Roucher (Jean-Antoine)
Écrivain français (Montpellier 1745 – Paris 1794).
Son poème didactique, les Mois, sur le modèle des Saisons de Saint-Lambert, consacre un chant à chaque mois et combine description de la nature, célébration des activités humaines et nombreuses digressions. Des notes en prose apportaient références et cautions scientifiques. Défenseur de la monarchie constitutionnelle dans le Journal de Paris (1790-1791), détenu comme suspect, il entretint avec les siens une émouvante correspondance, et fut guillotiné avec André Chénier, le 7 thermidor.
Roud (Gustave)
Poète et traducteur suisse de langue française (Saint-Légier, Vaud, 1897 – Carrouge 1976).
Le plus discret des poètes romands fut l'ami de Ramuz, de Béguin, de Chappaz, d'Auberjonois et le maître vénéré de toute une génération de jeunes écrivains romands (parmi lesquels Jaccottet, Chessex, Perrier). Après sa licence en lettres à l'université de Lausanne, il participa activement à la vie culturelle de son pays (collaboration à Aujourd'hui, aux éditions de la Guilde du Livre, aux Cahiers vaudois), se fit traducteur (Hölderlin, Rilke, Novalis, Georg Trakl) et arpenta incessamment son pays (Petit Traité de la marche en plaine ; Essai pour un paradis, 1932), se plaisant à observer les paysans, faucheurs et moissonneurs, ou les ouvriers et les soldats dont il se sentait irrémédiablement séparé : dans ses Écrits (3 vol., 1978), il médite, adoptant, après quelques tentatives versifiées, une prose poétique ample, harmonieuse et musicale, sur la vie telle qu'elle se passe sous ses yeux – déplorant à la fois la perte du monde rural d'autrefois, sa lenteur, sa plénitude un peu fruste, et proposant, par le truchement d'une autoréflexion constante aussi consciente que possible des potentialités de la langue, une fusion poétique avec ce monde tant aimé (Requiem, 1967 ; Campagne perdue, 1972).
Rougemont (Denis de)
Philosophe et essayiste suisse de langue française (Couvet 1906 – Genève 1985).
Après ses études à Neuchâtel, à Vienne, à Genève, ce fils de pasteur dirige, à Paris, les éditions Je sers et collabore à diverses revues. Influencé par E. Mounier, il se dresse contre les idéologies collectivistes du marxisme et l'individualisme égoïste des milieux bourgeois, élaborant, dans les années 1930, un personnalisme chrétien qui se justifie par l'engagement (Politique de la personne, 1934 ; Penser avec les mains, 1935 ; Journal d'un intellectuel au chômage, 1937). En 1939, il publie l'Amour et l'Occident, ouvrage notoire qui analyse, à travers la légende de Tristan et Iseut, la prédilection de la culture occidentale pour la passion malheureuse et mortelle.
S'opposant avec courage aux agissements de Hitler, il séjourne aux Etats-Unis, où il est engagé à l'Office of War Information et devient rédacteur de la Voix de l'Amérique. De retour en Suisse, il défend une vision originale d'une Europe fédérale, où les régions auraient plus d'autonomie, et fonde en 1950 le Centre européen de la culture, en 1963 l'Institut universitaire d'études européennes et en 1978 la revue Cadmos.
Roumain (Jacques)
Poète et romancier haïtien (Port-au-Prince 1907 – 1944).
Après des études d'anthropologie et de sciences de la nature en France, en Haïti et en Suisse, il fut directeur du Bureau d'ethnologie d'Haïti et diplomate au Mexique. Par la suite, emprisonné à plusieurs reprises, il présida la Ligue de la jeunesse patriotique, fonda la revue Indigène (1927) et le Parti communiste haïtien. Un lectorat antiraciste a remarqué ses poèmes militants de Bois d'ébène (1945). Si son roman paysan indigéniste la Montagne ensorcelée (1931) est peu connu, son chef-d'œuvre Gouverneurs de la rosée (1944) est consacré internationalement. Manuel, « héros positif », y met en place une solidarité villageoise communaliste pour dépasser la vendetta, « défricher la misère et planter la vie nouvelle » ; dans une écriture originale, teintée d'oralité, Roumain ouvre ainsi une perspective d'internationalisme prolétarien.
