Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

Brodsky (Joseph)

Poète américain d'origine soviétique (Léningrad 1940 – Brooklyn, New York, 1996).

Issu d'une famille juive, il est condamné en 1964 en U. R. S. S. pour « parasitisme social » et, après un séjour dans les prisons russes, est contraint d'émigrer en 1972 : il s'installe d'abord à Vienne, avec l'aide du poète anglais W. H. Auden, puis aux États Unis. Ses poèmes, conçus pour la déclamation et la lecture publique, sont essentiellement en russe, alors que sa prose est en anglais. Ses thèmes de prédilection sont historiques et mythologiques, marqués par une forte préoccupation éthique. Il est le traducteur en russe de Donne et de Marvell et un écrivain fortement inspiré par les œuvres de Kafka, de Proust et de Faulkner. En 1991, il devient poète lauréat en Amérique, après avoir reçu le prix Nobel de littérature en 1987. On lui doit notamment Collines et autres poèmes, Aqua Alta et Urania, ainsi que de nombreux essais (Moins qu'un homme, 1986 ; la Peine et la raison, 1995).

Brody (Sándor)

Écrivain hongrois (Eger 1863 - Budapest 1924).

Auteur de nouvelles (Misère, 1889), il s'inspire à la fois de Zola et de Jókai dans ses romans (le Docteur Faustus, 1888) et dans ses drames (l'Institutrice, 1908 ; Léa Lyon, 1916).

Bronnen (Arnolt)

Écrivain autrichien (Vienne 1895 – Berlin-Est 1959).

Bronnen connut une carrière littéraire et politique fluctuante. Sioniste dans sa jeunesse, puis anarchiste, proche de Brecht, il sera l'ami de Goebbels et occupera des fonctions importantes à la radio national-socialiste. En 1943, il se retranche en Autriche, où, en 1945, il deviendra maire communiste d'une petite ville. En 1955, il quitte l'Autriche pour la R.D.A. Expressionniste à sensation (Meurtre du père, 1915-1922 ; Excès, 1923 ; Anarchie à Sillian, 1924), il a fait de la sexualité et de la cruauté les ressorts de sa dramaturgie de choc.

Brontë (Anne)

Romancière anglaise (Thornton 1820 – Scarborough 1849).

Des sœurs Brontë, Anne était apparemment la moins douée. Son premier roman, Agnes Grey (1847), histoire autobiographique d'une gouvernante, n'a guère suscité l'enthousiasme des critiques. En juin 1848, elle publie son second et dernier roman, la Locataire de Wildfell Hall. On retrouve dans ce manifeste féministe l'atmosphère violente des Hauts de Hurlevent ; les mésaventures de Branwell, le frère d'Anne, soupçonné de relations adultères avec la femme de son employeur, ont pu inspirer le parcours de l'héroïne qui fuit avec son fils la brutalité d'un mari alcoolique. Après une longue maladie, Anne Brontë meurt en mai 1849.

Brontë (Charlotte)

Romancière anglaise (Thornton, Yorkshire, 1816 – Haworth 1855).

Des six enfants du pasteur Patrick Brontë, Charlotte est celle qui vécut le plus longtemps et la seule qui se maria et connut le succès de son vivant. Après avoir donné naissance à cinq filles et un garçon, leur mère meurt en septembre 1821, et les enfants sont élevés par leur tante. En 1825, les deux sœurs aînées, Maria et Elizabeth, succombent à la tuberculose, âgées d'une dizaine d'années. Les quatre survivants ne sont pas scolarisés et découvrent les joies de l'écriture à travers la rédaction d'épopées abracadabrantes, situées dans des royaumes imaginaires. C'est en Angria que Charlotte fait aimer et mourir ses personnages, tandis que son frère Branwell les fait s'affronter sur des questions politiques. En 1831, Charlotte est envoyée dans une école où elle revient quelques années plus tard en tant que professeur. N'ayant pas connu le succès en tant que gouvernantes, Charlotte et Emily partent pour Bruxelles afin d'améliorer leur connaissance des langues (1842-1843). Vers 1845, les trois sœurs, étant parvenues à faire publier un recueil de leurs poèmes, se mettent en quête d'un éditeur pour leurs romans respectifs. Alors que les manuscrits d'Emily et d'Anne sont acceptés, celui de Charlotte est refusé. Le Professeur, largement inspiré de ses démêlés sentimentaux en Belgique, ne paraîtra qu'à titre posthume (1857). Sur la suggestion de l'éditeur, Charlotte soumet peu après un roman complètement différent : c'est Jane Eyre, publié sous le pseudonyme de Currer Bell (1847). Orpheline envoyée dans une sinistre pension, l'héroïne devient gouvernante et s'éprend de son employeur. Mais elle fuit en découvrant que Rochester est marié à une folle qu'il cache dans son château. Celle-ci meurt dans l'incendie qu'elle a provoqué ; en voulant la sauver, Rochester devient aveugle. Jane revient et plus rien ne s'oppose à leur union. Malgré les aspects mélodramatiques de l'intrigue, la critique se montre enthousiaste. De l'autobiographie romancée à la vision romantique, ce roman propose une affirmation neuve du désir des femmes.

