Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Perros (Georges)

Poète français (Paris 1923 - Douarnenez 1978).

Comme Follain, c'est un poète attentif à la vie quotidienne banale. Le titre Une vie ordinaire (1967) rend justice à cet espace de temps, traversé de notations brèves. La vie de ce Breton acteur de formation est donnée au théâtre, à la musique (jusque en ses vers), à l'amitié, à laquelle, plus qu'à l'amour, il voue un culte exigeant. Rétif par tempérament aux intrigues du monde littéraire autant qu'aux hyperboles lyriques, il se soucie d'abord de dire vrai. Remarquées, ses notes de lecture sont à la base de ses Papiers collés, qui connaîtront plusieurs tomes (1960-1973, 1978). À côté de Poèmes bleus (1962), Perros y définit presque un genre propre, très personnel, reflet d'une curiosité aimante autant que de coups de gueules. S'il ne s'embarrasse pas de la métrique et des formes traditionnelles, il pratique une musique fine de phrasé, où l'octosyllabe, par un jeu subtil d'accents, se laisse lire. Poésie et éthique se croisent dans une « poéthique ». Il donne son « Ken avo » (au revoir en breton) à la suite d'une maladie qui le prive de la parole. Il est l'auteur d'une volumineuse correspondance (Paulhan, Grenier, Butor). Ses lettres avec B. Parain et C.-G. Bjurström paraissent en 1999.

Perrot d'Ablancourt (Nicolas)

Écrivain français (Châlons-sur-Marne 1606 – château d'Ablancourt 1664).

Chacun des livres de d'Ablancourt, traducteur, mais aussi critique, est assorti de Remarques qui renseignent sur le style de la prose du XVIIe siècle. L'essentiel de son travail porte sur la théorie littéraire et l'esthétique de son temps. Ses traductions étaient, pour les uns, un modèle de prose française et, pour les autres, une accumulation d'inexactitudes : on les appela, selon le mot de Ménage, à propos du Lucien de 1654, de « belles infidèles ». Si on a vite oublié le traducteur et l'essayiste, Bayle et Sainte-Beuve sauront encore être sensibles à son jugement sur la littérature de l'époque.

Perry (Jacques)

Écrivain français (Paris 1921).

Son itinéraire romanesque est celui d'un constant dépaysement, qu'il explore les limites du monde civilisé (les Fruits de la passion, 1977) ou le pavé de la Rue du Dragon (1971), souvent sur le mode allégorique (le Ravenala ou l'Arbre du voyageur, 1976), mais toujours en cherchant le contact avec l'Autre (la Seconde Nuit, 1946 ; la Mauvaise Chasse, 1947 ; l'Amour de rien, 1952 ; l'Amour de toi, 1956 ; Folie suisse, 1983), voire en tentant de s'insinuer dans son espace (l'Île d'un autre, 1979 ; le Cœur de l'escargot, 1985) et même dans sa peau (Don Juan abbé, 1980 ; Yo Picasso, 1982). Sa disponibilité à la nature et aux êtres relève d'un néopaganisme (Vie d'un païen, 1965 ; la Beauté à genoux, 1966 ; la Peau dure, 1967).

persane (littérature)

La langue persane est issue du moyen perse ou pahlavi, qui provient lui-même du vieux perse, langue des souverains achéménides, officialisée en 519 av. J.-C. par la célèbre inscription de Darius Ier à Béhistoun. Le domaine iranien connaissait déjà une tradition orale (Hérodote notera que les mages, prêtres mèdes à la cour perse, récitaient leur théogonie, et Strabon rapporte que les jeunes Perses recevaient des leçons de mythologie) ; mais, à part quelques témoignages livrés indirectement par l'araméen, l'élamite ou le grec, il ne reste rien d'une littérature en vieux perse. Ce n'est que bien plus tard, sous les rois sassanides, que furent réunis les textes sacrés formant l'Avesta (du moyen perse apastak, « texte de base »), somme théologique de la religion zoroastrienne. La période du moyen perse a laissé, outre le Bundahishn et le Dinkard, un assez grand nombre d'écrits religieux, réunis après l'implantation de l'islam (ainsi le rituel sur le Permis et l'Interdit, v. 632-635 ; le Livre de Wiraz le Juste, IXe s. ; les Jugements religieux, IXe s.), et des bribes de littérature didactique (andarz) et poétique passées dans les textes arabes et persans.

La littérature persane classique (Xe-XVe s.)

