Cicéron, en latin Marcus Tullius Cicero (suite)
Les traités de rhétorique
Si le Brutus (46 av. J.-C.) propose une histoire de l'éloquence romaine depuis les origines et de ses rapports avec ses modèles grecs (Cicéron proposant en exemple la force de Démosthène contre les néoattiques représentés par Brutus et soucieux d'imiter l'élégance froide de Lysias), le De oratore [De l'orateur] (55 av. J.-C.) constitue le bilan de l'expérience oratoire de l'auteur. Sous la forme d'un dialogue situé en 91 av. J.-C. dans les jardins de Crassus à Tusculum, ce débat, en 3 livres, entre Antoine et Crassus, trace un programme complet de culture intellectuelle et artistique, à travers la définition du rôle de l'orateur dans la cité et des techniques de l'art oratoire. Liant philosophie et éloquence, et faisant de la beauté la perception d'une rationalité organique dont le modèle est le corps humain, l'œuvre établit une harmonie profonde entre l'art et la nature (le rythme de la prose libre est comparé à celui des gouttes de pluie). Ce traité, dont Cicéron reprendra les idées dans l'Orateur [Orator] en 46, et dont un manuscrit complet fut découvert en 1421, fut un des livres fondateurs de l'humanisme et anima les utopies de restauration de la Rome de Tite-Live nourries par Cola di Rienzo et Pomponius Laetus. Cicéron avait été accusé d'asianisme à la fois par les partisans de la simplicité de la latinitas (César, De analogia) et par les tenants du dépouillement de l'atticisme (dont le modèle était Lysias plutôt qu'Isocrate). Cette situation se retrouva à la Renaissance, mais inversée, les cicéroniens du XVIe s. se recommandant de la rigueur de la latinitas et les anticicéroniens, partisans de la diversité des styles, se trouvant en réalité les plus fidèles disciples de la varietas de Cicéron.
Les discours politiques et judiciaires
Les Verrines (sept discours composés en 70 av. J.-C.) furent prononcées contre Verrès, propréteur de Sicile. Les Siciliens, qui avaient intenté un procès de concussion contre Verrès, choisirent pour défendre leurs intérêts Cicéron, dont ils avaient apprécié l'honnêteté pendant sa questure dans leur île. Par un premier discours, la Divination contre Caecilius, Cicéron parvint à faire récuser un complice de Verrès qui était parvenu à se faire nommer accusateur pour le procès, puis, après une enquête éclair en Sicile, prononça un bref réquisitoire (Première Action contre Verrès) si accablant que l'accusé préféra s'exiler sans attendre la fin du procès. Utilisant les documents qu'il avait assemblés, Cicéron composa alors une Seconde Action contre Verrès contenant cinq harangues fictives jamais prononcées (la Préture urbaine, la Préture de Sicile, le Froment, les Œuvres d'art, les Supplices). Très importantes pour nous faire connaître l'administration des Provinces romaines, les Verrines, par leur narration vivante et la virtuosité de l'argumentation, constituent le modèle de l'éloquence cicéronienne.
Les quatre discours qui composent les Catilinaires [In Catilinam orationes] furent prononcés contre Catilina. Le premier fut improvisé le 8 novembre 63 av. J.-C. au moment de la découverte de la conjuration et débute par l'exorde resté fameux : « Jusques à quand, Catilina, abuseras-tu de notre patience ? » Dans le second discours (9 novembre), Cicéron demande aux Romains de dévoiler les complices de Catilina. Dans le troisième (3 décembre), il révèle les noms des conjurés et, dans le quatrième (5 décembre), il justifie leur condamnation à mort. L'urgence de la situation donne à ces discours, rédigés plus tard d'après des notes, une très grande vivacité, renforcée par la violence des diatribes destinées à intimider l'adversaire.
Enfin, les Philippiques désignent les 14 discours que Cicéron prononça contre Marc-Antoine en 44-43 av. J.-C. Après l'assassinat de César, Cicéron tenta de rétablir le régime républicain en attaquant violemment celui qui se posait en successeur du dictateur, Antoine. Ces dernières harangues prononcées par l'orateur font alterner invectives, railleries et appel à la liberté et, par leur véhémence passionnée, furent comparées aux discours de Démosthène contre le roi de Macédoine.