Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Grèce (suite)

Platonisme et néoplatonisme

L'histoire du platonisme est d'abord celle des différentes Académies, où les scholarques, à la tête de l'école, apportent des orientations nouvelles. Dès l'ancienne Académie, chez Speusippe (347-338), le neveu de Platon, et chez Xénocrate (scholarque de 338 à 313) se fait sentir l'influence du pythagorisme. Arcésilas de Pitane (vers 316-v. 241) donne à la nouvelle Académie une orientation sceptique et renoue avec la tradition de l'enseignement oral, comme Carnéade de Cyrène, scholarque de 166 à 126, comme encore Philon de Larissa, dernier scholarque de l'école. Antiochos d'Ascalon (Ier s. av. J.-C.), son disciple, empruntant à l'aristotélisme et au stoïcisme, rompit avec son maître. Le moyen platonisme est un platonisme éclectique (Potamon d'Alexandrie, Ier s. apr. J.-C.), où le néopythagorisme prend une place de plus en plus importante, et qui annonce parfois le syncrétisme néoplatonicien. Ce courant est illustré, en langue grecque, par Plutarque (vers 50-v. 125), Théon de Smyrne, Alcinoos (Enseignement des doctrines de Platon), Atticus, Maxime de Tyr ou Numénius d'Apamée (2e moitié du IIe s. apr. J.-C.), qui voit dans Platon un « Moïse qui parlait grec » (Clément d'Alexandrie, Stromates, I, 22). Philon d'Alexandrie (vers 30 av. J.-C.-45 apr. J.-C.) avait déjà rapproché la foi et la tradition judaïques des philosophies grecques, platonisme, aristotélisme, stoïcisme et néopythagorisme. Les grands noms du néoplatonisme (IIIe s.-VIe s. apr. J.-C.) sont d'abord Plotin (205-270), Porphyre (233-v. 305), qui édita les traités de Plotin (Ennéades), dont nous possédons plus de vingt ouvrages, et Jamblique (vers 240-v. 325). Auteur, entre autres, d'un Protreptique, d'une Vie de Pythagore et des Mystères d'Égypte, celui-ci substitue la théurgie à l'ascension philosophique de l'âme telle que la définit Plotin. Le néoplatonisme, auquel adhère l'empereur Julien (331-363), marque l'unité des doctrines philosophiques et concilie les traditions philosophiques et religieuses (orphisme, pythagorisme, Oracles chaldaïques). Il poursuit son développement, au début du Ve s., à Alexandrie et à Athènes. À Athènes, Proclus (412-485), disciple de Syrianus, écrivit entre autres ouvrages de nombreux commentaires aux dialogues platoniciens, que nous possédons pour partie, une Théologie platonicienne et des Éléments de théologie. Damascius, auteur d'un Commentaire du Parménide de Platon, d'une Vie d'Isidore et d'un Traité des premiers principes, est le dernier à la tête de l'école d'Athènes, fermée par Justinien en 529 ; Simplicius, commentateur d'Aristote et d'Épictète, y a enseigné.

L'aristotélisme

Théophraste d'Érésos succéda à Aristote à la tête du Lycée en 322. Il illustre l'esprit encyclopédique des péripatéticiens (de peripatetikos, « qui aime à se promener pour converser ou enseigner »), comme ses disciples, Douris de Samos, l'historien, ou Démétrios de Phalère, qui s'est préoccupé de philosophie, d'histoire, de rhétorique et de poésie. Straton de Lampsaque, qui a succédé à Théophraste en 287, s'oppose aux platoniciens et aux stoïciens dans une œuvre importante (perdue). Après lui, l'aristotélisme décline et c'est l'édition des traités d'Aristote, au Ier siècle av. J.-C., qui suscite son renouveau. Nous avons conservé un commentaire de l'Éthique à Nicomaque d'Aspasios (IIe s. apr. J.-C.) et de nombreux commentaires d'Alexandre d'Aphrodise (IIe-IIIe s.). À l'exception du rhéteur Thémistios de Paphlagonie (vers 317-v. 388 apr. J.-C.), les commentateurs d'Aristote sont ensuite des néoplatoniciens.

