Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
S

Senault (Jean-François)

Théologien et écrivain français (Auvers-sur-Oise 1601 – Paris 1672).

Cet oratorien fut surtout connu pour sa prédication (il prêcha de 1627 à 1663 vingt-sept avents et carêmes à Paris), avant d'être élu supérieur général de son ordre en 1663. Il prononça les oraisons funèbres de Marie de Médicis, de Gaston d'Orléans, d'Anne d'Autriche et d'Henriette de France. Il a laissé des traités moraux et théologiques De l'usage des passions, 1641 ; l'Homme criminel ou la Corruption de la nature par le péché, 1644) et trois volumes de Panégyriques des saints (1656-1658).

Sender (Ramón José)

Écrivain espagnol (Alcolea de Cinca 1901 – San Diego, Californie, 1982).

Il prit part à la guerre du Rif, dont il rapporte l'Aimant (1930), à mi-chemin entre le roman et le reportage. L'Ordre public (1931), Voyage au village du crime (1933) et la Nuit des cent têtes de mort forment une trilogie romanesque (le Temps du présage) qui complète son itinéraire de jeune romancier engagé totalement, à la fois dans l'histoire de son pays et dans la création littéraire. Après la guerre civile, il devient pour les Espagnols l'archétype de l'écrivain espagnol exilé. Au Mexique puis aux États-Unis, il compose une œuvre romanesque où la réalité historique est transcendée au profit d'une vision poétique et symbolique ; alliant l'humour noir à la verve pittoresque, il célèbre la liberté en offrant une peinture ironique de la destinée humaine (le Roi et la Reine, 1947 ; le Bourreau affable, 1952 ; les Cinq Livres d'Ariane, 1957 ; l'Aventure équinoxiale de Lope de Aguirre, 1964 ; Zu, l'ange amphibie, 1971 ; le Regard immobile, 1979).

Sened (Alexandre)

Écrivain israélien (Wloclawek, Pologne, 1921 – ? 2004).

Arrivé en Palestine en 1934, il est envoyé en Pologne en 1948 par le bureau de l'immigration clandestine, et y fait la connaissance de sa future épouse, Yonat (Czestochowa, Pologne, 1926). Le journal de leur rencontre (1949) marque le début de leur collaboration littéraire. Leur premier roman, Une terre sans ombre (1950), est l'épopée de l'installation d'un kibboutz. Les années de jeunesse en Pologne, l'époque d'avant-guerre et l'Holocauste sont évoqués dans le roman la Classe de cinquième (1956), suivi de Leurs jours exposés au vent (1959) et Entre les morts et les vivants (1964). Il convient de citer également Un pays habité (1980) et Journal d'un couple amoureux (1992).

Sénégal

Le Sénégal connaissait l'écriture bien avant l'arrivée des Européens, puisque dès les XeXIe siècles, l'introduction de l'islam dans le Fouta-Toro avait suscité la formation d'une classe de lettrés arabophones particulièrement influente. On en retrouve l'écho dans la prédication des Tidianes et des Mourides qui se répandit au Sénégal à la fin du XVIIIe s. et dont témoignent des recueils poétiques, dans la plus pure tradition de la littérature arabo-musulmane. Le prosélytisme religieux de poètes comme Mohamadou Aliou Tyam (auteur d'un long poème épique à la gloire d'El Hadj Oumar) devait bientôt les conduire à utiliser les langues locales, en particulier le wolof et le peul.

   C'est toutefois le français que choisissent les véritables précurseurs que furent les métis de Saint-Louis, en particulier l'abbé Boilat, auquel on doit le premier Dictionnaire français-wolof et wolof-français, et de fort intéressantes Esquisses sénégalaises, parues en 1853. L'implantation, dès 1915, à Saint-Louis, puis à Gorée, de l'école normale William-Ponty, pépinière d'hommes politiques, d'écrivains et d'hommes de culture, donne une grande impulsion à la vie culturelle. Dans un mouvement de retour aux sources, et contre la politique coloniale d'assimilation, Birago Diop met à profit ses randonnées de vétérinaire itinérant à travers l'Afrique de l'Ouest pour recueillir – et adapter – les Contes et les Nouveaux Contes d'Amadou Koumba (1947 et 1958). Le Sénégal a vu paraître les premiers romans de langue française écrits par des Africains : en 1920, les Trois Volontés de Malic, d'Ahmadou Mapate Diagne ; en 1926, Force bonté, de Bakary Diallo. Ousmane Socé analyse dans Karim (1935) l'inéluctable transformation des mœurs et des mentalités sous l'effet de l'école occidentale, un thème qui sera repris magistralement par Cheikh Hamidou Kane (l'Aventure ambiguë, 1961). Avec Maïmouna (1953), Abdoulaye Sadji évoque le destin d'une jeune fille abusée par les fallacieux prestiges de la grande ville, Dakar, tandis que dans la Plaie (1967) Malick Fall en révèle l'envers. Avec les Bouts de bois de Dieu (1960), Ousmane Sembene entreprend de brosser une fresque sociale de son pays. Cheikh Alioune Ndao publie Buur Tilleen, roi de la Médina (1972), Excellence, vos épouses ! (1983), où il se montre habile observateur de la vie sociale. Boubacar Boris Diop, du Temps de Tamango (1981) au Cavalier et son ombre (1997), confronte le roman aux mythes épiques et accorde la première place à une écriture recherchée et difficile. Le Sénégal est aussi un lieu privilégié pour l'émergence de nouvelles écritures féminines. Mariama Bâ donne l'impulsion avec Une si longue lettre (1979) et Un Chant écarlate (1981). Aminata Sow Fall tient une place importante dans la vie littéraire avec sept romans publiés depuis 1979. Citons encore Nafissatou Diallo (le Fort maudit, 1980), Myriam Warner-Vieyra, Guadeloupéenne vivant au Sénégal (Juletane, 1984), Ken Bugul (le Baobab fou, récit autobiographique, 1984 ; Cendres et Braises, 1984 ; Riwan ou le chemin de sable, 1999).

   La poésie tient une grande place dans la littérature sénégalaise avec Léopold Sédar Senghor, mais Birago Diop (Leurres et Lueurs, 1960), David Diop (Coups de pilon, 1956), Lamine Diakhaté (Primordial du sixième jour, 1963 ; Nigérianes, 1974), Ibrahima Sall (la Génération spontanée, 1975), Cheik Ndao (Mogariennes, 1970), Amadou Lamine Sall (Comme un iceberg en flammes, 1982), Tierno Saïdou Sall (le Vol des pélicans, 1998).

   Le théâtre se développe d'abord dans le cadre de l'école William-Ponty. Après les indépendances, il est surtout historique avec Cheikh Ndao (l'Exil d'Albouri, 1967), Amadou Cissé Dia (les Derniers Jours de Lat Dior, 1965), poétique avec Abdou Anta Ka, politique avec Boubacar Boris Diop. Enfin, plusieurs essayistes, au nombre desquels Jean-Pierre Ndaye et surtout Cheikh Anta Diop (Nations nègres et culture, 1954), ont largement contribué au débat engagé et orchestré par Senghor (dont les essais sont rassemblés dans Liberté I, II et III, 1964, 1971, 1977) autour de la notion si controversée de la négritude. Ces débats éveillent de nombreux échos au sein d'une intelligentsia turbulente qui s'exprime volontiers soit à la radio et à la télévision, soit dans les pages culturelles du quotidien le Soleil, soit enfin dans la revue Éthiopiques, créée en 1973, avec un sous-titre très explicite « Revue socialiste de culture négro-africaine ».