La Polynésie fait partie de l'ensemble austronésien du point de vue linguistique et partage, du point de vue culturel, un grand nombre de traits avec la Mélanésie et la Micronésie. L'archipel des Fidji peuplé de « Mélanésiens » dont les langues ont des caractères tant mélanésiens que polynésiens et des variantes culturelles allant d'un type à l'autre offre un parfait exemple de cette continuité austronésienne.
Commencées très anciennement, les dernières occupations de terre datent de l'an mille environ en Polynésie (du XIIe s. pour la Nouvelle-Zélande) ; d'où l'importance, dans la littérature, des récits de voyage des ancêtres et de leur origine (celle-ci représentée par la reprise des toponymes des terres d'origine, tel Hawaiki/Hawai'i réutilisé du centre à l'ouest de la zone). Les découvertes de nouvelles terres y sont souvent figurées par des créations ou des pêches d'îles.
Culture de l'oralité, la culture polynésienne a mis particulièrement l'accent sur les généalogies récitées sans erreur (celle-ci coûtait la vie au récitant), avec un décorum et un style oratoire particulier, dans les hauts lieux de culte, par des hérauts qui avaient appris textes et techniques dans des « écoles ». Les généalogies retraçant les ascendants des chefs jusqu'aux dieux et demi-dieux étaient doublées des généalogies de pirogues colonisatrices et de leurs occupants. De la reconnaissance de ces généalogies découle l'ordre social qui assigne à chaque homme sa place dans le groupe. Cet ordre se trouve matérialisé dans les « maisons » communes (Micronésie, Samoa, Fidji) et sur les marae (Tahiti, Hawaii autrefois) ; chaque famille y a une place qui correspond à sa place dans la pirogue des ancêtres et à des droits sur la terre colonisée par eux. Dans de nombreux cas, le rôle d'une famille ou d'un groupe est traduit par une métaphore (crevettes, poissons divers, cétacés et tortues représentant des rangs sociaux). Utilisées dans les textes, ces métaphores entraînent des images poétiques hardies – totalement hermétiques pour les non-initiés, elles permettent la « lecture » d'un texte à plusieurs niveaux.
La littérature orale polynésienne comprend de longues histoires aux péripéties parfois contradictoires, truffées de toponymes et de noms de clans (remplacés souvent par des images). Ce sont là les renseignements historiques, politiques, fonciers – outre les indications sur les courants marins et les localisations d'îles – que ces textes ont fonction de transmettre. Et c'est pourquoi, en dépit des siècles et des distances marines, leur récitation soigneuse les a perpétués. Certains épisodes constituaient des textes sacrés, secrets ou réservés au culte : leur transmission se faisait lors des investitures de prêtres et, la plupart du temps, ils ne sont connus que fragmentés ou par les allusions qui y sont faites dans les parties profanes du récit. Rappelons que ces formes fixes ont permis la conservation des mots que les tabous interdisaient ailleurs. Ces cycles s'organisent autour d'un héros dont sont contés les voyages et les aventures. En colonisant, il créé un nouvel ordre de choses, sur le plan matériel aussi bien que surnaturel. Sa naissance, toujours hors du commun, est généralement dramatique. Sa mère accouche prématurément et, croyant le fœtus inviable, le jette à la mer ou l'abandonne dans une grotte. Il est alors recueilli par des divinités marines ou par des esprits infernaux. Nourri de pierres, il grandit à une cadence telle qu'il réintègre le monde des vivants sous la forme d'un géant quelques années après être mort-né. Ce thème si fréquent (et la hantise du fantôme du fœtus dans le ventre d'une femme morte en couches ou de l'avorton) trouve un écho constant dans l'art plastique polynésien sous la forme du tiki (Tahiti, Nouvelle-Zélande, Marquises). Tous les voyages, les combats – généralement contés sous forme symbolique (tempêtes, concours gagnés et devinettes brillamment résolues) – s'agrémentent de rencontres de filles de prince et d'unions suivies de nombreuses naissances. Parfois le héros meurt, trahi.
