Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
Z

Zelda (Mishkovsky Zelda, dite)

Poétesse israélienne (Chernigov, Ukraine, 1914 – Jérusalem 1984).

Fille du rabbin hassidique Shneurson, professeur dans une école religieuse, elle ne se découvrit que tardivement une vocation poétique et publia ses premiers recueils (Loisir et le Carmel invisible) en 1971. Sa poésie, d'un symbolisme religieux marqué, exprime par des formes nouvelles l'émerveillement de l'être devant l'infini et l'indicible. Avec une grande modestie, elle parle de sa quête du sublime, à travers les objets les plus communs, arbres, feuilles, couleurs (Ne t'en va pas..., 1975 ; Est-ce la montagne, est-ce le feu ?, 1977).

Żelenski (Tadeusz, dit Boy)

Écrivain polonais (Varsovie 1874 – Lwow 1941).

Fils d'un compositeur connu, il passe sa jeunesse à Cracovie et y étudie la médecine. Cousin de l'écrivain Kazimierz Tetmajer, il est entraîné (1898) dans le tourbillon de la bohème artistique de la Jeune Pologne, devient l'intime de Stanisław Przybyszewski, le chef de file de ce courant, et l'ami de l'écrivain et artiste Stanisław Wyspianski. Parolier (les Bons Mots, 1913) au Petit Ballon vert, un cabaret dont il pérennise la célébrité dans Connais-tu ce pays ? (1932), il devient surtout le grand traducteur de la littérature française en polonais. Il inaugure cette seconde carrière en 1909 avec la Physiologie du mariage de Balzac. La « bibliothèque de Boy » comprend Villon, Rabelais, Montaigne, Molière, Stendhal, Balzac, Proust. Plus de cent volumes paraissent ainsi, souvent préfacés par le traducteur. Il publie également Études et Essais sur la littérature française (1920-1922), Molière (1924), Balzac (1934), Proust et son époque (posthume 1958). Critique de théâtre (Flirt avec Melpomène, 1920-1932), académicien en 1933, il révèle le talent d'épistolier du roi Jean III Sobieski (Marysienka Sobieska, 1937) et soutient les jeunes talents (S. I. Witkiewicz) dans les articles qu'il rédige pour la plus grande revue littéraire de l'époque les Nouvelles Littéraires. Professeur à l'université de Lwów en 1939, il collabore avec l'occupant soviétique. Les Allemands le fusillent lorsqu'ils conquièrent la ville.

Zeng Pu

Romancier chinois (1872-1935).

Issu d'une famille aisée, traducteur de grandes œuvres françaises, diplomate raté, il est l'auteur d'un unique roman, Fleur sur un océan de péchés (1905-1907), qui, à travers l'histoire des amours contrariées d'un diplomate et d'une courtisane, dépeint avec ironie un monde en plein naufrage, celui de la fin des Qing.

Zeno (Apostolo)

Écrivain italien (Venise 1668 – id. 1750).

Cofondateur du Giornale dei letterati d'Italia (1710), il précéda Métastase à Vienne dans la charge de poète impérial (1718-1728) que lui avait value le succès de sa réforme de l'« opera seria » (celle-ci conférait au mélodrame la dignité d'un genre littéraire autonome). On lui doit plus d'une soixantaine de livrets, souvent inspirés de la mythologie ou du théâtre classique français : les Tromperies heureuses (1695), Lucius Verus (1700), Mérope (1711), Alexandre Sévère (1716), Iphigénie en Aulis (1718), Sirita (1719), Orsmide (1721), Andromaque (1724), Sémiramis à Ascalon (1725).

Zénon d'Élée

Philosophe grec (Ve s. av. J.-C.).

Disciple de Parménide, il défend l'unité de l'Être contre la « pluralité » ; il démontre l'inexistence du mouvement dans des paradoxes restés célèbres, connus d'après Aristote (Physique, VI, 9, 239 b 9-240 a 18) : le stade, Achille et la tortue, la flèche et les deux « trains » (tr. J.-P. Dumont). Celui que Platon nomme le « Palamède d'Élée » (Phèdre, 261 d) est associé aux énigmes, à l'argumentation contradictoire dont ont pu s'inspirer Gorgias et Protagoras, mais il pose aussi des questions primordiales pour la philosophie.

Żeromski (Stefan)

Romancier polonais (Strawczyn, près de Kielce, 1864 – Varsovie 1925).