Roumanie
Pendant des siècles, la seule production littéraire en langue roumaine a été celle appartenant au folklore. Mis par écrit seulement à l'époque du romantisme, des joyaux poétiques, tels que les chansons rituelles récitées à l'occasion des fêtes chrétiennes (kolinde), les compositions lyriques (doïne), ou les fameuses ballades épiques l'Agnelle voyante et Maître Manole témoignent d'une origine très ancienne.
Les débuts d'une littérature nationale
C'est seulement avec l'avancée progressive de la langue nationale en tant que forme d'expression écrite que la littérature roumaine prend son essor, notamment à partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle. Le premier document rédigé en roumain, la lettre d'un boyard valaque datant de 1521, porte la marque symbolique du déclin de l'écriture en slavon et, de manière générale, de l'influence slavo-byzantine. Sous l'impact tardif de l'humanisme occidental – par l'intermédiaire des cultures polonaise en Moldavie, grecque en Valachie ou austro-hongroise en Transylvanie – une production écrite originale se développe dans les Principautés roumaines. Vers la moitié du XVIe siècle circulent déjà, sous l'influence de la Réforme, des textes religieux traduits et imprimés par le diacre Coresi, à côté d'une littérature de colportage : récits hagiographiques, romans populaires ou livres didactiques. Cependant, les premiers à manifester une conscience de la spécificité sont les historiographes Grigore Ureche (1595 ?-1647) et Miron Costin (1633-1699), qui attestent dans leurs Chroniques l'origine commune des trois provinces roumaines et la latinité de leur langue. C'est aussi le métropolite Varlaam (?-1657) qui adapte les textes de ses Prêches à la sensibilité et au niveau culturel de ses paroissiens. Mais la subordination de cette production culturelle à des finalités extra-littéraires n'empêche pas l'affirmation du goût artistique. Grâce à son intensité lyrique et à la maîtrise remarquable de la prosodie, la traduction en vers des Psaumes, réalisée par le métropolite moldave Dosofteï (1624 ?-1693), est considérée comme le premier ouvrage poétique de la littérature roumaine. De même, la Chronique de Ion Néculce (1672 ?-1746), qui porte sur les événements contemporains, se rattache par sa verve narrative au genre romanesque plutôt qu'à l'historiographie. Le prince Dimitrie Cantémir (1673-1723), esprit encyclopédique et humaniste de réputation européenne, crée à son tour un roman allégorique, d'inspiration baroque, l'Histoire hiéroglyphique (1705).
Lumières et romantisme
Au siècle des Lumières prend naissance en Transylvanie le mouvement politique et culturel connu sous le nom d'« École transylvaine », qui se déploie dans deux directions principales : l'une, historico-linguistique, matérialisée par les travaux érudits de Samuil Micu (1745-1806), Gheoghe Sincaï (1754-1816), Petru Maior (1761-1821), qui affirment la « pureté » latine des Roumains et de leur langue pour en tirer argument dans la lutte de libération nationale ; l'autre, littéraire, illustrée par la Tziganiade, étincelante épopée héroï-comique de Ioan Budai-Deleanu (1763-1820).
C'est seulement vers la fin du XVIIIe siècle qu'une séparation consciente entre « littérature » et « culture » commence à se produire, grâce aux exercices lyriques de quelques aristocrates cultivés, tels les membres de la famille Văcărescu, imitant la poésie néogrecque, française ou italienne, mais aussi le folklore. Ces débuts timides évolueront rapidement vers une production littéraire plus complexe, dont l'engagement politique et social est la principale caractéristique. Elle se développe au sein d'une jeune génération, la même qui va préparer la révolution de 1848 et, en 1859, la création d'un premier État national. Grâce au militantisme soutenu de ces intellectuels, à commencer par Gheorghe Asachi (1788-1869) et Ion Heliade Radulescu (1802-1872), sont fondées les premières institutions – l'école, la presse et le théâtre – destinées à forger une culture nationale structurée sur la langue littéraire moderne. Dans l'esprit du messianisme romantique et libéral, dont les maîtres à penser seront Jules Michelet et Edgar Quinet, les écrivains des trois Provinces, regroupés autour de la revue Dacia literara de Mihail Kogalniceanu (1817-1891), s'attachent à reproduire autour d'une problématique autochtone la complexité des genres existants dans les grandes littératures. Sont entraînés dans cette démarche Costache Negruzzi (1808-1868), Alecu Russo (1819-1859), Grigore Alexandrescu (1810-1885), Dimitrie Bolintineanu (1819-1872), et surtout Vasile Alecsandri, dont la production lyrique et dramatique a servi comme modèle au écrivains dits « les grands classiques ».