Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
W

Wolfskehl (Karl)

Poète allemand (Darmstadt 1869 – Bayswater, Nouvelle-Zélande, 1948).

Après avoir collaboré aux Blätter für die Kunst de S. George, il émigra en Italie (1933), puis en Nouvelle-Zélande (1938), et se tourna vers une poésie moins teintée d'esthétisme. Ses drames (Saul, 1905) et ses recueils lyriques évoquent les souffrances du peuple juif (le Cercle, 1927 ; Aux Allemands, 1947 ; Chant de l'exil, 1950 ; Job ou les Quatre Miroirs, 1950). Il a laissé des Lettres de Nouvelle-Zélande (1959).

Wolker (Jirí)

Poète tchèque (Prostejov 1900 – id. 1924).

S'inspirant d'Apollinaire et des courants d'avant-guerre, il fut un théoricien et le principal représentant dans son pays de la poésie prolétarienne. Ses poèmes écrits dans un style à la fois simple et expressif (l'Hôte dans la maison, 1921 ; l'Heure grave, 1922) ont été en 1948 considérés comme modèle de la « poésie socialiste ».

Wolkers (Jan)

Sculpteur et écrivain hollandais (Oegstgeest 1925 – Westermient 2007).

Il travailla la sculpture à Amsterdam et Salzbourg, puis à Paris avec Zadkine. Ses récits, où domine une sexualité trouble, se déroulent dans la perspective d'une culpabilité et d'une mort inévitables (le Jupon de Serpentine, 1961 ; Une rose de chair, 1963 ; le Chien à la langue bleue, 1964 ; Retour à Oegstgeest, 1965 ; le Baiser, 1977 ; la Pêche d'immortalité, 1980 ; le Temps inexorable, 1984).

Wollstonecraft (Mary)

Femme de lettres anglaise (Hoxton 1759 – Londres 1797).

Après avoir quitté très tôt sa famille, elle devient institutrice, gouvernante, puis traductrice (1788). Elle fréquente à Londres les cercles « radicaux ». Célébrant la Révolution française (Défense des droits de l'homme, 1791), elle demande l'égalité pour la femme (Défense des droits de la femme, 1792) et part pour Paris. Amoureuse d'un aventurier qui l'abandonne alors qu'elle est enceinte, elle tente de se tuer, retourne en Angleterre, épouse William Godwin et meurt peu après la naissance de sa fille Mary, la future femme de Shelley et auteur de Frankenstein.

Woolf (Virginia)

Romancière anglaise (Londres 1882 – près de Rodmell, Sussex, 1941).

Fille d'un « éminent victorien » (sir Leslie Stephen, gendre de Thackeray, rédacteur en chef du Cornhill Magazine et auteur du Dictionnaire biographique national), côtoyant dès l'enfance la fleur de l'intelligentsia britannique, égérie du groupe de Bloomsbury, elle bâtit son œuvre comme une digue contre la maladie mentale qui dévorait ses énergies et qui la frappait presque régulièrement à la parution de ses livres. Privée très tôt de la paix que lui procurait sa mère, morte en 1895, elle perd successivement sa demi-sœur Stella (1897) et son frère Thoby (1906). Quand sa sœur Vanessa, peintre, se marie en 1907, elle voit s'éloigner celle dont elle avait été la plus proche. Elle épouse en 1912 Leonard Woolf (économiste, pacifiste), dont l'inlassable bonté l'aidera à se doter d'une influence doublement vitale ; avec lui, elle monte une maison d'édition où seront notamment publiés Katherine Mansfield, T. S. Eliot et Freud. Homosexuelle pudique, elle écrit, à la gloire de Vita Sackville-West, Orlando (1928), célébration de l'androgyne. Féministe puritaine, elle soutient de loin le combat des suffragettes mais rédige plusieurs ouvrages essentiels sur la condition féminine : Une chambre à soi (1929), Trois Guinées (1936). Dans ses romans, Virginia Woolf dit non pas les revendications, mais l'exil des femmes, leurs rancœurs, les défaillances du vouloir-vivre, l'avortement des élans, les désastres de la sympathie. L'intime devient un point de vue sur l'histoire. Et cet élargissement (tchékhovien) de la conscience redéfinit l'oppression : la souffrance étouffée, tue et cachée. Elle peint le mal de vivre, elle tente de relier les « moments de vie » et d'unifier les coulisses de l'âme, ses envies et ses haines. L'écriture seule éternise ce flux et transcrit, au-delà des « apparitions que nous sommes », les terrifiantes intermittences de l'âme ponctuées d'abandons et de deuils. Après ces premiers essais que sont la Traversée des apparences (1915), Nuit et Jour (1919), la Chambre de Jacob (1922), le génie de Virginia Woolf éclate avec Mrs. Dalloway (1925). À travers le récit de la journée d'une femme à Londres, elle propose une forme d'unanimisme : c'est le vécu et les aspirations insatisfaites de la ville qui se jouent à travers ses héros, réunis par une prose poétique imprégnée de douleur. Autre sommet de l'œuvre woolfienne, la Promenade au phare (1927) : Mrs. Ramsay (portrait de la mère de Virginia) possède le génie de transformer chaque événement de la vie quotidienne en un instant de plénitude, une « illumination ». Ira-t-elle le lendemain avec son jeune fils de six ans se promener au phare qui brille non loin de la maison familiale ? Il fera peut-être mauvais temps, mais, plus que la pluie, ce sont les années, les deuils, la guerre qui se jettent en travers de ce projet banal. Dix ans plus tard, le fils fera cette promenade ; la journée, commencée dans la magie, s'achève, par-delà le temps perdu, dans la vision réconciliée saisie enfin par une artiste ratée : le phare se confond avec le visage radieux de la mère disparue ; la quête de la mère et celle de l'art s'unissent en un éclair d'éternité qui abolit le temps. Grâce à son écriture lyrique, les Vagues (1931) se présente comme un véritable poème romanesque : six personnages réunis après une longue séparation se laissent traverser par leur musique intérieure, ponctuée d'interludes décrivant le lever et le coucher du soleil, le déferlement des vagues qui jamais ne parviennent à constituer leur individualité. En 1937, les Années, évocation d'une famille des années 1880 à 1930, marque le retour à une narration plus classique. Entre les Actes (1941) parachèvent, en en montrant l'universalité, le tableau de cette absence à vivre et de ce surcroît qui la firent traiter comme schizophrène. Traumatisée par la Seconde Guerre mondiale et les bombardements, craignant de tomber aux mains des nazis (Leonard Woolf était juif), elle se suicida à l'approche d'une nouvelle crise, répondant au « tragique appel des eaux » qui résonne d'un bout à l'autre de son œuvre. Son aîné de deux ans, Leonard lui survécut plus d'un demi-siècle (il mourut en 1969) et se chargea de gérer sa réputation posthume, publiant au compte-gouttes le Journal de Virginia. Peu à peu, les essais critiques (le Lecteur commun, 1925-1932), les nouvelles, la correspondance et les textes inédits sont venus confirmer le statut de Virginia Woolf comme l'un des génies de la littérature du XXe siècle, au même titre que Proust, qu'elle admirait, ou Joyce, dont elle avait détesté Ulysse.