Le cycle épique le plus célèbre est celui de Maui. Maui naquit avant terme et sa toute jeune mère le mit dans une spathe de cocotier et l'abandonna sur la rive. Les courants portèrent l'enfant près de la pirogue d'un dieu marin qui le recueillit. Tant par magie que soins matériels, celui-ci l'éleva et en fit un homme. Il lui enjoignit alors de se faire reconnaître de sa famille et de vivre au milieu de ses frères. Ceux-ci le supportaient difficilement car il excellait en tout ; c'est lui qui leur montra comment faire un arc et tirer des flèches. Le jalousant, ils lui refusèrent une place dans leur pirogue pour la pêche, mais il s'y cacha et, une fois au large et découvert, il les guida vers un lieu de pêche miraculeuse et lui-même se mit à pêcher des îles. Ainsi certains poèmes désignent Tahiti par le terme de « poisson de Maui ». Maui réussit à se transformer en tous les oiseaux connus (parfois il ne se transforme pas réellement mais entre dans le corps d'un oiseau qu'il a capturé) : c'est sous cette forme qu'il commet des plaisanteries et échappe à la vengeance de ses victimes, mais c'est surtout grâce à elle qu'il échappe à la mort une première fois. En effet, Maui se préoccupait – cas unique dans cette littérature – du sort des humains. Il leur enseigna des techniques de pêche, mais désirait par-dessus tout leur apporter le feu pour leur permettre de manger des aliments cuits. Adolescent, revenu près de ses frères, il avait voulu percer le secret des allées et venues de sa mère et de son père qui disparaissaient toutes les nuits. Il trouva le trou par lequel ils entraient dans le royaume souterrain et les y suivit ; là, il prit la forme d'un oiseau et taquina son père qui cultivait son jardin jusqu'à ce que celui-ci le reconnût. Il apprit alors qu'il était le petit-fils d'une grand-mère volcan qui donnait du feu à ses parents. Un jour, donc, il descendit sous terre et après un voyage périlleux et une reconnaissance difficile demanda à sa grand-mère du feu. Elle lui donna un brandon, il l'éteignit en traversant un cours d'eau au retour, retourna chercher une torche, et ainsi de suite obtint de plus en plus de grosses torches jusqu'à ce que son aïeule, folle de colère, lui lance ses membres et finalement son corps entier pour le brûler vif. Mais ce fut alors un terrible incendie qui ravagea la Terre et manqua de faire périr l'humanité entière. Maui l'oiseau s'échappa et sauva ses frères. Les hommes conservèrent le feu. C'est sous cette forme de l'homme-oiseau qui vainc la mort que Maui était connu et honoré de l'île de Pâques. Mais Maui voulut aussi vaincre la mort pour tous les hommes ; il en mourut. Ayant découvert l'endroit où la déesse de la Mort dormait, il décida de rentrer dans son corps et d'en sortir par l'autre bout pour la tuer. Il demanda une bénédiction à son père, mais celui-ci se trompa dans la récitation des versets sacrés et le supplia de ne pas tenter cet exploit. Maui demanda à ses frères de l'accompagner, leur disant : « Surtout, ne riez pas quand j'entrerai dans la Mort, car je ne sais encore par quelle ouverture naturelle j'entrerai. » Mais ils furent incapables de tenir leur promesse, la Mort se réveilla et écrasa entre ses mâchoires Maui, au moment même où il allait sortir. Ce héros protéiforme, tout à la fois Prométhée, vulgaire, tricheur et taquin fastidieux (et même Œdipe dans certaines versions où il séduit sa mère) est tantôt l'objet de culte, tantôt simple personnage littéraire. Certains épisodes de la vie du héros sont devenus des « contes populaires », des chants accompagnant jeux de ficelles ou tressages, des chants de travail, des chants humoristiques ou érotiques. C'est souvent par l'un des attributs du héros ou du demi-dieu que l'on peut reconnaître l'appartenance d'un texte à un cycle donné. Ainsi, toutes sortes de récits ayant pour personnage principal un oiseau se retrouvent dans l'ensemble de la Polynésie et en Micronésie. L'oiseau y est créateur d'un rôle social, d'un rite ou d'une technique.
Sous la forme de longs chants ou poèmes, les mythes de la création se rattachent à un dieu. Le panthéon polynésien était aussi compliqué que celui des Grecs et, selon les époques et les lieux, le culte d'un ou de plusieurs dieux éclipsait les autres. En fait, il semble que l'on puisse retracer l'histoire précoloniale par la découverte des symboles d'un dieu particulier sur les marae. La mise en place d'un culte correspond à la prise de pouvoir d'un nouveau groupe. Ainsi, les dieux voyagent, usurpent les prérogatives de leur prédécesseur. Oro est l'exemple de cette politique. Divinité secondaire, il supplante Tane, l'artiste. Dans les chants de création, il usurpe aussi la création du monde au « principe » primordial kiho ou à Atea (le Ciel) et son épouse Papa (la Terre), selon les régions.
Bien que la littérature polynésienne soit pratiquement inconnue en France, des documents de très haute qualité, en langue vernaculaire, dorment dans les revues scientifiques de la fin du XIXe et du début du XXe s. (travaux français, mais aussi allemands pour Samoa, anglais pour la Nouvelle-Zélande). En effet, après la prise de possession et la christianisation, les Polynésiens, sachant leur culture en péril, dictèrent ou transcrivirent eux-mêmes leurs traditions orales. Cependant les documents originaux sont peu nombreux. Les habitants de l'île de Pâques ont ainsi emporté dans la mort le sens de leurs plaquettes mystérieuses, les rongorongo. Nous ignorons également en quoi consistaient exactement les spectacles que préparaient et jouaient les ari'oi, sorte de confrérie redoutée et indépendante (leur rôle de bouffons leur assurait impunité et liberté, comme leur caractère sacré appelait le respect) : la totale liberté de leurs mœurs, l'infanticide qu'ils pratiquaient les ayant rendus odieux aux missionnaires, beaucoup d'ignorance entoure ces acteurs, danseurs, chanteurs, musiciens. Il s'agit là pour le Pacifique d'un cas unique de comédiens, monstres sacrés, spécialistes de leur art. Outre les fantasmes du « bon sauvage », la Polynésie a inspiré quelques écrivains comme Melville (Taïpi, 1846 ; Omoo, 1847) et Pierre Loti (le Mariage de Loti, 1880).