Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
U

Urwa ibn Al-Ward

Poète arabe (VIIe s.).

Il représente, avec al-Chanfara et Ta'abbata Charran, le type du su'luk (poète bandit) fort attaché à son code d'honneur. Les anthologues ont conservé de nombreux fragments de sa poésie, dont une belle qasida de 27 vers.

Usakligil (Halit Ziya)

Écrivain turc (Istanbul 1866 – id. 1945).

Appartenant au courant de l'Edebiyat-i Cedide (Nouvelle Littérature), mais considéré aussi comme l'un des plus grands écrivains de la période prérépublicaine, il est l'auteur d'une dizaine de recueils de nouvelles (parus entre 1900 et 1955) et de romans réalistes et psychologiques (le Bleu et le Noir, 1897 ; l'Amour interdit, 1900) influencés par le naturalisme français. En réalité, il est le véritable fondateur du roman moderne en Turquie : autant du point de vue de la construction que du point de vue de l'analyse psychologique, il se dégage définitivement de la rhétorique orientale des prosateurs du Tanzimat.

Usama ibn Munqidh

Écrivain arabe (Chayzar, Syrie, 1095 – Damas 1188).

Il est l'auteur de poèmes et d'une douzaine d'ouvrages dont émerge une autobiographie, unique en son genre dans la littérature arabe classique. Né à Chayzar, siège d'une petite principauté arabe de Syrie du Nord, Usama vécut ensuite au service de plusieurs souverains, Fatimides d'Égypte, Turcs de Syrie ou de Haute-Mésopotamie, avant d'assister au triomphe de Saladin, vainqueur des croisés à Jérusalem. Le livre qui assura sa gloire porte le titre de Kitab al-i'tibar (l'Édification par les exemples). C'est un extraordinaire tableau de la vie dans la Syrie musulmane au XIIe s., des rapports, conflictuels ou d'alliance, entre les croisés et les principautés locales. Mais la partie la plus émouvante et la plus personnelle de l'ouvrage reste celle qui est consacrée aux souvenirs d'enfance et de jeunesse, à Chayzar, auprès d'un père et d'une famille vénérés.

Usigli (Rodolfo)

Écrivain mexicain (Mexico 1905 – id. 1979).

Il obtint ses plus grands succès au théâtre avec des pièces réalistes d'une grande maîtrise technique dans l'exposé et le dénouement des situations, que ce soit des drames historiques (Couronne d'ombre, 1943 ; Couronne de feu, 1960 ; Couronne de lumière, 1964), des comédies (Nuit d'été, 1933 ; la Femme ne fait pas de miracles, 1939) ou des satires sociales et politiques (le Gesticulateur, 1937 ; la Famille dîne à la maison, 1942). Il est aussi essayiste et poète.

Uslar Pietri (Arturo)

Écrivain vénézuélien (Caracas 1906 – id. 2001).

Après un recueil de nouvelles, Barrabas et autres récits (1928), il publie un roman historique, les Lances rouges (1930), genre qu'il reprendra en 1947 avec le Chemin de l'Eldorado. La Saison des masques (1964) et Métier de défunts (1976) sont centrés autour de la figure du dictateur Gómez. Dans l'œuvre d'Ulsar Pietri, l'histoire a la force d'un témoignage vécu. Il est aussi un des essayistes hispano-américains les plus renommés, à l'origine du terme « réalisme magique ».

Usman Awang

Écrivain malais (Kuala Sedili 1929 – Kuala Lumpur 2001).

Après une enfance troublée – orphelin de mère à l'âge de sept ans, il fuit sa ville sous les bombardements et cultive la terre à Segamat –, il est enrôlé de force par les Japonais (1942), réussit à s'évader et s'engage, après le retour des Anglais, momentanément dans la police (1951) avant de se rendre à Singapour, où il collabore à divers périodiques et participe aux activités culturelles de l'Angkatan Sasterawan 50 (Asas 50), dont il devient membre en 1952. Membre du Dewan Bahasa dan Pustaka depuis 1963 et rédacteur des revues Dewan Sastra et Dewan Budaya, il y apparaît comme l'un des plus ardents défenseurs de l'« art pour le peuple », de l'art reflet de la société et instrument de lutte contre toute forme d'oppression, conception qu'illustrent ses poèmes (Vagues, 1961 ; Épines et feu, 1967 ; Horizon, 1971), ses nouvelles (Battements de cœur, 1963), ses pièces de théâtre (D'étoile en étoile, 1956 ; Flûte nocturne, 1966 ; Musika Uda dan Dara, drame musical, 1976) et son roman (Os épars, 1966).

Uthman (Layla)

Romancière koweïtienne (née en 1944).

