Al-Harizi (Juda)
Poète de langue hébraïque (Tolède 1170 – Alep 1225).
Né en Espagne, il voyagea en Provence, puis en Égypte, Terre Sainte et Mésopotamie. Traducteur, il proposa une version hébraïque du Guide des Égares de Maïmonide et fut le premier à adapter les Cahiers d'Ittiel, recueil des maqamas arabes de Al-Hariri, en hébreu fluide et naturel. L'essentiel de son œuvre littéraire est constitué par un livre de maqamas hébraïques intitulé Tahkmoni : 50 cahiers, dont 49 sont en prose rimée, agrémentée de poèmes rythmés. Les thèmes sont divers, voyages, satire sociale, aventures, ainsi que débats didactiques.
Al Berto (Alberto Raposo Pidwell Tavares, dit)
Poète portugais (Coimbra 1948 – Lisbonne 1998).
Révélé par la Peur (1988), il a fait fructifier l'héritage de Fernando Pessoa, notamment dans Lumineux noyé (1988).
Alain-Fournier (Henri Alban Fournier, dit)
Écrivain français (La Chapelle-d'Angillon 1886 – Hauts de Meuse 1914).
La vie d'Alain-Fournier est marquée par la retenue et la fulgurance. Retenue : l'enfance modeste en Sologne auprès de parents instituteurs et d'une sœur aimée, Isabelle ; les études qui le conduiront à l'École normale supérieure ; l'amitié avec Jacques Rivière, devenu son beau-frère, qu'une volumineuse Correspondance (1926-1928) a fixée pour toujours ; l'intérêt pour l'art de son temps : le symbolisme, Maeterlinck et Debussy, Péguy et Claudel. Fulgurance : « l'aventure capitale » (J. Rivière), la rencontre, en 1905, le jour de l'Ascension, d'Yvonne de Quiévrecourt. Il l'aime aussitôt et absolument, la revoit le jour de la Pentecôte et lui parle. Il note ce qu'il a gardé de leur conversation. Il la reverra des années plus tard, mariée et mère de famille. La guerre éclate. Le 22 septembre 1914, le lieutenant Fournier est porté disparu. Destinée romanesque, amour impossible chez un homme qui avait tout pour lui : charme et intelligence, goût de l'absolu et jeunesse, talent enfin.
Paru en 1913, son unique roman, le Grand Meaulnes, avait aussitôt connu le succès. Le livre évoque la rencontre du jeune Augustin Meaulnes, arrivé dans une petite école de Sologne, et de François Seurel, le narrateur. La vie de ce dernier en sera bouleversée. Le roman, plein de « ferveur, de tristesse et d'extase » (J. Rivière), égrène les rêves d'une adolescence hantée par les paradis perdus de l'enfance dont Alain-Fournier fit son credo artistique, entremêlant le merveilleux poétique et l'humble réalité quotidienne. La finesse de l'écriture rend avec art l'amertume du souvenir, les vaines espérances et une douce nostalgie.
Alain-Fournier quêta le bonheur refusé auprès d'autres femmes, les unes obscures (« la petite Jeanne » ou « Loulette »), la dernière célèbre, puisqu'il s'agissait de Mme Simone, actrice connue, épouse de Claude Casimir-Perier, dont Alain-Fournier était le secrétaire en 1912. C'est auprès de Simone qu'il ébaucha une pièce de théâtre, la Maison dans la forêt, et un autre roman, Colombe Blanchet (publié en 1924). La même année paraît Miracles, récits poétiques en vers et en prose, très proches du Grand Meaulnes par leur thématique.
Alami (Muhammad ibn al-Tayyib al-)
Poète marocain (Fès v. 1688 – Le Caire v. 1721).
Il vécut à la cour de Mulay Isma'il et mourut en allant en pèlerinage à La Mecque. Il a laissé une anthologie (al-Anis al-Mutrib). Les passages biographiques y alternent avec de courts essais et des fragments poétiques rapportés ou originaux. L'auteur, tout ensemble un épicurien et un mystique, excelle dans les compositions strophiques muwachchah, héritage andalou, dont il illustre la vitalité au Maghreb.
alamkaras'astra (« science des ornements » en sanskrit)
Art poétique et rhétorique.
Elle inclut non seulement la rhétorique, mais la théorie du style (riti), des manières (vrtti), des sentiments ou « saveurs » (rasa), de la suggestion (dhvani). Attribuée à Bharata, cette théorie fut systématisée aux VIIe-VIIIe s. par Bhamaha, Dandin et Vamana et renouvelée, du IXe au XIe, par des esthéticiens cachemiriens, tels Anandavardhana, Mammata et Abhinavagupta.
