Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Thiry (Marcel)

Écrivain belge de langue française (Charleroi 1897 – Fraiture 1977).

Engagé volontaire dans l'armée belge, il participe à l'odyssée des autos-canons en Russie et rejoint la Belgique par la Sibérie et les États-Unis. De cette équipée il se fera plus tard le mémorialiste. Il fait ensuite son droit, à Liège, pour entrer dans les affaires. Trois recueils (Toi qui pâlis au nom de Vancouver, 1924 ; Plongeantes Proues, 1925 ; l'Enfant prodigue, 1927) sont marqués du sceau du voyage, de l'errance, de l'aventure et du long retentissement de noms de villes, de lieux, de rivières (Vancouver, Arkhangelsk, Elverdinghe, Kharbine, Asie, Amour). L'écriture poétique y fonde une sorte de classicisme de l'héritage symboliste. Une deuxième inspiration s'amorce avec Statue de fatigue (1934), inaugurant un lyrisme de l'immanence où s'inscrivent les éléments les plus voyants du monde contemporain. Après une révolte contre la condition quotidienne des Marchands (1936), sa poésie se déploie comme une auscultation des virtualités du langage (Âges, 1950 ; Vie Poésie, 1961 ; le Jardin fixe, 1969 ; l'Égo des neiges, 1972 ; l'Encore, 1975). L'œuvre en prose, quant à elle, dit la révolte contre la condition humaine et contre le temps. Par sa façon de faire affleurer l'insolite dans le quotidien, les romans, nouvelles, contes et récits (Échec au temps, 1945 ; Nouvelles du grand possible, 1960 ; Voie lactée, 1961 ; Nondum jam non, 1966) s'apparentent à la veine du réalisme magique.

Thmenh Chey

Conte cambodgien anonyme, dont il existe plusieurs versions et adaptations en Asie du Sud-Est, notamment au Laos (Xieng Mieng) et en Thaïlande (Si Thanoncay), et publié à la fin du XIXe s. par l'orientaliste Étienne Aymonier. Le héros, Thmenh Chey, ou « Thmenh le Victorieux », un jeune Cambodgien astucieux et bouffon, tourne en dérision, par ses farces, ses attitudes provocantes et son génie du verbe, personnages importants et institutions officielles du royaume, la famille, les mandarins, les bonzes, les juges, jusqu'au roi du Cambodge et au roi de Chine, également victimes de son humour destructeur. Tableau extrêmement vivant et caricatural de la société khmère entre les XVIe, XVIIe et XVIIIe s., l'histoire de Thmenh Chey est aussi un chef-d'œuvre d'esprit populaire et d'impudence, illustrant divers aspects d'un humour propre à l'Asie du Sud-Est et, plus particulièrement, au contexte khmer traditionnel.

Thoma (Ludwig)

Écrivain allemand (Oberammergau 1867 – Rottach 1921).

Rédacteur de la revue satirique Simplicissimus à partir de 1899, cofondateur avec Hermann Hesse de la revue März en 1906, Thoma fut un critique social et politique. Tout en raillant le prussianisme du règne de Guillaume II, il excelle dans la peinture de la vie publique et privée d'une Bavière soumise au goupillon. Outre des pièces satiriques dont la plus célèbre reste Morale (1909) et une autobiographie, les Quatre Cents Coups (1905), Thoma s'est essayé au théâtre populaire (Magdalena, 1912) et au roman paysan (Andreas Vöst, 1905).

Thomas (Antoine Léonard)

Écrivain français (Clermont-Ferrand 1732 – Château d'Oullins, près de Lyon, 1785).

Poète avec l'ambitieux Jumonville (1759), qui célèbre un épisode de la guerre franco-anglaise en Amérique, la Pétréide, épopée à la gloire du tsar Pierre le Grand, une Épître au peuple (1760), et des pièces plus élégiaques dont une Ode sur le temps (1762), auteur d'essais (Essai sur les femmes, 1772, Essai sur les éloges, 1773), Thomas s'imposa avec les éloges du maréchal de Saxe, du chancelier d'Aguesseau, de Dugay-Trouin, Sully, Descartes, du Dauphin et de Marc Aurèle.

Thomas (Dylan Marlais)

Poète gallois (Swansea 1914 – New York 1953).

Il a évoqué ses expériences littéraires, ses admirations de jeunesse (Freud, Hopkins, Joyce) et sa dérive à travers l'amitié, l'amour et l'alcool dans les nouvelles de son Portrait de l'artiste en jeune chien (1940). Avec la publication de Dix-Huit Poèmes (1934), puis de Vingt-Cinq Poèmes (1936), de la Carte du Tendre (1939) et de Morts et Initiations (1946), il étonne par la nouveauté de sa langue, dont les rythmes inhabituels s'ordonnent suivant une syntaxe spécifiquement poétique. Bohème, indépendant, mais reconnu comme un maître, il écrit des essais, des nouvelles et un drame radiophonique (Au bois lacté, 1953), et il réunit en 1952 les éléments épars de son œuvre sous le titre de Poèmes choisis, 1934-1952. Après sa mort, on a publié de lui un roman inachevé (Aventures dans le commerce des peaux, 1955) et deux recueils de récits (De très bonne heure le matin, 1954 ; Vue sur la mer, 1955).

Thomas (Henri)

Écrivain français (Anglemont, Vosges, 1912 – Paris 1993).

De famille modeste, boursier de l'État puis brillant élève d'Alain, il renonce à l'École normale pour voyager et écrire. Ses premiers poèmes, dans la revue Mesures en 1938, seront suivis de plusieurs recueils de petites pièces rimées et musicales (Travaux d'aveugle, 1941 ; Signe de vie, 1944 ; le Monde absent, 1947 ; Nul Désordre, 1950 ; À quoi tu penses, 1980 ; Joueur surpris, 1982). Collaborateur de nombreuses revues (Terre des hommes, 84, Obsidiane), il est surtout romancier, plaçant le quotidien dans l'éclairage secret et inquiétant d'une lumière inconnue sous laquelle êtres et objets finissent par s'éroder. Aussi aiguisés que soient les sens, vue et ouïe, ils ne peuvent saisir qu'« une ombre de sens ». Les personnages, dont le réccurrent de Paul Souvrault, double de l'auteur, sont ainsi souvent mal à l'aise, mais découvrent au pire de l'adversité la grâce de leur présence au monde (le Seau à charbon, 1940 ; la Vie ensemble, 1943 ; les Déserteurs, 1951 ; la Nuit de Londres, 1956 ; la Dernière Année, 1960 ; John Perkins, 1960, prix Médicis ; le Promontoire, 1961, prix Femina ; le Parjure, 1964 ; la Relique, 1969 ; le Migrateur, 1983 ; le Croc des chiffonniers, 1985). Avec la même exigence littéraire, ses nouvelles (la Cible, 1955 ; Sainte Jeunesse, 1973 ; les Tours de Notre-Dame, 1977), ses notes et essais critiques (le Porte-à-faux, 1949 ; la Chasse au trésor, 1961 ; Compté, pesé, divisé, 1989), invitent le lecteur, avec humour parfois, au paradoxe quotidien du « délice et supplice de vivre ». Il est aussi le traducteur important de Shakespeare, de Melville, de Pouchkine et de Jünger.