Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
R

Rhys (Ella Gwendolen Rees, dite Jean)

Romancière dominicaine (Roseau, la Dominique, 1894 – Londres 1979).

Ayant quitté son île natale à 16 ans pour vivre en Angleterre avant de faire partie, dans les années 1920, de la « génération perdue » au Quartier latin, Jean Rhys a, pour beaucoup, cessé d'être une romancière antillaise. De fait, la plupart de ses œuvres ont des cadres, des préoccupations et des personnages européens ; ce sont deux recueils de nouvelles (Rive gauche, 1927 ; Les tigres sont plus beaux à voir, 1968) et les romans Postures (puis Quatuor, 1928), Quai des Grands-Augustins (After Leaving Mr. McKenzie, 1931), Voyage dans les ténèbres (1935) et Bonjour minuit (1939). Seul le roman la Prisonnière des Sargasses (Wide Sargasso Sea, 1966), qui se passe aux îles Sous-le-Vent, traite véritablement des relations entre les races et les classes qui présidaient à l'existence des dynasties créoles. Commencé quarante ans après le départ de son auteur de la Dominique, ce roman a pour héroïne Antoinette Cosway, la première épouse antillaise de Mr. Rochester (personnage du roman Jane Eyre, de Charlotte Brontë) : il évoque son enfance heureuse aux îles Sous-le-Vent et sa lune de miel avec Rochester. La peinture de la plantation Coulibiri après l'émancipation, de la crise d'identité de la femme créole, fragile et volontaire, aliénée par rapport aux Noirs comme vis-à-vis des hommes, est faite avec finesse et sympathie. Certaines nouvelles de Il ne faut pas tirer les oiseaux au repos (Sleep it off, Lady, 1976) ont aussi les Caraïbes pour cadre, mais leurs thèmes, telles la vieillesse et la mort, sont plus universels. Après sa mort on a publié un choix de sa correspondance (Jean Rhys : Letters 1931-1966, 1984).

Riba (Carles)

Écrivain espagnol d'expression catalane (Barcelone 1893 – id. 1959).

Poète, il se fit connaître par les deux livres des Estances (1919 et 1930), d'influences différentes – Ausiàs March dans le premier, les symbolistes français dans le second. Plus proches encore de la « poésie pure » sont les sonnets de Tres suites (1937). L'expérience de l'exil (1939-1943) amena un changement de tonalité très net dans les Élégies de Bierville (1942) : recourant à des formes classiques telles que l'usage du distique élégiaque et l'abondance de références à la Grèce ancienne, l'auteur puise dans sa culture humaniste une foi inébranlable en la raison humaine, si bien que ce message d'espoir serein et chaleureux aura un impact considérable, malgré sa circulation longtemps clandestine, dans la Catalogne des années noires. Riba revient ensuite à la tannka, qu'il avait déjà cultivée avant la guerre, avec Del joc i del foc (1946), puis au sonnet avec Salvatge cor (1952) et expérimente avec Esbós de tres oratoris (1957) une poésie narrative d'inspiration religieuse. Considéré comme le plus grand poète catalan de l'après-guerre, il jouira jusqu'à sa mort d'une autorité intellectuelle et morale exceptionnelle, du fait de la défense de la langue catalane qu'il aura menée avec exigence et opiniâtreté dans des domaines aussi différents que l'enseignement, la traduction, la recherche philologique et la critique littéraire (Els marges, 1927 ; Per comprendre, 1937 ; ... Més els poemes, 1957).

Ribeiro (Aquilino)

Écrivain portugais (Carregal da Tabosa, Sernancelhe, 1885 – Lisbonne 1963).

Installé à Lisbonne en 1907, il doit s'exiler à Paris en raison de son activité révolutionnaire. Son œuvre abondante comprend des livres pour enfants, des biographies, des essais et surtout des romans (Terres du démon, 1919 ; la Route de Saint-Jacques, 1922 ; la Maison des Romarigães, 1957) dont le lexique narratif est puisé dans les anciennes chroniques, le langage rustique et l'argot.

Ribeiro (Bernardim)

Poète portugais (Torrão, Alentejo, 1482 – Lisbonne 1552).

Greffier de la chambre du roi, il est l'auteur de Fillette et jeune fille (Menina e Moça, 1554), roman chevaleresque et pastoral nimbé de rêve, d'une sensibilité aiguë.

Ribemont-Dessaignes (Georges)

Écrivain français (Montpellier 1884 – Saint-Jeannet 1974).

Fils d'un gynécologue de renom, il fut élevé à Neuilly, où, très jeune, il s'adonna à la peinture. Élève à l'École des beaux-arts, il exposa à partir de 1905, participa aux rencontres de Puteaux chez les frères Villon (Duchamp-Villon, Marcel Duchamp), et se lia avec Picabia. Durant la guerre, mobilisé dans le Service des renseignements aux familles, il composa des poèmes et une pièce de théâtre, l'Empereur de Chine, qui fut publiée dans la collection Dada avec le Serin muet (1921). Suivit une autre pièce, le Bourreau du Pérou (1928), qui, avec Arc-en-ciel, le Partage des eaux, formaient un ensemble théâtral de caractère dadaïste où, sous des dehors burlesques, s'exprimait, à travers la violence des actes et du langage, une quête radicale de l'absolu. Polémiste vigoureux du mouvement dada (Dada I et II, 1974), il ne tarda pas à s'en éloigner autant pour des raisons matérielles que par refus d'une agitation vaine. Retiré à Montfort-l'Amaury (1922), où il gérait un élevage de poulets, il publia des romans d'un esprit nouveau par leur ironie, sans contrôle de la conscience : l'Autruche aux yeux clos (1924), Ariane (1925), Céleste Ugolin (1926). Chaque fois, un personnage parcourt jusqu'aux limites le champ de ses désirs pour se heurter au néant. Lié aux surréalistes, l'écrivain défendit le groupe du Grand Jeu et rompit en visière avec Breton. Il dirigea la revue Bifur (1929-1931), remarquablement ouverte sur l'étranger. Le Bar du lendemain (1927), Frontières humaines (1929) poursuivirent une réflexion désabusée sur la condition humaine, qu'il développa dans le Vestiaire de la personnalité (Adolescence, 1930 ; M. Jean ou l'Amour absolu, 1934). Il quitta alors Paris et devint hôtelier en Dauphiné. En 1944, il s'installa à Saint-Jeannet, fit paraître un recueil de poèmes, Ecce homo (1945), et des romans (Smeterling, 1946 ; le Temps des catastrophes, 1947) confirmant sa philosophie : un Jonas sans la foi. Telle est la sagesse qu'expriment ses Mémoires, Déjà jadis (1958). Fils spirituel de Jarry, suspectant tous les sentiments et ne voyant que la pourriture humaine, Georges Ribemont-Dessaignes fut profondément dada par la valeur libératoire qu'il accordait à la création artistique.