Poète et humaniste italien (Arezzo 1304 – Arquà, Padoue, 1374).
Premier des grands humanistes de la Renaissance, il est passé à la postérité pour la perfection de sa poésie en langue vulgaire (le toscan) devenue au cours des siècles, en alternative au réalisme de Dante, le modèle de tous les classicismes occidentaux. Envoyé à Carpentras (1312-1316) où il fit son apprentissage littéraire, il est contraint ensuite à étudier le droit à Bologne et à Montpellier. Pétrarque reçoit les ordres mineurs et s'établit à la cour d'Avignon, où il séjournera jusqu'en 1353. Il y rencontrera Laure en l'église Sainte-Claire en 1327 : cet amour idéalisé durera toute sa vie. Plusieurs missions diplomatiques, assorties de recherches érudites, le conduisent dans l'Europe du Nord puis à Rome, où il sera solennellement couronné poète sur le Capitole (1341). De retour à Avignon (1342), il connaît une profonde crise de conscience religieuse ; convaincu de la vanité des succès mondains, il se retire de plus en plus dans son ermitage du Vaucluse. L'orientation de sa vie spirituelle coïncide alors avec un intérêt croissant pour le sort de l'Italie et la restauration de l'Église romaine. Il entre au service des Visconti. En 1368, il accepte l'hospitalité de Francesco da Carrara et la maison de campagne que celui-ci lui offre à Arquà. Avant tout humaniste, désireux de retrouver les sources de la culture antique par-delà la dialectique scolastique, Pétrarque découvrit et fit copier des manuscrits anciens, publia des études historiques (Livre des choses mémorables, 1344) et philosophiques (la Vie solitaire, 1346-1356 ; De l'oisiveté des religieux). Son œuvre latine, à laquelle Pétrarque accordait plus de valeur, a son foyer philosophique dans Mon secret (1342-1358), confession en forme de dialogue : elle accomplit une vaste synthèse de culture classique et d'inspiration religieuse à travers notamment un poème épique, l'Afrique (vers 1338), exaltant la gloire de Rome et la figure de Scipion l'Africain, Des hommes illustres (1338), les Remèdes de l'une et l'autre fortune ainsi que plusieurs recueils de Lettres, en vers et en prose. La correspondance latine de Pétrarque, des Lettres familières (1349-1366) aux Épîtres métriques (1331-1361) et aux Lettres de vieillesse, est un document doublement fondateur de l'humanisme de la Renaissance et de la rhétorique classique. Œuvre concertée, où toutes les réflexions personnelles, politiques et spirituelles se fondent dans un style irréprochable, où la grandeur n'exclut ni la fluidité ni la sagesse ironique.
Mais l'essentiel de sa gloire et de son influence modernes tient à son Canzionere en langue vulgaire, dont le titre original est Rerum vulgarium fragmenta (Fragments de pièces en vulgaire). Il compte 366 pièces (317 sonnets, 29 chansons, 9 sextines, 7 ballades et 4 madrigaux), articulées traditionnellement autour de la vie et de la mort de Laure. À l'exception, en effet, de quelques poèmes politiques exaltant la Rome antique ou fustigeant l'envahisseur étranger et la corruption de la pontificale, le Chansonnier est tout entier dédié à l'amour du poète pour celle qu'il nomme Laura, Laura-Aurora, Laura-Lauro-Laurea (le laurier : l'arbre et la couronne), Laura-l'Aura (souffle vital et poétique), mais aussi à deux reprises, Laureta, gracieux diminutif évoquant hors de tout symbolisme une figure féminine concrète, dont l'identité demeure cependant mystérieuse. Si, dans la tradition provençale, Pétrarque recourt à la fiction d'un unique amour idéalisé et s'il fait de cette fiction, dans l'esprit du dolce stil novo, la métaphore d'une révélation divine, il élude la transcendance et la logique du symbole, d'une part, dans l'analyse des contradictions du désir, et, d'autre part, à travers la répétition obsessionnelle de fantasmes emblématiques. Le désordre amoureux ne saurait ni conduire à l'ordre divin (sauf à travers le reniement du repentir), ni, surtout, le représenter, et la sublimation du désir de Laura en désir de gloire (Lauro) ne s'accomplit jamais qu'ici-bas. À la fiction réaliste du symbolisme théologique de la Vita nuova dantesque, Pétrarque oppose les figures et les emblèmes intemporels de l'aliénation amoureuse. Par ailleurs, l'entreprise la plus ambitieuse de Pétrarque en langue vulgaire est le poème allégorique des Triomphes, entrepris vers 1354 et publié avec le Chansonnier en 1370, dans lequel il ordonne son autobiographie spirituelle en une succession de cycles symboliques culminant dans le triomphe, tour à tour, du Désir, de la Chasteté, de la Mort, du Temps, de l'Éternité.