Par classicisme persan, il faut entendre la période de cinq siècles qui s'étend entre l'établissement des premières dynasties iraniennes après l'islamisation de la Perse et l'avènement de la dynastie safavide en 1502. Tout au long de cette histoire, la littérature ne resta pas statique : des genres naquirent, évoluèrent, disparurent, des styles s'entremêlèrent, se transformèrent, et des moments de grande floraison intellectuelle furent suivis par des périodes plus stériles. La vie littéraire est intimement liée aux vicissitudes historiques, à ce long fil ininterrompu d'invasions, de guerres, de périodes d'accalmie où le pouvoir, qu'il fût d'origine iranienne, turque ou mongole, eut comme souci principal de favoriser et de développer la culture, unique ciment capable de consolider son action. La chute de l'empire des Sassanides (651), accélérée par l'invasion arabe, suivie par la domination du califat sur la Perse et par l'islamisation de la majorité de la population, ne provoqua pas l'anéantissement de la culture de l'Iran préislamique. Celle-ci fut conservée dans certains milieux et dans des provinces mieux protégées contre la domination étrangère. D'autre part, dès qu'un pouvoir politique indépendant put se dégager du califat, il fut accompagné d'une ébauche d'expression littéraire en langue dari (persan littéraire), très imprégnée des modèles arabes.

   C'est dans les jeunes cours orientales (provinces du Khorasan et de Transoxiane) que furent composés les premiers vers en persan moderne. La forme de poème choisie fut la qasidè, ou panégyrique, genre emprunté à la poésie arabe, composé d'un prologue de caractère lyrique – description d'un paysage, d'une saison, d'un être aimé – et, dans un second temps, de l'éloge du souverain ou d'un grand personnage, de ses actions prestigieuses, de ses vertus. Dans le prologue, le poète, en insérant une part de sa sensibilité, pouvait échapper à la monotonie : ainsi Hanzal de Badghis et Mohammad ebn Vassef (milieu du IXe s.) esquissent-ils un genre dont le maître sera Roudaki († 940), poète officiel du souverain samanide Nasr II (913-943). Au XIe s., sous la dynastie turque des Ghaznévides, le grand conquérant que fut Mahmoud (997-1030) et son fils Mas'oud (1030-1040) surent s'entourer d'une pléiade de poètes qui développèrent la qasidè avec talent : Farrokhi du Sistan (mort en 1038), Manoutchehri de Damghan (mort en 1041), Onsori de Balkh (mort en 1040) demeurent les plus célèbres. À l'époque où les Seldjoukides dominaient l'Iran, leurs cours et celles de leurs vassaux abritaient aussi des poètes auteurs de célèbres panégyriques : Qatran (mort en 1072) à la cour des princes de Gandja, Anvari (mort v. 1190) et Moezzi (mort en 1147) à la cour de Sandjar (1118-1157), Khaqani (mort en 1199) à la cour des princes de Chirvan. À la même période, la qasidè fut également utilisée par certains poètes pour des œuvres plus profondes, principalement pour des poèmes religieux ou philosophiques : ce fut le cas de Naser-e Khosrow (vers 1003-1088). À partir de l'époque mongole (la dynastie des Ilkhans régna de 1256 à 1335), la poésie de cour et le panégyrique déclinèrent. Les poètes lui préférèrent le ghazal. À l'inverse de la qasidè, qui peut être un très long poème, le ghazal est assez court (entre 10 et 20 distiques). Il est proprement lyrique, c'est-à-dire qu'il est destiné à être chanté et qu'il exprime les sentiments intimes du poète. Son origine est discutée : il serait le résultat d'une évolution du prologue de la qasidè, ou bien un genre autonome, plus tardif, qui se serait développé surtout depuis le poète mystique Sana'i (milieu du XIe s.). En fait, tous les poètes déjà cités ont usé du ghazal, mais c'est à partir du XIIe s. qu'il s'adapte à la langue courante avec Anvari, au langage mystique avec 'Attar (mort en 1220) et Rumi (mort en 1273), et qu'il atteint sa perfection avec Saadi (mort v. 1292), Amir Khosrow de Delhi (mort en 1324) et Hafez (mort en 1389), jusqu'à Djami (mort en 1492), dernier grand poète classique.

   C'est cependant dans le genre du masnavi que la littérature persane fait preuve de la plus grande originalité. Le masnavi est un poème d'assez grande ampleur et de tonalité principalement narrative. L'originalité du vers tient dans le fait que la rime n'est plus unique tout au long du poème comme dans la qasidè ou le ghazal ; elle se place cette fois au niveau du distique, à la fin de chaque hémistiche. Le masnavi connaît trois grandes manifestations : l'épopée nationale, le roman amoureux et l'épopée mystique.

