Alichan (Alichanean Keroubè, dit Léonce)
Écrivain arménien (Istanbul 1820 – Venise 1901).
Moine mékhitariste de Venise, il composa d'abord des poèmes néoclassiques (Mélancolie), puis se consacra à des travaux d'érudition (Sissouan, 1885 ; Sisakan, 1893 ; Ayrarat, 1890).
Alikian (Abraham)
Poète arménien (Beyrouth 1928).
Rapatrié en 1947, réfugié à Moscou, puis expatrié vers le Liban, ce poète du désenchantement du pays (le Cap de bonne espérance, 1965 ; Faraya 1998) est l'auteur d'un « samizdat » littéraire, le Grillon (1964), édité en 1993. Il a traduit Flaubert, Maurois et la poésie française des XIXe et XXe siècles.
Alimdjan (Khamid)
Poète ouzbek (Djizak 1909 – 1944).
Disciple de Gorki et de Maïakovski, il se pose dans ses articles critiques en champion du réalisme socialiste et a recours, pour célébrer la société nouvelle, à l'innovation formelle (Printemps, 1929 ; Vent matinal, 1930 ; Cheveux de feu, 1931 ; Zeïnab et Aman, 1938) comme à la tradition orale (Aïgul et Bakhtiar, 1938 ; Simorg, 1939). Sa poésie patriotique (Aux armes !, 1942 ; les Larmes de Roxane, 1944) contribue, avec le drame historique Moukanna (1943), à exalter la résistance du peuple à l'envahisseur.
Allain (Marcel)
Écrivain français (Paris 1885 – Saint-Germain-en-Laye 1969).
Introduit dans le journalisme par Pierre Souvestre, il fit paraître avec lui un roman-feuilleton, le Rour, dans l'Auto (1909). Tous deux créèrent en 1911 le personnage de Fantômas, dont les aventures parurent pendant deux ans dans une série de trente-deux volumes, que les surréalistes admireront et qui unissent le style du roman noir à celui du roman policier. D'autres feuilletons comme Naz en l'air (1912-1913) eurent moins de succès. Après la disparition de Souvestre (1914), Allain poursuivit sa carrière avec d'autres séries : Tigris (1928-1949), Fatala (1930-1931). En 1926, il ressuscita Fantômas et publia de nouvelles aventures, dont une ultime en 1963.
Allais (Alphonse)
Écrivain français (Honfleur 1854 – Paris 1905).
Humoriste de génie (il figure en bonne place dans l'Anthologie de l'humour noir de Breton), il a brillamment égayé et épinglé la France fin de siècle dans des petites revues puis dans des grands quotidiens de l'époque. Renonçant dans les années 1870 à la pharmacie paternelle, c'est à l'école des milieux bohèmes et anticonformistes parisiens qu'il fait ses débuts, se liant tout particulièrement à Charles Cros rencontré dans les réunions ludiques et festives du Club des hydropathes. En compagnie de l'illustre Sapeck, et autres fumistes déclarés, il développe son goût pour le canular et la mystification, et collabore au Tintamarre. Il participe à la fondation du cabaret du Chat noir dont il dirige la revue (1885-1891). Conteur et chroniqueur inlassable, il collabore ensuite régulièrement au Gil Bas et au Journal à partir de 1891, et devient rédacteur du Sourire en 1899. Il écrira ainsi plus d'un millier d'histoires drôles qu'il rassemble en volumes pour composer ce qu'il appelle ses œuvres « anthumes » : À se tordre, 1891 ; Vivre la vie, 1892 ; Rose et vert pomme, 1894 ; le Parapluie de l'escouade, 1894 ; Deux et deux font cinq, 1895 ; On n'est pas des bœufs, 1896 ; Amours, Délices et Orgues, 1898 ; l'Affaire Blaireau, 1899 ; le Captain Cap, 1902. Faisant plus que doubler le volume de ses publications, ses œuvres « posthumes » (1965-1970) révèlent l'écrivain obsessionnel et infatigable que fut ce pilier de café qui feignait l'indolence. Malmenant la langue, dont il souligne avec verve les inconséquences, il prend systématiquement le contrepied de la logique usuelle et dénonce, avec le sourire, l'égoïsme, le patriotisme, le cléricalisme, le conformisme des bourgeois de son temps. Considéré comme un humoriste et un fantaisiste, il est en fait un logicien et un linguiste remarquable, poussant jusqu'à l'absurde les paradoxes inscrits dans le langage commun. Si Allais excelle par-dessus tout dans le texte court, styliste de génie cultivant l'art de la chute et des élucubrations loufoques, il composa aussi quelques comédies, seul, ou en collaboration avec Alfred Capus et Tristan Bernard : l'Innocent Sylvéric ou les fonds hollandais (1896), le Pauvre Bougre et le bon génie (1899), Monsieur la Pudeur (1903).
