Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Pinget (Robert)

Écrivain français (Genève 1919 – Tours 1997).

Après des études de droit, il devient temporairement avocat, puis s'installe à Paris (1946) et s'inscrit aux Beaux-Arts, où il suit les cours de Souverbie. Sa première exposition de peinture a lieu en 1950, à Saint-Germain-des-Prés. Auteur de poèmes publiés sous le pseudonyme de Chalune (À Sainte-Nitouche, non daté), il admire l'œuvre de Michaux. Lecteur passionné de Don Quichotte, impressionné par Joyce, il entre officiellement en littérature avec un recueil de nouvelles (Entre Fantoine et Agapa, 1951) où il met en place les décors de sa production à venir : l'imaginaire géographique impose d'emblée son esthétique comme une vaste et unique recherche, toujours reprise autour des mêmes sites.

   Ses premiers romans (Mahu ou le Matériau, 1952 ; le Renard et la Boussole, 1953) attirent l'attention de Beckett, qui les recommande à son éditeur, Jérôme Lindon. C'est ainsi que Pinget rejoint le catalogue de Minuit (Graal Flibuste, 1956), au sein duquel il se trouve bientôt associé au Nouveau Roman. Il s'en distingue toutefois par une imagination résolument fantasque, qu'on a volontiers rapprochée de celle de Lewis Carroll : ses livres font alors preuve d'un sens du jeu, de la désinvolture et de la parodie bien éloigné des expériences quelque peu austères menées à l'époque par ses condisciples.

   Après Baga (1958), cependant, l'œuvre change de ton, manifestant un souci croissant de la technique, notamment influencé par les efforts de déstructuration syntaxique de Max Jacob. Les romans de Pinget se caractérisent désormais par la complexité de leur composition : l'accumulation des données, des constats, des détails (Clope au dossier, 1961 ; l'Inquisitoire, 1962) rend chaque situation plus floue, chaque personnage plus improbable (Quelqu'un, 1965). La narration entretient à plaisir une savante confusion, qui mêle les temps et les points de vue (le Libera, 1968). La récurrence des thèmes et leur mise en relation contrapuntique témoignent du goût de ce violoncelliste pour la musique baroque et pour les fugues de Bach (Passacaille, 1969).

   C'est donc fort logiquement qu'il contestera son appartenance à une prétendue « école du regard », dès que la critique commencera de l'associer à cette étiquette, lancée par Émile Henriot. Chez l'auteur de Cette voix (1975), il s'agit en effet de fonder l'art poétique sur « l'oreille de ses exigences », de saisir et de restituer la parole vive du quotidien, dans son foisonnement subjectif et son oralité (l'intérêt pour Céline n'est pas étranger à cette prédilection), de tenter de capter cette source d'inspiration qui subsiste « bien après les cadavres » (Fable, 1971). En vertu de quoi, si le début de l'œuvre se place sous le signe du récit impossible, très vite Pinget fait de l'écriture la seule réalité (« En dehors de ce qui est écrit, c'est la mort », le Fiston, 1959), de telle sorte que l'exercice de la littérature, marqué par la prolifération de signes contradictoires, ressortit à la pratique indéfinie de l'Apocryphe (1980).

   Empreint de moralisme, le journal de Monsieur Songe (1982) pose les problèmes de la création en rapport avec les angoisses d'une conscience malheureuse, qui les expose avec une minutie inquiète et une verve humoristique réaffirmées dans la fragmentation des carnets (le Harnais, 1984 ; Charrue, 1985 ; Du nerf, 1990 ; Taches d'encre, 1997). Confirmant la dimension métaphysique d'une œuvre hantée par la figure de l'Ennemi (1987), Théo ou le Temps neuf (1991) lègue un espoir, en laissant transparaître une dimension ésotérique : Pinget, fin connaisseur de traités alchimiques et mystiques, y fait dialoguer un vieillard et un enfant, dont les échanges pleins de fraîcheur associent le travail sur la langue à la quête d'un secret intime.

   Traducteur de All that fall (1957) de Beckett, Pinget est également l'auteur de pièces radiophoniques, pour la plupart inédites (la Manivelle, 1960 ; l'Interview, 1962 ; Autour de Mortin, 1965 ; Abel et Bela, 1969 ; Nuit, 1972 ; le Rescapé, 1973 ; Dictée, 1975 ; l'Attentif, le Chrysanthème et le Bourreau, 1977 ; Lubie, 1979 ; le Vautour, 1980 ; Un testament bizarre, 1981 ; l'Imbroglio, 1982 ; Mortin pas mort, 1984 ; De rien, 1989). L'essentiel des interrogations de son univers romanesque se retrouvent dans sa production dramatique (Lettre morte, 1960 ; Ici ou ailleurs, 1961 ; Architruc, 1961 ; Identité, 1971 ; Paralchimie, 1976 ; le Manuscrit, 1977), généralement associée au Nouveau Théâtre.

Piñon (Nélida Cuiñas)

Romancière brésilienne (Rio de Janeiro 1937).

Ses romans s'efforcent de saisir la réalité à travers un langage poétique et sensuel (la Maison de la passion, 1972 ; la Force du destin, 1978). On lui doit aussi des contes.

Pinter (Harold)

Auteur dramatique anglais (Londres 1930).

D'abord acteur pour la radio, il aborde l'écriture dès la fin des années 1950 et devient bientôt le maître de la tragi-comédie (l'anglais a créé l'adjectif « pinteresque » pour désigner ce réalisme mystérieux). Admirateur de Dylan Thomas et de Beckett, il tire de son expérience de la difficulté de communiquer un théâtre dominé par le thème de l'espace clos et rassurant, que de mystérieuses forces extérieures tentent perpétuellement de détruire, à travers les mots et les situations quotidiennes. Chez Pinter, l'absurde est un sujet d'étude, non un credo nihiliste. Son théâtre repose sur la circularité : la notion même de « dénouement » paraît dérisoire. Ses premières œuvres, appelées « comédies de la menace », abordent le thème de la précarité sociale : la Chambre (1957), l'Anniversaire (1958) ou le Gardien (1960). Pinter fait s'affronter ses personnages par couples, tortionnaire et victime ; chacun tente de préserver son espace vital menacé par l'arrivée d'un intrus. L'impossibilité de communiquer avec autrui domine sa seconde période, avec des comédies bourgeoises fatalistes (la Collection et l'Amant, 1963 ; le Retour, 1965 ; No Man's Land, 1970 ; Trahisons, 1978). Troués de silences, les discours se juxtaposent sans qu'un dialogue puisse s'établir. Plus récemment, Pinter s'est mis à écrire des œuvres politiques comme Un pour la route (1984) ; Clair de lune (1993) et Ashes to Ashes (1996) s'interrogent sur le rôle de la mémoire. Il a également travaillé pour la télévision et le cinéma, en concevant le scénario de nombreux films (notamment l'adaptation de la Maîtresse du lieutenant français, d'après John Fowles).