   L'œuvre la plus remarquable du classicisme persan, par sa longueur et par son importance culturelle, est le Livre des rois, épopée nationale de Firdousi. En construisant son œuvre sur les légendes, les mythes et l'histoire du passé national, Firdousi y réunit l'ensemble des idéaux sur lesquels s'est édifiée et s'est maintenue la culture iranienne. Nombreux furent ses imitateurs : Asadi (mort v. 1072) dans son Livre de Garchasp, Iranchah (fin du XIe s.) dans son Livre de Bahman, Khadjou (mort v. 1351), Nezami dans son Livre d'Alexandre, Amir Khosrow de Delhi, Djami. Le roman d'amour était déjà très cultivé dans la Perse antique. Dès le début de la littérature iranienne moderne, il devint un genre favori des poètes. Dans le Livre des rois, Firdousi développa de nombreux épisodes amoureux. À la cour de Ghazna, des poètes comme Onsori mirent en vers plusieurs romans malheureusement perdus. Au cours du XIe s. fut composée par Gorgani l'une des plus célèbres légendes de la Perse au temps des Parthes : Vis et Ramin. Mais c'est avec Nezami (vers 1140-1209) que ce genre prit son essor. Sa Khamsè (série de cinq masnavi) fut à l'origine d'un genre très en faveur. Élément fondamental de la poésie persane, le mysticisme apparut sous forme de masnavi à la fin du XIe s. avec Sana'i. Auparavant, comme les poètes moraux, les mystiques s'exprimaient dans des qet'e (courtes pièces de quelques vers), roba'i (quatrains) ou ghazals. Devenu doctrine, le soufisme devait être enseigné à un public aussi large que possible. Tout naturellement, c'est le masnavi qui fut choisi par Sana'i comme point de départ de l'épopée mystique. 'Attar poursuivit l'œuvre, puis Roumi dans son monumental masnavi où le poète se pose tous les grands problèmes philosophiques et religieux susceptibles d'intéresser l'esprit humain.

   La prose persane, elle, se limite à ses débuts (quelques ouvrages scientifiques mis à part) à des écrits historiques (traduction de la chronique de Tabari par Bal'ami ; préface du Chah namè d'Abou Mansour, 957) et à des ouvrages religieux (traduction du Commentaire du Coran de Tabari, v. 960 ; le Dévoilement des choses sacrées par Abou Yaqoub Sedjestani, auteur ismaélien, 970). Au XIe s., bien qu'un peu plus travaillé, le style resta simple, coulant, plein de vie. Beyhaqi (vers 995-1077) écrivit une longue Histoire des ghaznévides, dont il n'est conservé qu'un passage relatant la majeure partie du règne de Mas'oud (1030-1040). Cet ouvrage demeure le meilleur exemple de la prose de cette période. Un peu plus tardifs sont les ouvrages de morale et de politique composés à l'intention des souverains : le Livre de politique, écrit par le ministre des Seldjoukides Nezam al-Molk (1018-1095), et le Livre de Qabous (Qabous-namè, 1082), écrit par un prince de la dynastie des Ziyarides (nord de l'Iran). C'est aussi dans un persan limpide que Naser-é Khosrow composa son Journal de voyage. Il faut encore citer les ouvrages philosophiques d'Avicenne et de Ghazali. À partir du XIIe s., une nette transformation se produisit dans la prose persane. En devenant plus élaborée, elle perdit de sa transparence. Sur le modèle arabe, les mystiques furent les premiers à employer une prose rythmée (apparition d'une rime dans la phrase, et citation de vers arabes et persans). Peu à peu, ce style s'adapta à la prose profane. De cette époque datent le Kalila va Dimna (vers 1144), traduction de l'arabe d'un recueil de fables d'origine indienne par Nasrollah ebn Abd al-Hamid, et les Séances (Maqamat) par Hamid al-Din (mort en 1164). C'est Saadi qui, au XIIIe s., utilisa avec succès toutes les ressources de la prose ayant existé avant lui dans son Golestan (Jardin des roses), recueil d'anecdotes à caractère moral. Cet ouvrage inspira plusieurs auteurs, tel Djami dans son Jardin de printemps (1487).

   À partir du XIIIe s., les invasions mongoles et l'installation des dynasties qui en découlèrent suscitèrent un grand développement de la prose historique. Le style ferme et parfois pompeux de l'Histoire du conquérant de l'univers de Djoveyni atteignit sa perfection dans la Somme des chroniques de Rachid al-Din (mort en 1318), Premier ministre des Ilkhans. D'autres pèchent par excès de préciosité, telle l'histoire écrite par Vassaf (1312). On retient encore l'Épitomé de Mostowfi, le Livre de la victoire de Chami, la Chronique des rois mongols de Hafez-é Abrou (mort en 1430), le Jardin de la pureté de Mir Khand (mort en 1498).