Allemagne
La littérature de langue germanique qu'on voit apparaître à l'époque carolingienne est une littérature de clercs, née dans les couvents. Elle comprend des glossaires (Abrogans, 764-772) et des traductions (prières, règles monastiques, traités religieux, Évangiles). Après le Heliand (830), le Livre des Évangiles d'Otfried von Weissenburg (vers 870) est déjà une véritable œuvre littéraire, qui annonce dans sa forme la grande littérature épique des siècles suivants. Cette première floraison littéraire a également mis au jour quelques vestiges de la tradition orale : fragments qui reflètent des rites et des mythes païens (Charmes de Merseburg, Muspilli) ou des légendes héroïques (Chant d'Hildebrand, début du IXe s.). Cette langue vulgaire qu'Otfried appelle tudesque (theodisce) sera pourtant complètement supplantée par le latin au Xe s. À l'exception de Notker, dit l'Allemand, les clercs n'utilisent plus que le latin, même pour traiter des sujets profanes (Ruodlieb, Waltharius). C'est en latin aussi qu'écrira la nonne Hrotsvita (Roswitha), la première poétesse allemande connue (vers 935-973).
Dans la seconde moitié du XIe s., la langue vulgaire est de nouveau employée par les clercs à côté du latin, d'abord pour des œuvres de caractère religieux (Genèse, dite de Vienne, en 1060 ; Vie de Jésus de Dame Ava, v. 1120 ; Memento Mori, 1077 ; Chant d'Ezzo, v. 1060 ; Chant d'Annon, v. 1100). À partir de 1130, les sujets profanes se multiplient. Ce sont d'abord des clercs qui adaptent des thèmes de la littérature courtoise : la Chanson de Roland et la Chanson d'Alexandre ouvrent la série des adaptations plus ou moins fidèles de modèles français. Plus originale, la Chronique des empereurs (vers 1147) est également l'œuvre de religieux. Il n'en est pas de même, sans doute, de deux poèmes épiques de la même époque : Roi Rother (vers 1150) et Duc Ernst (1170-1180) qui reflètent déjà la société féodale, sa réalité et ses rêves les plus fantastiques.
