Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
G

Gombauld (Jean Oger)

Poète français (Lussac, Saintonge, v. 1588 – Paris v. 1666).

Favori de Marie de Médicis, il supporta impatiemment la mainmise de Richelieu sur la vie littéraire. Il n'en fut pas moins l'un des premiers membres de l'Académie française, et joua un rôle dans les querelles à propos du dictionnaire et des unités au théâtre. Il ne publia guère : des poèmes (Poésies, 1646), un roman (Endymion, 1624), une pastorale (Amaranthe, 1631) et une tragédie (les Danaïdes, 1658).

Gomberville (Marin Le Roy de)

Écrivain français (Paris 1600 – id. 1674).

Il se signale d'abord par son purisme intransigeant (voir la fameuse querelle avec Voiture à propos de la conjonction car, qu'il voulait rayer du dictionnaire). Mais c'est surtout dans le roman qu'il se fait remarquer, avec la Carithée, premier roman à clefs, et surtout Polexandre (1629-1645), où le réalisme exotique inspiré des récits de voyage se mêle aux aventures les plus touffues qui en font un rival de Scudéry, de La Calprenède et d'Urfé.

Gombrowicz (Witold)

Écrivain polonais (Maloszyce 1904 – Vence 1969).

Issu d'une famille de noblesse terrienne polonaise, il poursuit des études de droit à Varsovie sans ardeur particulière, s'inscrit à l'Institut des hautes études internationales à Paris (1928-1929), mais néglige ses études auxquelles il préfère de « mauvaises fréquentations ». Son père lui coupe les vivres. Revenu en Pologne, il s'inscrit à un stage au tribunal de Varsovie, fréquente les cafés littéraires et le cercle de la revue culturelle la plus en vue les Nouvelles littéraires, publie bientôt, aux frais de son père, un premier recueil de nouvelles qu'il compose depuis 1926, Mémoires du temps de l'immaturité (1933). Son père meurt la même année, Witold hérite de la moitié du domaine familial. Il écrit sa première pièce de théâtre, Yvonne, princesse de Bourgogne, se lie d'amitié avec les écrivains Adolf Rudnicki, Bruno Schulz, Stanisław Witkiewicz, anime sa propre table au célèbre café littéraire Ziemiańska, publie dans la presse divers articles dont une très élogieuse Introduction à la psychanalyse de Sigmund Freud (1935). En 1937 est édité, pour moitié à compte d'auteur, Ferdydurke, son premier roman dans lequel l'immaturité est à la fois une catégorie morale et un concept philosophique. Le narrateur, redevenu adolescent, se retrouve sur les bancs d'une classe, dans une famille bourgeoise où il a pris pension, dans le manoir de sa tante. Le corps pédagogique, l'ordre social, la tradition littéraire, la culture, l'affublent d'une « gueule » à son corps défendant. Dans toute son œuvre, Gombrowicz dénonce « la Forme qui, sous l'autorité ou l'influence du corps social, détermine notre vie », note Jean Decottignies. Accueillie avec enthousiasme par certains, mépris par d'autres, l'œuvre marque un tournant dans l'histoire de la littérature polonaise, où la poésie tient une place dominante et où les écrivains se veulent engagés dans le combat patriotique depuis près d'un siècle. Chez Gombrowicz, le combat contre la « Forme » se greffe également sur le refus d'un sentiment national étouffant. L'entre-deux-guerres – première période de liberté de l'État polonais, et donc de sa littérature, après cent dix ans d'occupation –, est sur le point de se terminer. Au retour d'un voyage en Italie, Gombrowicz assiste à l'entrée d'Hitler à Vienne (15 mars 1938). Le 1er août 1939, il embarque pour l'Argentine. Il demeure vingt-trois ans à Buenos Aires, où il se donne tout entier à la littérature. Il fait la connaissance de Manuel Gálvez, Arturo Capdevilà, J. L. Borges (Pérégrinations argentines, écrites en 1959, publiées en 1977), mais poursuit son œuvre si individuelle, si dérangeante, qu'elle ne laisse personne indifférent. Jerzy Giedroyć en est l'éditeur fidèle en langue polonaise à Maisons-Laffitte, mais la diaspora polonaise la vilipende. En Pologne, elle