Alaol
Poète indien de langue bengalie (Faridpur 1597– Arakan 1673).
Soufi, il s'inspira des modèles en arabe, en persan et en hindi et introduisit des thèmes nouveaux en bengali (Padmavati, Sati Mayana o Lor Chandrani).
Alavi (Bozorg)
Écrivain iranien (Téhéran 1904 – Berlin 1996).
Influencé par le freudisme et le marxisme, militant du parti communiste Tudeh, il fut contraint à l'exil en Allemagne de l'Est à partir de 1954. Il écrivit des recueils de brefs récits (la Valise, Notes de prison, Lettres, Mirza) et des romans (Ses yeux, 1952, son chef-d'œuvre ; Salariha, la Termite, Récit).
Albanie
L'albanais a sans doute été écrit dès le XIVe s. Néanmoins, le premier document qui nous soit parvenu est daté de 1462. C'est une simple formule de baptême insérée dans une lettre latine de Pal Engjëlli, archevêque de Durrës (Durazzo). Le premier livre qui nous soit parvenu en entier – ou peu s'en faut – est le Missel du prêtre catholique Gjon Buzuku, en 1555.
Comme dans la plupart des littératures, on rencontre d'abord des textes religieux ou techniques. En 1592, Lekë Matrënga (un des Albanais, ou Arbëresh, émigrés en Italie pour fuir l'occupation turque) publie, à la suite de son Missel, le premier poème albanais connu. Frang Bardhi (1606-1643) publie en 1635 le premier dictionnaire latin-albanais, enrichi notamment d'un curieux recueil de proverbes ; Pjetër Budi (1566-1623) est l'auteur de trois adaptations de livres de piété italiens accompagnées de poésies et d'appendices originaux, où il se révèle un véritable écrivain et un précieux témoin de la vie de son temps : il en est de même avec Pjetër Bogdani (vers 1625-1689) dont la Clef des prophètes (1685) témoigne d'un enrichissement notable de la langue. La production littéraire du XVIIe s. émane donc intégralement de prêtres catholiques du Nord de l'Albanie, très influencés par la culture italienne et occidentale, ou d'Albanais d'Italie.
Les œuvres du XVIIIe s., en revanche, sont dues à des musulmans formés aux littératures turque, arabe ou persane. Rédigées en caractères arabes – et non plus latins –, elles sont essentiellement poétiques. Les auteurs exploitent les thèmes orientaux traditionnels tout en évoquant parfois les événements contemporains et les aspects de la vie locale. Nezim Frakulla et Hasan Zuko Kamberi sont les premiers représentants de cette période qui s'épanouit avec Muhamet Kyçyku (1784-1844).
Le réveil culturel
Le réveil culturel qu'on observe au XIXe s. en Europe centrale et orientale se manifeste en Albanie par le mouvement de la « Renaissance Nationale » (Rilindja Kombëtare), dont les efforts seront couronnés en 1912 par l'accession à l'indépendance. Dès 1840, ses partisans cherchèrent, malgré l'oppression ottomane, à faire sortir le pays de son sous-développement culturel. Ils s'attachèrent à créer un alphabet unique (trois alphabets : latin, grec et arabe, se faisaient alors concurrence).
Naïm Frashëri (1846-1900) est un des plus éminents représentants de cette période. Haut fonctionnaire du gouvernement turc en Albanie du Sud, puis à Istanbul, homme politique et publiciste, son œuvre littéraire, essentiellement poétique, exprime le charme du pays albanais (Bucoliques et Géorgiques), le désir de voir sa patrie accéder à la civilisation et à la liberté. Il évoque aussi les traditions historiques de son peuple (le Paradis) et naturellement le héros national Skanderbeg, symbole de l'unité des Albanais (Histoire de Skanderbeg). Mais bien d'autres auteurs importants s'affirmeront pendant cette période, comme Andon Zako Çajupi (1866-1930), Asdreni (1872-1947), Ndre Mjeda (1866-1937), Filip Shiroka (1859-1935) et Luigj Gurakuqi (1879-1925).
La vie culturelle interrompue pendant la Première Guerre mondiale reprendra activement dans les années 1920. Les intellectuels s'attachent à défendre leur pays dans les organismes internationaux, font revivre les sociétés culturelles, créent de nouvelles revues (la Flamme, la Renaissance, le Monde Nouveau). Parmi eux, Fan S. Noli (1882-1965) occupe une place de choix : poète, dramaturge, journaliste, historien, musicologue, traducteur des principaux chefs-d'œuvre de la littérature mondiale, il rejoint très vite le mouvement de la Rilindja et participe à la vie politique albanaise.