Le monde occidental a changé au XIIe s. : les pèlerinages, les croisades, l'intensification des échanges commerciaux ont élargi l'horizon de l'homme médiéval. L'idéal courtois, né en France, imprègne maintenant les pays germaniques. L'homme courtois réalise un parfait équilibre entre les exigences de l'au-delà et celles de la vie dans le monde ; il allie toutes les qualités du corps à celles de l'esprit et de l'âme. La production littéraire intense des années 1170-1273 concerne principalement le genre épique : épopées héroïques (ou populaires), dont les sujets sont tirés de la tradition germanique ou épopées courtoises, adaptées du français. Dans le premier groupe, on compte la Chanson des Nibelungen (vers 1200), Kudrun (1235), ainsi que différentes œuvres inspirées de la légende de Dietrich von Bern. L'idéal courtois y est souvent contrarié par un fond de violence et de passion, hérité des temps barbares. Le second groupe comprend les œuvres des premiers grands écrivains de langue allemande : Hartmann von Aue, Wolfram von Eschenbach et Gottfried von Strassburg. À ces trois noms il faudrait ajouter encore ceux d'Hendrik Van Veldeke et d'une foule d'autres poètes, imitateurs ou continuateurs, si on voulait épuiser toute la richesse de ce premier siècle classique de la littérature allemande, qui voit également l'éclosion de la poésie d'amour courtoise (Minnesang). Après le sire de Kurenberg, Heinrich von Morungen et Reinmar von Haguenau, c'est en Walther von der Vogelweide que l'Allemagne trouve son premier grand poète. Mais après lui s'amorce déjà le déclin de la poésie courtoise (Neidhart von Reuental, Conrad von Wurzburg), ainsi que de la poésie « gnomique » (Spruchdichtung) : chez Freidank (mort v. 1233), on voit déjà l'émergence d'une morale bourgeoise.
L'avènement d'une civilisation bourgeoise (XIVe-XVe s.)
Après le temps des couvents et des cours, c'est le temps des villes. Après les clercs et les chevaliers, ce sont les bourgeois qui vont imprimer leur marque à la littérature allemande. Les villes, profitant des querelles entre princes et de la faiblesse de l'empereur, se sont développées et enrichies. Elles deviennent les véritables centres de civilisation, le berceau d'une civilisation spécifiquement allemande. Mais ce n'est pas, pour l'instant, une civilisation particulièrement propice à la littérature. Les genres créés et cultivés au siècle précédent connaissent une rapide décadence. Le début du XIVe s. voit encore paraître quelques poèmes épiques d'inspiration courtoise (Heinrich von Neustadt, Heinrich von Freiberg), mais le genre s'épuise bientôt. La forme se dégrade, puis c'est l'envahissement par l'allégorie (Hadamar von Laber, Ulrich Boner). On voit se multiplier les romans courtois en prose imités eux aussi du français. À leur tour ils sont vulgarisés et popularisés sous la forme de Volksbücher. Pour la poésie courtoise, seul Oswald von Wolkenstein mérite d'être retenu. Le genre se sclérose et passe aux mains de ces consciencieux tâcherons de la poésie que sont les « maîtres chanteurs ». La poésie ne garde quelque fraîcheur que sous la forme de la chanson populaire (Volkslied) et de la ballade populaire. Plus conformes à l'esprit des nouveaux temps, les récits et poèmes moraux et satiriques connaissent un regain de faveur : Meier Helmbrecht de Wernher der Gartenaere avait inauguré le genre (1260). Il sera suivi autour de 1400 par l'Anneau du Suisse Wittenweiler et le Laboureur de Bohême de Johann von Tepl. Le genre se prolongera avec la Nef des fous de S. Brant (1494), qui appartient déjà au XVIe s. La satire se maintient aussi sous la forme du fabliau et de la farce.
Le théâtre du Moyen Âge est né de la liturgie. Comme en France, les grandes fêtes, Noël, Pâques, l'Ascension, fournissent à la fois le prétexte et le thème des représentations. Mais les éléments profanes ne sont jamais absents et prennent une place de plus en plus grande, en particulier dans les jeux de carnaval (Fastnachtsspiel). Cependant, dans ces siècles empreints d'esprit religieux, la littérature d'édification connaît un grand développement : pour nous, la part la plus intéressante est la littérature d'inspiration mystique, illustrée par Maître Eckhart (vers 1260-1328) et ses disciples Tauler et Suso.
Pour compléter ce tableau, il faut encore mentionner la littérature historique et scientifique, les récits de voyage, les chroniques de villes. Avec Nicolas de Cues (1401-1464), philosophe, diplomate, savant et cardinal, le XVe siècle allemand possède même un des premiers grands humanistes.