Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
K

Khaqani

Poète persan (1126 – 1199).

Originaire du Caucase et de mère chrétienne, il fut panégyriste à la cour de Chirvan (Azerbaïdjan du Nord), avant de se retirer dans la solitude à Tabriz vers la fin de sa vie. Son art poétique raffiné est marqué par une attirance pour le soufisme et des allusions au christianisme. On lui doit surtout de très beaux panégyriques, d'élégantes élégies riches en idées philosophiques, en paradoxes et en images, et un masnavi, évocation poétique de son premier pèlerinage à La Mecque (le Présent des deux Iraq, 1156).

Kharitonov (Mark Sergeïevitch)

Écrivain russe (Jitomir 1937).

L'obtention du Booker Prize pour la Mallette de Milachevitch, en 1992, le propulse sur le devant de la scène littéraire. Ce roman constitue, avec Prokhor Menchoutine (1971) et Philosophie provinciale (1979), une sorte de trilogie : pour Kharitonov, la province, motif central de ces romans, constitue une « catégorie mentale », « le principe féminin de l'existence » ; la vie quotidienne, décrite avec une minutieuse précision, joue un rôle essentiel dans son esthétique romanesque, même lorsqu'elle n'est que l'arrière-plan de questions existentielles. Les personnages de Kharitonov pourraient se diviser en deux catégories, ceux qui portent un masque, comme Gogol au carnaval à Paris, dans Une Journée en février (1988), ou les intellectuels d'Étude sur les masques (1972), et ceux qui n'en portent pas, comme ce simple d'esprit dont l'auteur décrit la destinée en contrepoint de celle du tzar Ivan le Terrible, violent, fourbe et capricieux (les Deux Ivan, 1980).

Kharms (Daniïl Ivanovitch Iouvatchov, dit)

Écrivain russe (Saint-Pétersbourg 1906 – Leningrad 1942).

Il emprunte à A. Toufanov (1877-1941) l'idée de « théâtralisation de la vie » et celle du « glissement » sémantique pour composer des poésies très ludiques, fondées sur l'alogisme et regorgeant de calembours, d'associations insolites. Il est un des fondateurs de l'OBERIOU, mouvement pour lequel il donne une pièce « absurde » avant la lettre, Elizaveta Bam (1927). S. Marchak lui demande d'écrire pour la jeunesse, et il met au service de la poésie enfantine son sens du délire verbal (Ivan Ivanytch Samovar, 1928 ; le Million, 1930). Arrêté en 1931, il est déporté jusqu'en 1932. Sa poésie prend un caractère beaucoup plus grave : la censure ne s'est pas trompée sur la nature de ce poème « enfantin », Un homme est sorti de la maison (1937). Dans les années 1930, le non-sens dans sa poésie n'est plus un jeu avec le réel et les mots, mais la traduction d'un sentiment d'absurdité face au régime stalinien (la Vieille, 1939).

Kharrat (Edouard al-)

Romancier, nouvelliste et critique égyptien (Alexandrie 1926).

Issu d'une famille copte originaire de Haute-Égypte, il travailla jusqu'en 1983 à l'Organisation de solidarité des peuples afro-asiatiques. Son premier roman (Râma et le dragon, 1979) fit date dans l'histoire littéraire arabe, tant il est novateur et audacieux. Son univers narratif emprunte largement aux souvenirs individuels, à l'histoire collective, aux mythes et à la mémoire copte ; son écriture est exigeante, dense et minutieuse, d'une richesse révélant un auteur habité par la passion des mots ; l'architecture de ses œuvres récuse dans sa complexité tout classement ; le transgénérique y engendre fusion entre prose et poésie et se veut absolu, total (Hauts Murs, 1959 ; Heures d'orgueil, 1972 ; Étreintes suffocantes de l'amour et du matin, 1983 ; l'Autre Temps, 1985 ; la Gare, 1985 ; Alexandrie terre de safran, 1986 ; les Côtes du désert, 1987 ; Belles d'Alexandrie, 1990 ; Vagues de nuit, 1991 ; les Pierres de Bobello, 1992).

Khatibi (Abdelkébir)

Écrivain marocain de langue française (Mazagan, auj. El-Jadida, 1938).

Son roman la Mémoire tatouée (1971), qui porte en sous-titre « Autobiographie d'un décolonisé » et qui rompt avec le genre traditionnel, est une confrontation de l'identité et de la différence des cultures, un dialogue avec Nietzsche, une tentative pour se dédouaner de l'histoire. La même réflexion se prolonge dans les autres romans (le Livre du sang, 1979 ; Un été à Stockholm, 1990), ainsi que dans les essais de sociologie et de sémiotique (la Blessure du nom propre, 1974 ; Figures de l'étranger, 1987). Khatibi est aussi l'auteur d'une étude sur l'Art calligraphique arabe (1976) et de pièces de théâtre (la Mort des artistes, 1963 ; le Prophète voilé, 1973).

Khayyam (Omar)

Mathématicien et poète persan (Nichapour v. 1047 – id. v. 1122).

Il connut un grand engouement en Occident grâce à la paraphrase des Quatrains (Roba'iyat) par Fitzgerald. Les sources anciennes voient en lui un savant et ne font pas état de sa poésie. Le nombre de quatrains attribués à Khayyam croît au fil des siècles. On suppose que de nombreux poètes d'époques et de tendances diverses ont mis leurs créations sous le nom de Khayyam. Il serait donc vain d'y chercher une unité de pensée : hédonisme, scepticisme et libre-pensée y voisinent avec piété ardente, doute métaphysique, désespoir face au destin et angoisse de la mort. La poésie soufie a contribué à sa popularité en lui empruntant ses thèmes libertins.

Khlebnikov (Viktor Vladimirovitch, dit Velimir)

Poète russe (Tundutovo 1885 – Santalovo 1922).

Élevé dans une famille cultivée, il se consacre alors qu'il est encore étudiant à découvrir les « lois du temps », qui réguleraient la récurrence des événements historiques. Proche un moment des symbolistes, il est l'un des initiateurs du futurisme : il participe aux manifestes, et son recueil la Conjuration par le rire (1910) est souvent considéré comme la première œuvre futuriste. Ce poème, écrit sur une seule racine, développée en néologismes, est le premier pas de Khlebnikov dans l'élaboration du « zaoum », ou « langage transmental » : il s'agit de retrouver les pouvoirs du langage premier, en reconstruisant, à partir des cellules minimales des langues empiriques, dégagées de leur signification, une langue universelle. Des procédés comme la dérivation ou la paronomase sont des adjuvants précieux et occupent comme tels une place de choix dans l'écriture de Khlebnikov. S'articulant avec ses recherches sur le temps, cette conception linguistique devient le centre d'un système de nature scientifique. Profondément antimilitariste (la Guerre dans la souricière, 1919), il salue avec joie la révolution (Perquisition de nuit, 1918 ; Nuit avant les Soviets, 1921) et y voit l'avènement de l'harmonie universelle à laquelle il aspirait (Ladomir, ou « le Monde de concorde », 1920 ; les Tablettes du destin, 1922). Zanguezi, pièce de 1922, apparaît comme la somme de ses recherches. Khlebnikov meurt d'une septicémie après des mois de pérégrinations en Perse, avec l'Armée rouge.