La science

La science grecque se trouve d'abord chez les philosophes présocratiques, phusikoi, mathématiciens, cosmologues, qui peuvent traiter de biologie ou de médecine. Les médecins de la Collection hippocratique (Ve-IVe s., pour la plupart) dialoguent avec les autres penseurs, s'adressent à des spécialistes ou à un tout autre public, et les traités peuvent être des discours d'apparat influencés par la rhétorique de Gorgias. Aristophane se moque, dans les Oiseaux, d'un Méton, géomètre et astronome du Ve siècle, qui rappelle Hippodamos de Milet et prétend résoudre le problème de la quadrature du cercle. C'est assez dire la diversité des contributions à la science grecque et celle des modes de sa réception. Les écoles philosophiques, l'Académie de Platon ou le Lycée d'Aristote, au IVe s., puis l'école d'Épicure et le Portique, sont des lieux de la recherche. On peut ainsi citer, à côté des philosophes de tous les siècles, jusqu'aux néoplatoniciens, pour les mathématiques et l'astronomie surtout, après Eudoxe de Cnide, Héraclide du Pont (IVe s.), membres de l'Académie, disciple d'Aristote pour le second, Aristarque de Samos, qui conçoit un système héliocentrique, Euclide d'Alexandrie (Éléments), Archimède et Ératosthène de Cyrène, qui fut aussi bibliothécaire d'Alexandrie, géographe et philologue, Apollonios de Pergè (IIIe s.), Hipparque de Nicée (IIe s.), pour la mécanique, Ctésibios d'Alexandrie (vers 270 av. J.-C.), Philon de Byzance (vers 200 av. J.-C.), pour la médecine, Hérophile et Érasistrate (IIIe s.), avant Claude Ptolémée, géographe et astronome, dont la Composition mathématique est connue sous le nom d'Almageste, depuis le Moyen Âge, et le médecin Galien, sous l'Empire romain (IIe s. apr. J.-C.).

   L'époque hellénistique voit se développer, à côté de la philologie et de la critique littéraire, les compilations, les recueils et l'histoire des doctrines, étape de la recherche pour les péripatéticiens. Les auteurs reprennent les œuvres de leurs prédécesseurs ; les poètes didactiques, comme Aratos (fin du IVe s.-milieu du IIIe), dans les Phénomènes, prennent aussi comme source des traités scientifiques. L'époque romaine est riche de sommes et d'ouvrages encyclopédiques qui prennent des formes très diverses dans tous les domaines. Galien a laissé une œuvre qui touche aussi bien à la philosophie et à la philologie qu'à la médecine, et témoigne des connaissances acquises ; un autre médecin, Sextus Empiricus, sceptique (Hypotyposes pyrrhoniennes ; Contre les mathématiciens) rend compte de manière polémique des doctrines philosophiques, comme le font d'une autre manière les Vies et doctrines des philosophes illustres de Diogène Laërce (IIIe s. ?), et les Vies des sophistes de Philostrate (IIIe s.). La Bibliothèque attribuée à tort à Apollodore d'Athènes (IIe s. av. J.-C.), élève d'Aristarque de Samothrace, est un recueil de récits mythologiques (Ier s. apr. J.-C.). Artémidore de Daldis (IIe s.) a écrit une Clef des songes, traitant de l'oniromancie. Les Deipnosophistes (Banquet des sages) d'Athénée, l'Histoire variée, la Nature des animaux d'Élien (IIe-IIIe s.) sont placés sous le signe de l'érudition, comme l'Anthologie de Stobée (Ve s.).

Le roman

Le roman, dernier genre créé par l'Antiquité grecque, sans nom spécifique, a eu son plein développement à époque romaine, du Ier au IVe s. Le schéma général est celui du roman d'amour et d'aventures, l'histoire de deux jeunes gens très beaux qui, aussitôt après un coup de foudre, sont séparés par de nombreuses péripéties (enlèvements, esclavage, rivaux, naufrages...), avant de se retrouver enfin. Les variations sont multiples : le roman grec intègre la tradition littéraire (poésie épique, lyrique, tragique, éloquence classique, comédie nouvelle, etc.), tout en révélant l'influence de mouvements comme la seconde sophistique et une conception individuelle et dramatique de la condition humaine. Mais c'est surtout une littérature d'évasion et de loisir, à la fois conventionnelle et originale, souvent parodique. Outre des fragments et des résumés (par exemple les Babyloniaques dans la Bibliothèque de Photius), il reste cinq textes complets. De Chariton, les Aventures de Chéréas et Callirhoé (fin du Ier s.) relèvent du roman historique et de l'analyse psychologique, alors que les Éphésiaques de Xénophon d'Éphèse (IIe s.), souvent vus comme un abrégé, suivent de près le schéma générique, avec des effets subtils de composition. Encore au IIe s., Daphnis et Chloé de Longus est une pastorale qui évoque le développement de l'amour entre les deux héros, à Lesbos, alors que les Aventures de Leucippé et Clitophon d'Achille Tatius, remaniées au IIIe s., forment une œuvre à la première personne, ironique et rhétorique, riche en digressions. Les Éthiopiques d'Héliodore (IVe s.), à la construction complexe et à l'intrigue mystérieuse, qui influencèrent le roman renaissant et classique, marquent l'aboutissement du genre. On ajoutera des récits de voyage fantastique, comme les Merveilles d'au-delà de Thulé d'Antonius Diogènes (IIe s.), un roman philosophique, la Vie d'Apollonios de Tyane de Philostrate, et le Roman d'Alexandre, dont la popularité, au Moyen Âge, fut extrême. Le roman grec antique est un genre foisonnant, varié, à la riche postérité.