Né dans une famille de la noblesse polonaise dont trois générations déjà ont pris part à des insurrections nationales et subi la répression russe, le futur romancier devient « la conscience de la littérature polonaise », illustrant le destin de ceux qui sacrifient leur vie pour une cause supérieure. Très tôt orphelin, il fait des études de médecine vétérinaire à Varsovie, gagne difficilement sa vie comme précepteur, fréquente les milieux d'étudiants progressistes, lit beaucoup, publie ses premières nouvelles (Corbeaux et corneilles vous dépèceront, sous le pseudonyme de M. Zych, 1895) et tient des Journaux (1882-1891) dont l'influence sera considérable sur la jeunesse polonaise de l'entre-deux-guerres. Son premier roman, les Travaux de Sisyphe (1898), est autobiographique, il se déroule à Kielce où l'auteur fit ses études secondaires : des lycéens polonais résistent à la russification en organisant un enseignement clandestin de langue et de culture polonaises. Responsable de la bibliothèque polonaise de Rapperswil en Suisse (1892-1896), puis de la bibliothèque Zamoyski de Varsovie (1897-1903), Żeromski fait des recherches historiques approfondies qu'il met en œuvre dans ses romans. La parution des Hommes sans-foyer (1900) est accueillie avec enthousiasme par les lecteurs polonais. Le roman dénonce une situation sociale dans laquelle des intellectuels, hommes et femmes d'un grand charisme (médecins, enseignants, ingénieurs), sont condamnés à la misère, définitivement privés de foyer et de logis, à la merci d'une minorité de riches propriétaires, parce qu'ils tentent d'aider ceux qui constituent la couche la plus pauvre de la société polonaise. Avec ce livre, Żeromski crée un nouveau genre de roman social dans lequel la discussion des idées constitue l'axe central de l'œuvre. La parution des Cendres (1904) lui permet de se consacrer entièrement à la littérature. Ses principaux romans sont le Rêve de l'épée (1905), les Pavés nus (1906), Nocturne, (1907), Histoire d'un péché (1908), où reviennent ses préoccupations sociales, le Fleuve fidèle (1912), qui a pour toile de fond l'insurrection de 1863, et le Vent de la mer (1922), qui lui vaut d'être écarté du prix Nobel tant le romancier y dénonce l'agression subie par la nation polonaise privée d'État par ses voisins. Il passe trois ans à Paris (1909-1911), fonde le Pen Club polonais en 1922. Très attentif aux inégalités sociales, il se montre pourtant particulièrement réservé à l'égard de la révolution soviétique de 1917, comme le montre son roman le Pré-printemps (1925). La mort de Żeromski est vécue par ses compatriotes comme la perte du plus grand romancier du début du XXe s. Dans la tradition culturelle polonaise, Żeromski est l'exemple de l'écrivain qui soulève avec témérité les problèmes les plus importants du destin de sa nation, qui effectue des recherches artistiques audacieuses, qui pénètre avec une curiosité inassouvie la psychologie humaine. Il se classe indéniablement parmi les plus grands romanciers européens tant par l'excellente qualité de son écriture (il retravaille pendant dix ans le style des Cendres) que par la finesse et la complexité avec laquelle il présente l'histoire personnelle de ses personnages pris dans la tourmente de la grande histoire.

Les Cendres (1904), roman qui consacre la gloire de Stefan Żeromski (1904) et marque également une nouvelle étape dans l'évolution du roman historique polonais. Tandis que Henryk Sienkiewicz portait un regard enthousiaste sur le passé polonais et le couvrait de gloire, Żeromski opère une analyse critique et pessimiste. L'une des scènes les plus troublantes du livre est celle où des soldats polonais, engagés dans les rangs napoléoniens pour reconquérir l'indépendance de leur nation, comprennent qu'ils sont en train de priver les Espagnols de la liberté dont ils se croyaient les défenseurs. La narration est interrompue par de nombreux épisodes lyriques, des essais philosophiques ou moraux. Les tableaux épiques, les passages de cape et d'épée sont encadrés par des réflexions sur le sens de l'existence humaine, de l'action, de l'inadéquation entre la fin et les moyens.

Le Pré-Printemps (1925), roman qui évoque le triple conflit intérieur qui déchire un jeune étudiant, Cezary Baryka. Conflit politique : il passe de l'enthousiasme pour la révolution russe au nationalisme polonais et s'engage contre les bolcheviques ; conflit sentimental : il provoque un crime d'amour et délaisse une jeune fille passionnée pour une veuve qui l'abandonne par intérêt ; conflit spirituel, entre la charité chrétienne et la justice humaine, qu'il résoudra en se joignant aux chômeurs qui marchent sur le palais du gouvernement. Le roman suscita de nombreuses discussions parmi les écrivains des années 1930.