Heinlein (Robert Anson)
Écrivain américain (Butler, Missouri, 1907 – Carmel, Californie, 1988).
Tenu généralement pour l'auteur le plus représentatif de l'« âge d'or » de la science-fiction américaine, il est aussi le symbole d'une science-fiction tout entière vouée à la défense de l'impérialisme et du militarisme, proposant par exemple, dans Étoiles, garde à vous (1959), que le droit de vote soit réservé aux seuls citoyens ayant accompli leur service militaire. Son Histoire du futur, vaste cycle de nouvelles et de romans commencé en 1939 avec Ligne de vie et couvrant une période allant de 1950 à 2600, est marquée par une foi sans faille dans l'avenir de l'humanité et les bienfaits du progrès scientifique. Une porte sur l'été (1957) est un récit de voyage temporel qui devient vite la référence et le modèle du genre. Avec En terre étrangère (1961), histoire d'un Terrien né sur Mars, élevé par les Martiens puis ramené sur terre à l'âge de 20 ans pour une carrière de messie prônant la paix et la liberté sexuelle, il bouscule pourtant l'image réactionnaire qu'il avait pu donner jusqu'alors. Il est alors l'auteur le plus lu et commenté par la jeunesse pacifiste et contestataire américaine, même si la critique, déconcertée, s'efforce de montrer les aspects réactionnaires de son humanisme mystique. Poursuivant dans la même veine, Révolte sur la Lune (1967) exalte les vertus d'une société anarcho-socialisante. Partisan des libertés individuelles dans une optique libertaire, Heinlein ne voyait pas de contradiction majeure entre l'engagement militaire au Viêt Nam et la libération sexuelle. Il choquera encore, tout en restant en phase avec les préoccupations de l'époque, en abordant dans le Ravin des ténèbres (1970) une forme de transsexualité.
Heinrich von Meissen
Poète allemand (vers 1250 – Mayence 1318).
D'origine bourgeoise, instruit à Meissen, celui qu'on surnomma Frauenlob parce qu'il s'était fait le champion de la dame (frouwe) par opposition à la femme (wîp) mena une vie errante et connut de nombreuses cours avant de se fixer à Mayence. Son œuvre comprend trois grands lais, treize chansons et un grand nombre de poèmes gnomiques. Il a voulu être le continuateur des grands classiques du lyrisme médiéval, en particulier de Wolfram d'Eschenbach. Son style imagé, maniéré jusqu'à l'obscurité, lui a valu d'être considéré par la suite comme l'un des douze maîtres du Meistersang.
Heinrich von Morungen
Poète allemand (Thuringe v. 1150 – Leipzig 1222).
Il est représentatif du Minnesang à son apogée. Son œuvre comprend 33 poèmes dont la chronologie est difficile à établir ; elle trahit, dans la forme et dans les thèmes, l'influence de la poésie provençale et celle d'Ovide. Par la richesse de ses images et son génie du rythme, Heinrich a su perfectionner les genres traditionnels (chanson, aube, wechsel). Il reprend la conception de l'amour des Rhénans : la Dame, inaccessible, fait l'objet d'un véritable culte ; l'amour a un pouvoir magique, voire mortel, il envoûte celui qui s'y voue et le plonge dans une langueur maladive.
Heinse (Wilhelm)
Écrivain allemand (Langewiesen 1746 – Aschaffenburg 1803).
Critique d'art (dont les théories transparaissent dans Anastasia et le Jeu d'échecs, 1803), auteur d'aphorismes et de poèmes, il est surtout connu pour son roman Ardinghello et les Îles Fortunées (1787), qui reflète les expériences de son voyage en Italie (1780-1783) : un jeune artiste de la Renaissance mène une vie ardente et dangereuse, livrée à un amoralisme esthétique inspiré de la philosophie et de l'art antiques, dont il cherche avec quelques amis à recréer les prestiges dans deux îles de la mer Égée. Ardinghello fut longtemps le héros type du Sturm und Drang.
Heinsius (Daniël)
Humaniste hollandais (Gand 1580 – Leyde 1655).
Bibliothécaire de l'université de Leyde, historiographe du roi Gustave-Adolphe de Suède et secrétaire du synode national de Dordrecht (1618), il traduisit la Poétique d'Aristote, édita Sénèque et médita sur les rapports de la philosophie et de l'éloquence avec le pouvoir (De politica sapientia, 1624) à travers la comparaison d'Aristote et de Machiavel. Théoricien de la tragédie (De tragoediae constitutione, 1616), qu'il illustra avec ses pièces latines, notamment Herodes infanticida (1632) dont le mélange de profane et de sacré suscita une querelle littéraire et les critiques de Guez de Balzac, puis de Saumaise, il a laissé aussi des vers latins (Elegiae et Silvae, 1603) et des Poèmes néerlandais (1616) marqués par sa foi calviniste et sa passion de la liberté.
Heissenbüttel (Helmut)
Écrivain allemand (Rüstringen, près de Wilhelmshaven, 1921 - Borsfleth 1996).
Il fut l'un des chefs de file de la littérature concrète : par associations, réductions, variations, citations, montages, le « matériel linguistique », supposé autonome, est réduit à un instrument de questionnement sur la langue et sur le monde. On lui doit des « textes » et « projets » (Livre de textes, 1970 ; Projet nº 1 : la Fin de d'Alembert, 1970), des écrits théoriques (Sur la littérature, 1966 ; À propos de la modernité comme tradition, 1972 ) et poétiques (Rouer de coups la tête de choux, 1974 ; Œdipus-komplex made in Germany, 1981).
Hejinian (Lyn)
Poétesse américaine (San Francisco 1941).
La carrière de Lyn Hejinian commence avec Une pensée est la promise de quel penser, en 1976, et se poursuit notamment avec Écrire est une aide de la mémoire (1978), le Froid de la poésie (1994) et Ma vie (1980, révisé 1987). S'attaquant au bon sens matérialiste américain, elle cherche les failles philosophiques qui permettraient de l'éradiquer du paysage mental. Son mode lyrique extrêmement original met en jeu une voix désincarnée mais perceptible, non identifiable mais familière, qui souffle au lecteur des éléments qui jamais ne deviennent argumentation cohérente. En lutte contre une poétique utilitaire, elle défie l'interprétation clôturante par le jeu des possibilités dans une langue apparemment limpide, mais en fait toujours ambigüe. Oscillant entre la dénonciation des limites du langage face au réel (les terreurs millénaristes, l'Holocauste, la dictature bureaucratique) et sa réification dans un travail inspiré de Gertrude Stein, Hejinian trace « les longues lignes qui suivent chaque idée, objet, personne, animal, véhicule ou événement ».