Johnson (Samuel)
Écrivain anglais (Lichfield 1709 – Londres 1784).
Après avoir fait sa percée au Gentleman's Magazine (1741-1744), il entreprend le Dictionnaire de la langue anglaise qu'il achèvera dix ans plus tard (1755). Il tente sa chance au théâtre (Irene, 1749), philosophe en vers (la Vanité des désirs humains, 1749), fonde, contre Addison, le journal The Rambler (1750-1752) dont la gravité lasse, puis rectifie le tir avec l'Oisif (1758-1760). Tenté par l'orientalisme, il donne avec l'Histoire de Rasselas prince d'Abyssinie (1759) une apologie du « plaisir du prince » où perce la mélancolie. Dans les salons et les clubs, il pontifie, entouré de ses amis (Goldsmith, Reynolds, Burke) et de sa cour d'admirateurs. Il édite Shakespeare et les poètes anglais (Vies des poètes anglais les plus célèbres, 1779-1781) avec des préfaces dont la hauteur de vue débouche sur de brusques mesquineries. Son Voyage en Écosse (1773) puis son Voyage aux Hébrides (1775) manifestent le même plaisir de décider de tout. Clarté, réalisme et stoïcisme ; le bonheur et la vertu consistent à échapper à la fatalité du malheur. Il inspira à James Boswell (1740-1795) une Vie de Samuel Johnson (1791-1793), première grande biographie de langue anglaise.
Johnson (Uwe)
Écrivain allemand (Kammin, auj. Kamien Pomorsky, Poméranie, 1934 – Sheerness, Kent, 1984).
Après des études à Rostock et Leipzig, il quitte la R.D.A. (1959), où il ne peut publier. Il s'installe surtout en Grande-Bretagne (1974). La Frontière (1959) le range d'emblée parmi les auteurs majeurs de sa génération : le destin tragique de Jakob Abs nous mène chez des Allemands qui ne se sentent chez eux ni à l'Est ni à l'Ouest. Ce thème récurrent (l'Impossible Biographie, 1961; Deux Points de vue, 1965) fait de Johnson le premier auteur des deux Allemagnes. Mais son importance est ailleurs : il renonce à énoncer des vérités. Il témoigne d'une réalité ambiguë dont les fragments ne permettent que des suppositions : au lecteur de reconstituer une vérité possible. Une année dans la vie de Gésine Cresspahl (1970-1984) reste fidèle à ce principe : les fragments de réalité nous font suivre au jour le jour, de 1967 à 1968, la vie de Gésine Cresspahl à New York avec, en contrepoint, les souvenirs de son passé en Allemagne. Johnson laisse au lecteur le soin d'interpréter ce « puzzle » de l'Occident.
Johnston (Denis)
Auteur dramatique irlandais (Dublin 1901 – id. 1984).
Avocat en Grande-Bretagne, puis en Irlande, il attire l'attention avec sa première pièce, La vieille dame dit non ! (1929), drame burlesque et expressionniste. Il devient directeur du Gate Theatre (1931-1936), puis des programmes de la BBC (1946-1947) et enseigne à l'université du Massachusetts. Son expérimentalisme, qui touche parfois au fantastique (Une mariée pour la licorne, 1933), se place sous le signe de T. S. Eliot et de Joyce (dont il adapte Ulysse et Finnegans Wake en 1958-1959) et jette sur l'histoire irlandaise un regard satirique (la Lune sur le fleuve jaune, 1931, sur les lendemains de la guerre civile ; la Faux et le coucher de soleil, 1958, sur le soulèvement de 1916).
Johst (Hanns)
Écrivain allemand (Seerhausen 1890 – Ruhpolding 1978).
C'est, à cause des circonstances historiques, « un cas » des lettres allemandes du XXe s. Expressionniste à ses débuts avec le Jeune Homme (1916), « scénario extatique », le Solitaire (1917), pièce persiflée par Brecht dans Baal, et le Roi (1920), il devint président de la Chambre des écrivains de 1935 à 1945 et figure de proue littéraire du national-socialisme, notamment par sa pièce Schlageter (1933), dédiée à Hitler. C'est lui qui inspira à Georg Lukács l'équation idéologique « expressionnisme = fascisme ».
Joinville (Jean, sire de)
Chroniqueur français (vers 1224-1317).
Sénéchal de Champagne, il participa à la septième croisade et combattit aux côtés de Saint Louis, notamment à la bataille de Mansourah. Prisonnier en même temps que le roi, il lui témoigna une amitié féodale qui se traduisit autant par les conseils que par le service des armes. Mais il refusa de participer à l'expédition de Tunis, qui fut fatale au roi, parce qu'il entendait protéger son fief contre les sergents des rois de France et de Navarre. Après la mort du roi, qu'il ressentit douloureusement, il contribua activement à sa canonisation par sa déposition et assista à l'élévation des reliques à Saint-Denis. Il joua encore un rôle actif auprès des successeurs de Saint Louis. D'une solide culture religieuse, Joinville composa un Credo (1250-1251), dont il prépara l'illustration. Partagé entre exposition littéraire et exposition iconographique, le texte était destiné à affermir la foi des croisés moribonds ; chacun des articles repose sur des passages bibliques, événements ou paroles qui annoncent les points doctrinaux. Après 1272, Joinville rédigea pour lui-même ses souvenirs. La jeune reine Jeanne de Navarre lui ayant commandé un livre des paroles et des exploits de Saint Louis, il dicta à des clercs de son entourage ses Mémoires recomposés en forme d'enseignement, à partir des bons exemples donnés par le roi défunt, et l'ouvrage fut dédié en 1309 au Dauphin (Jeanne de Navarre étant morte en 1305). Le texte comprend deux parties essentielles : l'une est réservée aux paroles et aux actes du roi, dont la valeur est édifiante, l'autre à ses prouesses, dans une interdépendance de la piété et de la vaillance. Joinville, doué d'une mémoire visuelle étonnante, y apparaît comme un auteur qui raconte et se raconte sans méthode. La mise en œuvre des souvenirs personnels avec l'accent de la sincérité, la spontanéité, le naturel, fait le charme de ce récit où abondent des détails ignorés par les autres chroniqueurs.
Jonas (livre de)
Composé probablement au Ve s. av. J.-C., il a pris place parmi les Petits Prophètes. Le Livre de Jonas n'est ni une prophétie, ni un récit historique ; il relève du midrash, peut-être une élaboration littéraire en relation avec l'idéogramme de Ninive (un poisson enfermé dans un vase, signe nº 200). Le héros de ce récit didactique reçoit la mission de prêcher la repentance à la ville de Ninive, capitale des Assyriens, ennemis d'Israël. Il se dérobe en fuyant vers l'ouest, à Tarsis. Réfugié au fond d'un bateau, il s'endort. La tempête réveille sa mauvaise conscience : il est jeté à la mer. Avalé par un gros poisson, dans le ventre duquel il récite un psaume de pénitence, il est rendu au rivage, après trois jours, et parvient à Ninive dont il prédit la ruine. Mais Yahvé s'abstient de détruire la ville assyrienne (III, 1-10). Jonas s'en irrite et reçoit une leçon de la clémence divine.