Elle a publié d'abord un recueil de poésie intimiste (Chuchotements, 1972), puis s'est tournée vers la nouvelle : Femme dans un vase (1976), le Départ (1979), Les yeux arrivent la nuit (1980), Fathiyya choisit sa mort (1987), Folie d'amour (1990).

utopie

Décrite par certains comme un genre littéraire, rattachée par les marxistes à une idéologie, l'utopie ne se laisse enfermer dans aucune définition. Foyer d'élaboration de la pensée politique, elle semble dessiner les contours d'un savoir tout en déniant l'essentiel, que la politique ait à voir avec la réalité. Deux modèles « aimantent » la littérature utopique du XVIIIe s. (si l'on excepte celui de T. More), celui de l'Histoire des Sévarambes (1677) de D. Veiras et, surtout, le Télémaque (1699) de Fénelon. Ce dernier texte inclut deux utopies, la description de Salente et de la Bétique, qui servent de référence jusqu'au XIXe s. La proposition utopique donne à lire, en même temps que la perfection du modèle, une critique du système politique, institutionnel, parfois social de l'Ancien Régime. Elle énonce les grands topoi de la philosophie des Lumières : substitution du règne de la raison à celui de la religion (Claude Gilbert, Histoire de Calejava, 1700), athéisme (Fontenelle, Histoire des Ajaoiens, 1768), thèses physiocratiques (Grivel, l'Isle inconnue, 1783-1787), inversion des rapports sociaux (Marivaux, l'Île des esclaves, 1725), voire égalité des sexes (Rustaing de Saint-Jorry, les Femmes militaires, 1735) proposée de manière moins radicale que dans les Aventures de Jacques Sadeur (la Terre australe connue, 1676), où Gabriel de Foigny décrit une société d'hermaphrodites. Le royaume d'utopie est la manifestation d'une évidence rationnelle. Monde de la transparence parfaite et de la lisibilité totale, il est plus pédagogique que politique. Mais, inscrivant comme chez Morelli (la Basiliade, 1753 ; le Code de la nature, 1755) le règne de la raison de la loi et de la nature dans une altérité absolue, l'utopie les immobilise dans un fantasme anhistorique. Seuls quelques textes laissent bouger le système, comme l'uchronie de Louis-Sébastien Mercier, l'An deux mille quatre cent quarante (1771) et les Voyages et Aventures de Jacques Massé (1710) de Tyssot de Patot.

Une forme-protée

L'utopie n'apparaît pas toujours comme une œuvre autonome, elle intervient sous la forme d'un discours inséré dans un autre discours (politique, historique, philosophique ou romanesque) avec lequel elle entretient des rapports complexes. L'Eldorado, décrit dans Candide de Voltaire, ne prend son sens que par rapport au faux paradis du premier chapitre et à la robinsonnade de la conclusion. Le recours à l'utopie peut avoir valeur exemplaire (les troglodytes dans les Lettres persanes ou la description du Valais dans la Nouvelle Héloïse), ou se voir infliger par le roman un coup mortel (la communauté de Clarens dans la Nouvelle Héloïse) ; en tout cas, et l'exemple de Cleveland de l'abbé Prévost est significatif, ce recours est toujours ambigu. Livré au jeu des parallèles par la stratégie de l'écriture, le modèle utopique est ruiné par l'humour allègre de Sade dans Aline et Valcour : Zamé, l'habituel et sage législateur, et l'horrible despote Ben Maacoro sont prisonniers de leur utopie, à laquelle Sade oppose le joyeux nomadisme du bohémien Brigandos. C'est que Sade sait voir une nouvelle tyrannie dans le règne de la raison et la froide férocité dans des rapports sociaux plutôt renouvelés qu'altérés : l'envol des héros de la Découverte australe (1781) de Restif de la Bretonne devient un privilège, et les héros de la liberté, des tyrans.

Rêves et réalités

La fécondité de l'utopie du XVIIIe s. est liée à son propre éclatement dans l'idéologie politique. Babeuf proclamait sa dette envers le Code de la Nature et les images – réactionnaires – d'un communisme primitif devaient trouver un chemin dans l'avancée théorique du socialisme utopique du XIXe s : du réel (comme la colonisation du Paraguay par les Jésuites) au texte, l'utopie a pu faire retour au réel. C'est là aussi le sens des étonnantes esquisses de Boullée ou de Ledoux et Lequeu en qui l'on voit aujourd'hui un manifeste fondateur de la modernité architecturale et urbanistique. De l'architecture de la prison ou du Familistère de Guise (fondé par Godin) à l'hôpital psychiatrique modèle, les bons sentiments arrivent bien mal à cacher l'impératif du nouvel âge : « surveiller et punir ».