Moravia (Alberto Pincherle, dit Alberto)
Écrivain italien (Rome 1907 – id. 1990).
Gravement malade à 9 ans, longtemps condamné à l'immobilité, ses débuts littéraires sont précoces. Collaborateur à la revue Novecento, il opte pour le roman avec les Indifférents (1929) où son tableau original de la bourgeoisie romaine, lors de la montée du fascisme, annonce la littérature existentialiste, et pour les nouvelles (la Belle Vie, 1935 ; la Tromperie, 1937). Assimilant toutes les modes et toutes les techniques (de l'existentialisme au nouveau roman et au freudisme de Lacan), il fait de ses romans des « raisonnements narratifs » qui traitent de tous les problèmes intellectuels, sociaux et sexuels du monde moderne. Ses romans Agostino (1944) et la Désobéissance (1948) reprennent de façon polémique le thème de l'adolescence, florissant dans la littérature des années 1930. Si Agostino retrace l'éducation sexuelle d'un jeune bourgeois de 13 ans, prisonnier de sa condition sociale, la Désobéissance analyse la rébellion du jeune Luca face à ses parents et au monde bourgeois qu'ils représentent. Le Conformiste (1951) est centré sur un personnage qui se rend à Paris pour y organiser un attentat par pure volonté de se confondre avec les idées dominantes de son époque, le fascisme. Le Mépris (1954) décrit les rapports d'un homme et de sa femme qui le méprise pour s'être plié aux mécanismes économiques des lois bourgeoises. L'Ennui (1960) renferme encore le thème de prédilection de Moravia : les frustrations, le décalage et l'incapacité de s'adapter à la réalité qui caractérisent la classe bourgeoise des années 1950. Ainsi, Dino, un intellectuel d'une riche famille bourgeoise, se prête à une analyse morale et psychologique parce qu'il « s'ennuie ». Parallèlement à la société bourgeoise, Moravia se plait à décrire le quotidien des milieux populaires dans ses Nouvelles Romaines (1954), dans son roman la Ciociara (1957) et dans Autres Nouvelles romaines (1959). Le réalisme de sa thématique, poussé parfois, à force de caricature, jusqu'au surréalisme, est servi par une rhétorique du « mal écrire » (l'Automate, 1962 ; Une chose est une chose, 1966 ; le Paradis, 1970). L'influence de Freud se fait particulièrement sentir dans ses derniers récits (Desideria, 1978 ; la Chose, 1983 ; l'Homme qui regarde, 1985). Outre une brillante carrière de romancier, Moravia fut également essayiste, envoyé spécial, auteur de pièces de théâtre, journaliste et critique de cinéma. Enfin, il dirigea la revue littéraire Nuovi Argomenti, qu'il avait fondée avec P. P. Pasolini.
Morax (René)
Auteur dramatique suisse de langue française (Morges 1873 – id. 1963).
Comme Maurice Pottecher à Bussang, il est le créateur d'un « théâtre populaire ». Après un essai prometteur (mise en scène d'une légende alpestre, la Nuit des Quatre-Temps, jouée en 1901, au casino de sa ville natale), il fit construire une grande salle à Mézières : le « Théâtre du Jorat » naquit. Les mises en scène se sont alors succédé : la Dîme (1903), Henriette (avec une musique de Gustave Doret, 1908), Tell (1914), Davel (1923). Et un jeune compositeur alors inconnu, Arthur Honegger, écrivit la musique du Roi David (1921). Grâce au succès de cette œuvre, Morax et Honegger collaboreront avec Judith (1925), la Belle de Moudon (1931) et Charles le Téméraire (1944).
More (Hannah)
Femme de lettres anglaise (Stapleton, Gloucestershire, 1745 – Clifton 1833).
« Bas-bleu », amie d'Elizabeth Montagu, elle réussit dans le drame (l'Inflexible Captif, 1775 ; Percy, 1777 ; Mensonge fatal, 1779) mais renonça au théâtre à la mort de Garrick, avec lequel elle avait collaboré. Ses romans (Coelebs en quête d'une épouse, 1809) attestent une vocation religieuse et philanthropique qui la rapproche de Wilberforce. Elle a laissé également de nombreux essais et des pamphlets.
More (Thomas)
Humaniste anglais (Londres 1478 – id. 1535).
Attaché à J. Morton, archevêque de Cantorbéry, il s'opposa (1507) à Henri VII avant de connaître avec Henri VIII une prodigieuse fortune : ambassadeur (1515), il devint le premier chancelier laïque du royaume (1529). Resté catholique pendant la Réforme, il désavoua le roi lors de l'affaire de son divorce d'avec Catherine d'Aragon, fut emprisonné et exécuté. Ami d'Érasme, canonisé quatre cents ans après son exécution, More est l'auteur d'une Histoire du roi Richard III (publiée en 1557), premier effort renaissant pour spiritualiser l'histoire, mais surtout de l'Utopie (1516). Dans le prolongement de la République de Platon ou de la Cité de Dieu de saint Augustin, ce texte fondateur, d'un genre appelé à une longue postérité, rédigé en latin, passe par la description d'un pays imaginaire (Utopie signifie « nulle part ») aux lois parfaites, pour mieux dénoncer les absurdités et les iniquités du système social alors en vigueur en Europe.
Moréas (Ioánnis Papadiamantopoulos, dit Jean)
Poète français d'origine grecque (Athènes 1856 – Paris 1910).
Fils d'un jurisconsulte grec, il reçut une éducation française, quitta la Grèce en 1878 après un premier recueil de vers (Tourterelles et Vipères) et, après un voyage en Europe, se fixa à Paris en 1882. Ses premiers recueils de vers (les Syrtes, 1884) le rangèrent parmi les « décadents ». Dans Cantilènes (1886), il s'orienta vers le symbolisme dont il signa le manifeste, le 18 septembre 1886, dans le Figaro. Malgré sa volonté de rechercher « un style archétype et complexe », il rompit avec Mallarmé pour fonder l'« école romane », avec Maurras, La Tailhède, Raynaud et Du Plessis (le Pèlerin passionné, 1891-1893 ; Énone au clair visage, 1893 ; Sylves, 1893 ; Ériphyle, 1894 ; Sylves nouvelles, 1895), et revenir à un art classique (Stances, 1899-1901). Très célèbre jadis, Moréas, s'il eut en son temps une audience énorme, et si Apollinaire l'aimait, est aujourd'hui oublié. Tantôt dandy, tantôt imitateur servile de Verlaine ou de Mallarmé, cet écrivain haut en couleur et redouté pour sa vivacité d'esprit est plus connu comme théoricien du symbolisme en genèse que comme poète. S'il a ressemblé à son époque, son influence a sombré avec elle.