Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Abe Tomoji

Écrivain japonais (Yunogomura 1903 – Tokyo 1973).

Enseignant et traducteur de littérature anglaise, il fut un romancier remarquable, reflétant l'histoire japonaise d'un demi-siècle mouvementé. Reconnu pour son style moderniste dès ses premiers essais, il lança, en 1930, Une littérature intellectuelle, qui met la création littéraire « sous le signe de l'intelligence ». Dans son roman de la maturité, l'Auberge en hiver (1936), il décrit le déchirement des intellectuels japonais des années 1930. Ses analyses psychologiques (l'Ombre, 1949 ; le Jardin artificiel, 1953) cernent les souffrances de la société japonaise d'après-guerre. Engagé contre la guerre du Viêt-nam à partir de 1953, il élargit la perspective dans Fenêtres sur le temps (1959). Son ultime ouvrage, le Captif, 1971-1973, dicté en raison de sa santé, évoque la figure de Miki Kiyoshi, philosophe, mort en prison au lendemain de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Abelaira (Augusto)

Écrivain portugais (Ançã 1926 – Lisbonne 2003).

Tout en étant un témoin fervent des événements politiques et sociaux de son pays, il ne tombe ni dans le réalisme plat ni dans la chronique politique. Ses qualités, présentes dès son premier roman, la Cité des Fleurs (1959), s'affirment dans Un rivage bien agréable (1966), Moisissure (1968), Sans toit, au milieu des décombres (1978), le Triomphe de la mort (1981) et dans un recueil de contes, Quatre Murs sans rien (1972).

Abele Spelen

Ensemble de quatre pièces « artistiques » (Mak) ou « témoignant d'habileté » (Stellinga), qui constituent l'unique manifestation dans la littérature médiévale d'un théâtre profane néerlandais.

Elles sont conservées dans le manuscrit de Hulthem (XIVe-XVe s.) de la Bibliothèque royale de Bruxelles, qui contient, en outre, six farces, ou sotties (cluchten). L'origine des « Abele Spelen » est obscure. Probablement brabançonnes, mais anonymes, elles traitent de thèmes chers au roman courtois ou au débat allégorique.

Abell (Kjeld)

Auteur dramatique danois (Ribe 1901 – Copenhague 1961).

Il a inventé une forme à mi-chemin entre comédie et revue (la Veuve dans le miroir, 1934, ; la Mélodie qui disparut, 1935, ; Ève fait son service d'enfant, 1936). Dans Anna Sophie Hedvig (1939), une institutrice nous enseigne le devoir de résistance. Avec Silkeborg (1946), drame sur l'Occupation, et Journées sur un nuage (1947), Abell aborde des sujets liés à la guerre, y compris sur le mode fantaisiste. Le Pékinois bleu (1954) oppose au pessimisme de l'époque une réelle confiance dans la vie.

Abellio (Georges Soulès, dit Raymond)

Écrivain et homme politique français (Toulouse 1907 – Nice 1986).

Polytechnicien, membre du comité directeur du Front national révolutionnaire créé à la demande de Pierre Laval, il est dégrisé dès 1942 et prend contact avec la Résistance. Après la guerre, il renonce à la politique et, « initié » par Pierre de Combas, se lance dans une réflexion ésotérique. Il analyse son itinéraire (Vers un nouveau prophétisme, 1947 ; la Fin de l'ésotérisme, 1973) et cherche à déchiffrer le sens du destin de sa génération dans des romans (Heureux les pacifiques, 1947 ; la Fosse de Babel, 1962 ; Visages immobiles, 1983) et des recueils de souvenirs (Un faubourg de Toulouse, 1972 ; les Militants, 1975 ; Sol invictus, 1980).

Abhinavagupta

Auteur cachemirien shivaïte tantrika d'expression sanskrite (Xe-XIe s.).

L'un des plus grands philosophes, esthéticens et mystiques de l'Inde, il développe les thèmes de conscience dynamique et de vibration cosmique (spanda). Ses œuvres majeures sont des sommes reflétant les polémiques du monde indien médiéval, notamment avec les bouddhistes : le Tantraloka (aspects rituels), l'Is'varapratyabhijñavimars'ini (théorie de la reconnaissance), l'Abhinavabharati et le Dhvanyalokalocana (traités d'esthétique et de poétique).

Abid Ibn al-Abras

Poète arabe antéislamique (première moitié du VIe s.).

Originaire des Bani Asad, auteur d'une mu'allaqa, il a été remarqué pour le caractère « troublé et fugace » de son œuvre poétique et sa virtuosité à décrire la faune arabique.

abolitionniste

Le terme apparaît en 1790 pour désigner aux États-Unis les partisans de l'abolition de l'esclavage. Essais et traités font entrer l'abolitionnisme en littérature avec Samuel Swall (la Vente de Joseph, 1790), Franklin et Crèvecœur. Elihu Embree (l'Émancipateur, 1820), Benjamin Lundy (le Génie de l'émancipation universelle, 1821) sont les pionniers du mouvement. Richard Hildreth inaugure le genre du roman antiesclavagiste (l'Esclave, 1836), source d'inspiration des premiers romanciers noirs : William Wells Brown, avec Clotel ou la fille du Président (1853), Frank Webb, avec les Gary et leurs amis (1857). L'essai de H. R. Helper, la Crise imminente du Sud (1857) et la Case de l'oncle Tom de Harriet Beecher-Stowe (1852) restent les ouvrages majeurs. Les transcendantalistes inspirent l'éthique abolitionniste en exprimant une exigence absolue de liberté et en identifiant l'esclavage au péché originel de l'Amérique.

About (Edmond)

Écrivain français (Dieuze 1828 – Paris 1885).

Arriviste à succès, il affiche l'indépendance d'un homme d'opposition dans ses articles pamphlétaires et ses études satiriques (la Grèce contemporaine, 1854). Ses pièces de théâtre (Guillery, 1868) sont des échecs. En revanche, ses récits fondés sur la chronique de mœurs (les Mariages de Paris, 1856), sur la satire (le Roi des montagnes, 1857) ou sur le fantastique (l'Homme à l'oreille cassée, 1861 ; le Nez d'un notaire, 1862) font preuve d'un bel humour.

Abovian (Khatchatour)

Écrivain arménien (Kanaker 1809 – disparu en 1848).

Influencé par Bielinski, il fonda la littérature arménienne orientale avec son roman historique Plaies de l'Arménie (1856), qui décrit l'arrivée des Russes à Erevan en 1828.

Abraham a Sancta Clara (Johann Ulrich Megerle, dit)

Prédicateur et écrivain autrichien (Kreenheinstetten, près de Messkirch, 1644 – Vienne 1709).

Ce moine augustin déchaussé, prédicateur à la cour viennoise, connut une très grande popularité pour ses sermons truculents sur la grande peste (1679) ou le siège de Vienne par les Turcs (1683), et dans lesquels le pathétique baroque se mêle aux facéties, jeux de mots et calembours. Il est également l'auteur d'un roman Judas, ancêtre de tous les filous (1686-1695). Schiller le prendra pour modèle du capucin dans le prologue de Wallenstein, et Heidegger en fera le témoin de sa philosophie du langage.