fascine ou horrifie ceux qui y ont accès, une campagne de presse officielle se déchaîne contre elle alors que la censure endigue la publication (1963), et il faut attendre 1986 pour qu'elle y soit publiée dans son intégralité. En France, « Gombrowicz essuie un double refus de la littérature française régnante, des deux littératures régnantes à "Paris", tradition et avant-garde », constate J. P. Salgas. Un second roman, Trans-Atlantique (1947), met en scène un narrateur qui règle ses comptes avec la Pologne et l'Argentine, son agressivité et sa hargne n'excluent pas une douloureuse lucidité. Les romans les plus achevés de Gombrowicz sont la Pornographie (1960) et Cosmos (1965). Le pays de l'adolescence, renvoyé dans un passé définitif, autorise l'éclosion de passions qu'aucune Forme ne peut plus brider, les « dépendances à l'égard d'autrui » sont désormais le fait de choix ludiques où les sacrilèges, parfois névrotiques, revendiquent leur place. La famille se désintègre, la culture est pervertie et le moi se morcelle jusqu'à ce que le héros perde sa cohésion. Seul le « je » qui s'affirme dans l'écriture est un facteur d'unité par le biais d'un érotisme obsédant. La tentation amoureuse, à l'homosexualité troublante, introduit une problématique du dédoublement : il faut être deux qui se ressemblent pour désirer un tiers, lequel doit être double à son tour. Et si « l'homme est suspendu entre Dieu et la jeunesse », son inclination le porte vers la beauté immature de l'infériorité. Aux Européens de l'Est qui préféraient ses journaux (Journal 1953-1956, 1957-1960, 1961-1969), où Gombrowicz se révèle un polémiste redoutable, il répliquait que seule une lecture préalable de Ferdydurke pouvait leur laisser appréhender l'approche que lui, l'écrivain, avait de l'existence. En 1963, l'invitation de la Fondation Ford à séjourner à Berlin-Ouest, fait revenir Gombrowicz en Europe. Un an plus tard, il s'installe dans le Sud de la France où il épouse sa compagne Rita Labrosse (1968). La même année paraissent ses Entretiens avec Dominique de Roux (1968). Les Envoûtés, dont la publication en feuilleton avait été interrompue dans les hebdomadaires polonais par la guerre, sont publiés par J. Giedroyć en 1973, les Souvenirs de Pologne paraissent en 1977. Il n'est pas rare que les romans de Gombrowicz connaissent des mises en scène théâtrale, mais Gombrowicz est aussi l'auteur de pièces de théâtre qui sont jouées partout dans le monde : Yvonne, princesse de Bourgogne (1935), Opérette (1963), ou le Mariage (1953) récemment inscrit au répertoire de l'Académie française. L'action de Mariage, cette parodie du « drame génial » (Hamlet, Faust, les grands drames romantiques polonais) se déroule sur trois plans : celui de la réalité (Henri, le héros, est un soldat de l'armée polonaise formée en France en 1940), celui du cauchemar (sa maison natale devient une taverne, son père un aubergiste battu par des ivrognes et sa fiancée une souillon), et celui du rêve de grandeur (Henri est un prince héritier, sa fiancée une princesse, et l'évêque va célébrer leur mariage en grande pompe). La réalité et les deux rêves interfèrent dans un déferlement de trahisons, de crimes et de suicides. Le mariage – et donc le salut d'Henri – n'aura pas lieu. Seules naissent ce que l'auteur nomme les « Formes », qui pourraient chacune constituer le drame, et n'en sont que la contrefaçon. Dans toute son œuvre, Witold Gombrowicz atteste le caractère indigeste de l'inhumanité du monde en un siècle qui se voulait victorieux de tous les tabous, et donc de tous les totalitarismes. Il n'est en aucune manière représentatif de la littérature de son pays d'origine. Il a refusé toutes les formes d'oppression, qu'elles fussent patriotiques, politiques ou culturelles, en leur renvoyant leur reflet grotesque et absurde. Il s'est attaché à défendre la liberté de l'homme à vivre ses passions personnelles, à livrer ses propres combats.