Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
G

Glissant (Édouard)

Sociologue, philosophe et écrivain martiniquais (Sainte-Marie, Martinique, 1928).

Rédacteur en chef du Courrier de l'UNESCO, professeur d'université aux États-Unis, c'est un théoricien de la culture et de l'écriture : l'Intention poétique (1969), le Discours antillais (1981), Poétique de la relation (1990), Traité du Tout-monde (1997). Depuis Un champ d'îles (1953), les Indes (1956), ses poèmes témoignent de son attachement aux « pays rêvé » et « pays réel » antillais. Ses romans, écrits en une prose française complexe, et sa pièce de théâtre, Monsieur Toussaint (1961), questionnent l'identité martiniquaise en dehors de l'histoire officielle, depuis la traite et l'esclavage jusqu'à la départementalisation coloniale et jusqu'au seuil du Tout-monde (1993) ou « chaos-monde » : la Lézarde (prix Renaudot, 1958), le Quatrième Siècle (1964), Malemort (1975), la Case du Commandeur (1981).

   Écrivain maître du sens des paysages, conscience révolutionnaire et indépendantiste, leader intellectuel, E. Glissant est le fondateur du mouvement culturel de l'antillanité qui, ancré sur les îles de la Caraïbe, succède au mouvement de la négritude et précède le mouvement de la créolité.

Globe (théâtre du)

Théâtre de Londres, construit en 1599 sur la rive sud de la Tamise par l'acteur Richard Burbage. Cet octogone aux galeries de bois couvertes de chaume, et qui allie les théories de Vitruve à la structure de la cour d'auberge, abritait mille trois cents spectateurs. Shakespeare en fut actionnaire. Brûlé en 1613 durant une représentation de Henri VIII, aussitôt reconstruit, le « Wooden O » mentionné dans Henri V fut définitivement détruit en 1644. Un bâtiment similaire a été reconstruit sur le site dans les années 1990 ; on y donne désormais des représentations shakespeariennes chaque été.

Gnessin (Uri Nissan)

Écrivain russe de langue hébraïque (Starodoub, Ukraine, 1881 – Varsovie 1913).

Né dans une famille de rabbins, il s'installa à l'âge de neuf ans dans la ville de Potchep où il fit la connaissance de Brenner. Leur amitié durera jusqu'à la fin de sa vie, marquée par l'errance et la pauvreté : sa tentative d'installation en Palestine se solda par un échec (1907) et, de retour en Russie, il fut terrassé par la maladie. Gnessin avait commencé à publier dès l'âge de quinze ans. Ses nouvelles (Ombres de vie, 1904 ; Dans la maison de grand-père, 1905) sont peuplées de personnages aux traits autobiographiques, antihéros qui n'arrivent pas à donner libre cours à leurs pulsions érotiques. Dans ses derniers récits (De côté, 1905 ; En attendant, 1909 ; Chez, 1913), des êtres solitaires expriment leur aspiration à la mort, en des monologues où mots et images s'enchaînent au seul rythme du temps intérieur.

Gnieditch (Nikolaï Ivanovitch)

Écrivain russe (Poltava 1784 – Saint-Pétersbourg 1833).

Traducteur de Shakespeare, de Voltaire et de Schiller, romancier dans le style « espagnol », il consacra une grande partie de sa vie à une traduction de l'Iliade. Une première tentative en alexandrins l'ayant laissé insatisfait, il se tourna vers l'hexamètre (1829), démontrant ainsi que ce vers était plus approprié à la langue russe. Son idylle sentimentale les Pêcheurs (1822) suscita l'enthousiasme de Pouchkine.

gnostique (littérature)

Si le terme « gnose » désigne toute forme de connaissance ésotérique porteuse d'illumination ou de salut, celui de "gnosticisme" désigne très précisément un courant de pensée qui s'est développé du Ier au Ve siècle de notre ère en marge du christianisme, au nom d'une interprétation supérieure de ses textes, selon une tradition secrète fortement marquée de dualisme et censée procurer à son détenteur le salut. Les ouvrages des gnostiques ont malheureusement sombré dans le naufrage de leurs sectes, victimes de leurs rivalités et de la lutte implacable que leur livra la Grande Église. Si l'on ne tient pas compte des informations partielles et partiales fournies dans leurs notices par les hérésiologues (Irénée, Hippolyte, Épiphane, voire Tertullien), nos sources d'informations directes se ramènent à deux types de documents.

