les Oranges de sang, 1972), suicide d'un automobiliste (Mimodrame, 1976). Pour Hawkes, l'œuvre d'art est une agression, un crime dans un monde « insulaire » et schizophrénique, où la dégradation du moi s'exprime sur le mode de la pastorale (Cassandra, 1963) et où le déchirement de la personnalité nourrit une écriture éclatée (la Mort, le sommeil et un voyageur, 1974). L'art n'a plus l'ambition de récuser la mort et l'angoisse, mais simplement de les apprivoiser (l'Homme aux louves, 1979 ; les Deux Vies de Virginie, 1981 ; Aventures dans le commerce des peaux en Alaska, 1986 ; le Photographe et ses modèles, 1988).
Hawthorne (Nathaniel)
Écrivain américain (Salem, Massachusetts, 1804 – Plymouth, New Hampshire, 1864).
L'œuvre d'Hawthorne dessine le « power of blackness » propre à la littérature puritaine. La situation de l'écrivain est, comme l'a noté Henry James, paradoxale : attaché à une tradition, confondu avec la terre de ses ancêtres, il sait qu'aucune réalité ne lui est définitivement donnée et il s'attache, en un projet quasi généalogique qui appelle l'inévitable notation du mal, à restituer, dans le vide américain, l'image d'une identité culturelle devenue inopérante. De l'autobiographique Fanshawe (1828) aux essais sur l'Angleterre (Notre vieux foyer, 1863) et au cosmopolite Faune de marbre (1860), rien n'efface les constats des Contes racontés deux fois (1837) : le quotidien puritain même fait défaut. Les souvenirs de Brook Farm nourrissent une évocation critique de l'expérience transcendantaliste (le Roman de Blithedale, 1852), tandis que le séjour à Concord suscite un livre de mémoires et de parentés imaginaires (les Mousses du vieux presbytère, 1846). L'œuvre se constitue véritablement avec la Lettre écarlate (1850), roman de Salem, capitale du puritanisme, où le postulat du péché appelle la tragédie du remords : le système symbolique se fonde sur l'ambivalence de la lettre A (pour « adultère ») que l'héroïne porte cousue sur sa robe et renvoie aux ambiguïtés fondamentales du langage et de la pensée. Le roman reprend les prescriptions morales en même temps qu'il les retourne pour suggérer un droit à la passion qui est un droit de vie. La Maison aux sept pignons (1851) dit la malédiction héréditaire, mais le mal arrive à trouver son opposé et la généalogie, promesse d'avenir, dessine la rédemption. L'œuvre apparaît ainsi, indirectement, comme un traitement des débuts de l'histoire américaine : l'évidence du mal ne peut s'accorder à la certitude du temps et de l'espace ; la claustration puritaine est une claustration caduque. Il faut récuser les juges qui exposent le droit du bien, non parce que le bien est récusable, mais parce que sa loi reste indicible.
Háy (Gyula, dit Julius)
Écrivain hongrois (Abony 1900 – Ascona 1975).
Après l'échec de la Commune hongroise (1919), il s'installe successivement à Berlin, à Vienne, en Suisse et en U.R.S.S. Rentré en Hongrie (1945), il participe à la révolution de 1956. Emprisonné, il est libéré en 1960 et se retire en Suisse. Célèbre pour une pièce historique (Dieu, empereur, paysan, 1932), il a laissé des nouvelles, des drames (Appassionata, 1966) et une autobiographie (Né en 1900, 1971).
Haydari (Buland al-)
Poète irakien (Bagdad 1926 – Londres 1996).
Influencé d'abord par le symbolisme de 'Umar Abû Rîcha, il découvre à Beyrouth le surréalisme et l'existentialisme qui apportent une touche originale à son expression du fatalisme oriental (le Pouls de la boue, 1946 ; Chansons de la ville morte, 1951 ; Vous êtes venus avec l'aube, 1961 ; Des pas d'exil, 1965 ; À Beyrouth, avec mes salutations, 1984).
Haykal (Muhammad Husayn)
Écrivain égyptien (Kafr-Ghannâm 1888 – Le Caire 1956).
Issu d'une grande famille paysanne, il fit des études de droit (1909), obtint à Paris un doctorat (1912), et devint avocat, ministre de l'Éducation (1940 et 1944) et président du Sénat (1945-1950). Proche d'Ahmad Lutfî al-Sayyid, il fut l'un des principaux porte-parole du parti des libéraux-constitutionnels, dont il dirigea le journal al-Siyâsa ; il y défendit la libre expression, particulièrement lors des affaires Abd al-Râziq (1925) et Tâhâ Husayn (1926). Zaynab (1914), au ton romantique, est salué comme une œuvre pionnière du roman arabe, avec de réelles préoccupations sociales (le monde paysan, la place de la femme dans la société). Dans une langue qui s'ouvre largement au dialecte, il y installe une histoire sentimentale dans le cadre des campagnes égyptiennes. D'abord signé du pseudonyme « Un Égyptien paysan », le récit fut reconnu par son auteur lors de l'édition suivante, en 1929. Son second roman (Ainsi fut-elle créée, 1955) n'eut pas le succès du premier.