Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Sainte-Marthe (Charles de)

Poète français (Fontevrault 1512 – Alençon 1555).

Il enseigna la théologie à Poitiers et à Lyon, avant de devenir le protégé de Marguerite de Navarre. Suspecté de luthérianisme, il fut emprisonné près de trois ans à Grenoble (1541). C'est à son instigation que fut composé, à la mort de Marguerite de Navarre, le Tombeau de Marguerite de Valoys, Royne de Navarre. Ses œuvres sont constituées de commentaires théologiques en latin, d'oraisons funèbres et de poésies dont la plupart sont contenues dans la Poésie française de Charles de Sainte-Marthe (1540).

Sainte-Marthe (Scévole de)

Poète français (Loudun 1536 – id. 1623).

Neveu de Charles de Sainte-Marthe, il est contrôleur général des Finances à Poitiers, puis trésorier général du Poitou. Ses Premières Œuvres (1569, 1571) et Œuvres meslées (1573) sont imitées des élégiaques latins (Ovide, Catulle). Plus originales, les Œuvres poétiques (1579, 1600) comprennent les Métamorphoses sacrées, évocation de scènes bibliques, ainsi qu'un ensemble de pièces amoureuses. À ces recueils s'ajoutent de nombreux poèmes de circonstance (naissances et morts royales, victoires). Ses poésies latines se composent de Chants sacrés, de Sylves, d'Épîtres, d'Épigrammes, et de deux livres d'Odes, imitées d'Horace et de Stace. S'y ajoutent, outre une Correspondance, le Paedotrophiea libri tres (1584), traité dans la tradition érasmienne sur l'éducation des enfants qui connut un vif succès, et le Virorum doctrina illustrium elogia (1598), panégyrique des savants les plus éminents du siècle, dont le succès fut également considérable.

Saito Mokichi

Poète japonais (Yamagata 1882 – Tokyo 1953).

Célèbre poète de tanka, il touche encore un large public au Japon. Il fut psychiatre et succéda à son beau-père à l'hôpital psychiatrique d'Aoyama en 1927, après son séjour à Vienne et à Munich (1921-1924). Ayant eu une révélation poétique par la lecture de Masaoka Shiki, il participa aux revues Ashibi (1903-1908) et Araragi (1908), et publia ses recueils : Lumière rouge (1913) et Gemme brute (1921). Parmi ses vastes œuvres, dont seize recueils de tanka, retenons sa critique qui révèle son art descriptif de la réalité, « dessins d'après nature », encore plus poussé que celui de son maître : Libres Réflexions sur le tanka (1912-1914) ; son essai de souvenirs : Aux sources du Danube (1926) ; son étude sur le grand poète du Manyoshu : Kakinomoto no Hitomaro (5 vol., 1934-1940) ; et ses derniers recueils : Pêche blanche (1942) et Blanche Montagne (1949) où transparaissent ses tourments relatifs à la guerre.

Sakaguchi Ango (Sakaguchi Heigo, dit)

Écrivain japonais (Niigaga 1906 – Tokyo 1955).

Fils d'un politicien bourgeois, il nourrit, dès l'enfance, un esprit d'insoumission subversive qui lui valut l'expulsion de son lycée. Passionné par la méditation, il étudia la philosophie indienne, et commença sa carrière d'écrivain avec Docteur Vent (1930), sa première expérimentation de la farce. Le succès, immédiatement après la guerre en 1946, de sa critique, la Chute, et de son roman l'Idiote, le fit classer, avec Dazai, parmi les écrivains « sans foi ni loi ». Sous les fleurs de la forêt de cerisiers (1947) ; Nouvelle géographie du Japon d'Ango (essai, 1951).

Saki (Hector Hugh Munro, dit)

Écrivain écossais (Akyab, Birmanie, 1870 – près de Beaumont-Hamel, Somme, 1916).