Ouvrages et fragments conservés par la tradition hérésiologique

Le seul ouvrage gnostique qui nous ait été transmis intégralement par la tradition hérésiologique est la Lettre à Flora du valentinien Ptolémée, conservée chez Épiphane. L'auteur discerne trois parties dans la Loi : l'une donnée par Dieu, que le Christ a accomplie ; la seconde, par Moïse, qu'il a abolie ; la troisième, par les Anciens du peuple, qu'il a spiritualisée. Il distingue d'autre part le Démiurge, créateur et législateur, du Dieu parfait. On trouve aussi chez Clément et Origène d'importants fragments des valentiniens Théodote et Héracléon.

Ouvrages conservés dans des traductions en langue copte

Les ouvrages conservés en traduction forment notre source d'information la plus importante. À la fin du IVe siècle ou au début du Ve, des chrétiens égyptiens en dissidence avec l'Église officielle recueillirent, traduisirent et recopièrent les ouvrages gnostiques qui avaient survécu. C'est de ces « gnostiques » de la dernière génération que proviennent les cahiers (codices) de papyrus retrouvés à l'époque moderne. Ils sont classés selon leurs lieux de conservation, par ordre chronologique de leur découverte. [Sont indiqués d'abord l'initiale du lieu de conservation, puis le numéro d'ordre du cahier en chiffres romains, enfin le classement de l'ouvrage à l'intérieur du cahier.]

L (Londres, Brit. Mus. Addit. 5114)

Ce parchemin de 178 feuillets, auquel on a donné pour titre Pistis Sophia, a été acquis v. 1750 par A. Askew chez un libraire londonien, et comprend quatre parties. La première, composée de dialogues entre Jésus, Marie-Madeleine et les disciples, porte sur l'interprétation des Psaumes de David et des Odes de Salomon en fonction de la chute et de la repentance de Sophia. La deuxième donne la suite des dialogues : sauvetage de Sophia et ses conséquences pour l'âme individuelle. La troisième est constituée de dialogues didactiques sur la nature du péché et de la repentance à partir d'exégèses de logia de Jésus. Les dialogues de la dernière partie ont un caractère eschatologique très prononcé. Jésus y révèle les secrets de l'univers astral, formule les noms ineffables du Père des lumières et des éons – entité éternelle comme son nom l'indique, et divine, émanée du plérôme, monde supérieur formé par l'ensemble des éons – et met en place les rites incantatoires qui assureront aux disciples la possession de la gnose.

O (Oxford, Bodl. Bruc. 96)

Rapportée d'Égypte au milieu du XVIIIe siècle par le voyageur écossais James Bruce, cette collection incomplète et en très mauvais état renferme deux ouvrages : 1. Livre du grand traité initiatique : recueil de recettes et de mots de passe, qui ont pour fonction de faciliter à l'élu la traversée des mondes planétaires. 2. Topographie céleste : ouvrage qui expose, dans une succession ininterrompue d'invocations liturgiques, les hiérarchies du premier principe décrit comme existant et inexistant, au-delà des essences et source des essences, négateur de toute catégorie de parenté, de pensée, de langage et de nombre mais en même temps affirmé comme père, intellect, démiurge, premier et second, à la fois extérieur aux séries qui découlent de lui et intérieur à elles, parce que c'est lui qui les fonde, les meut et les pense et parce qu'elles sont « foi, espérance, amour et vérité » de lui-même.

B (Berlin, P. Berol, 8502)

Acquis en 1896 au Caire par Carl Schmidt, ce papyrus contient quatre écrits : 1. Évangile selon Marie : exégèse paraphrastique de quelques préceptes évangéliques. 2. Livre des secrets de Jean : exposé complet de la doctrine gnostique – monde d'en haut (Père-Mère-Fils), monde d'en bas (démiurge, sphères et corps humain), rétribution et retour. 3. Sagesse de Jésus : adaptation de la Lettre d'Eugnoste (voir infra) au genre littéraire des révélations. 4. Acte de Pierre : épisode de la légende de Pierre : la fille de l'apôtre échappe par la paralysie à un prétendant, qui se convertit et meurt.