   En 1848, le frère adoré, Branwell, meurt, bientôt suivi par Emily et Anne. Avec son père, Charlotte est la seule survivante. Sa notoriété lui permet de fréquenter le milieu intellectuel londonien. En 1849, elle publie Shirley, roman dont l'intrigue sentimentale prend pour toile de fond les émeutes « luddites » de 1812, contre la mécanisation des industries. Son dernier roman, Villette (1853), reprend la formule de Jane Eyre (une jeune femme raconte elle-même son histoire) et l'applique à la situation déjà développée dans le Professeur (intrigues amoureuses dans un pensionnat à Bruxelles), pour un mélange ambigu de réalisme pittoresque et de romantisme échevelé. En juin 1854, Charlotte épouse Arthur Bell Nicholls, vicaire de son père. Enceinte, fatiguée par sa grossesse, elle meurt le 31 mars 1855, succombant à la maladie pulmonaire qui avait fauché son frère et ses sœurs avant elle.

Brontë (Emily)

Romancière et poétesse anglaise (Thornton 1818 – Haworth 1848).

Alors que leurs aînés, Charlotte et Branwell, rédigeaient les chroniques d'Angria, Emily Brontë et sa sœur Anne créèrent leur propre univers, l'île de Gondal dans l'océan Pacifique. Aucun des textes en prose des sœurs cadettes ne nous a été transmis, et c'est seulement à travers quelques poèmes que l'on connaît ce territoire imaginaire, dont Emily et Anne auraient continué à alimenter le mythe jusqu'à la fin de leurs jours. À l'automne 1845, Charlotte découvre les poèmes écrits par Emily et réussit, malgré la fureur de sa sœur, à la persuader de les publier : en mai 1846 paraît un recueil de poèmes, sous les pseudonymes masculins d'Acton, Currer et Ellis Bell. Emily était la poétesse la plus inspirée de la famille ; ses œuvres, chargées de mysticisme, ne sont pas toujours faciles d'accès. Lorsqu'elle aborda le roman, elle produisit avec les Hauts de Hurlevent (1847) l'un des chefs-d'œuvre incontestés de la littérature anglaise. On s'est souvent demandé comment une jeune fille élevée dans un presbytère de province, dont la plus grande aventure avait été un séjour de quelques mois à Bruxelles, avait pu concevoir un roman d'une telle ampleur dramatique, et à la construction extrêmement complexe. Heathcliff, mystérieux enfant adopté chez les Earnshaw, rencontre l'hostilité du fils légitime mais suscite une violente passion chez sa sœur, Catherine, qui optera néanmoins pour un mariage de raison. Le « bohémien » dédaigné s'enfuit ; à son retour, il tentera en vain de se venger sur la fille de Catherine, qui était morte en couches. Le « paria » et sa demi-sœur ne se retrouveront que dans la mort et leurs fantômes errent encore sur les landes du Yorkshire. Cet hymne à l'amour fou est confié à deux narrateurs improbables : le pusillanime Lockwood et, surtout, Nelly Dean, vieille bonne qui a été la confidente de Catherine Earnshaw et le témoin privilégié de tous les incidents survenus dans la demeure familiale, les Hauts de Hurlevent. Le bon sens terre-à-terre de l'une, la sottise et la médiocrité de l'autre rendent d'autant plus fascinantes les personnalités flamboyantes de l'intrigue principale, connue à travers leurs récits. Après ce chef-d'œuvre, Emily n'aurait plus le temps d'écrire ; elle devait mourir en novembre 1848, peu après son frère Branwell.