Il devient journaliste et écrivain en Angleterre faute d'avoir pu faire carrière, comme son père, dans la police birmane. Un temps correspondant à l'étranger, il fréquentera surtout les salons londoniens, y rassemblant la matière de ses « croquis » qui sont d'abord publiés dans la Westminster Gazette, puis réunis dans Reginald (1904), prolongé en 1910 par Reginald en Russie. Le même humour mordant, généralement dirigé contre les extravagances et les hypocrisies de la bonne société (et particulièrement acerbe contre les femmes), le même art de saisir les conversations sur le vif se retrouvent dans ses nouvelles ou dans le roman l'Insupportable Bassington (1912).

Salabreuil (Jean-Philippe)

Poète français (Neuilly-sur-Seine 1940 – Paris 1970).

Usant du vers classique comme d'une prose tendue et rythmée, puisant ses modèles chez Du Perron et Supervielle, il témoigne d'une inspiration visionnaire et mystique qui évoque souvent la sensibilité préromantique allemande. Trois recueils l'imposent : la Liberté des feuilles (1964), remarqué par G. Lambrichs et J. Paulhan, Juste Retour d'abîme (1966) et l'Inespéré (1969).

Salacrou (Armand)

Auteur dramatique français (Rouen 1899 – Le Havre 1989).

Après ses études, il devient assistant de cinéma, partage son activité de 1929 à 1938 entre le théâtre et la publicité, dont il devient un des rois. Il en démonte les mécanismes dans Poof (écrit de 1930 à 1933). Amoureux de musique, de peinture, il a pour amis Masson, Leiris, Gris et Vitrac, Dubuffet, Desnos, Queneau. Le surréalisme fascine son génie inquiet. Sa rencontre avec Dullin fixe sa passion du théâtre. Son œuvre y est singulière, brouillonne, parfois hâtive (« théâtre marmelade ou de cocktail », dira-t-on). G. Marcel note la « cocasserie à arrière-plan métaphysique » de ce « vaudevilliste métaphysicien ». En 1925, Salacrou précise : « J'aime le théâtre parce qu'il donne une grossière mais visible réalité aux créations de mon esprit. » De 1925 à 1931, mal reçue, l'œuvre connaît de rudes années. Comme le jeune homme du Casseur d'assiettes (1923), Salacrou provoque. Une couleur romantique fantaisiste rend Tour à terre (1925), le Pont de l'Europe (1927), Patchouli (1930), Atlas-Hôtel (1931) à la fois séduisants et décevants. Le mélange des tons, la cocasserie et le sérieux des personnages et des thèmes heurtent.

   C'est avec Une femme libre (1934) que Salacrou connaît son premier grand succès. Lucie Blondel, pariant sur la liberté, refuse de se laisser absorber par cette famille abusive, où la tante Adrienne (un de ces portraits de vieilles dames sarcastiques et cyniques que Salacrou sait brosser) incarne la détresse d'un monde bourgeois replié sur soi. L'Inconnue d'Arras (1935) est une œuvre quasi pirandellienne, qui fait éclater le temps et l'espace scéniques et affirme dans sa liberté même une rigueur musicale : un homme, Ulysse, se suicide car sa femme le trompe ; dans le bref moment qui sépare le coup de feu de la mort, il revit sa vie. C'est un ballet accéléré de souvenirs, dont l'andante de la rencontre avec une jeune fille sous le bombardement d'Arras. Les actions dramatiques sont le reflet de la fatalité. Psychologie et moralisme vont de pair dans Un homme comme les autres (1936, et que Salacrou résume ainsi : « Un homme aimé, pour être aimé jusque dans sa nature d'homme, dit à sa femme ce qu'il est et perd l'amour de cette femme, écœurée »). La Terre est ronde (1938) met en scène un jeune couple qui sacrifie son amour aux idées du jour. Salacrou revient à la peinture des mœurs bourgeoises avec l'Archipel Lenoir (1947), alliant la tragédie étouffante et le vaudeville farcesque. La Résistance dicte les Nuits de la colère (1946). Dans la chronique sociale et politique de la vie havraise, il retrouve la figure d'un militant syndicaliste, Jules Durand, condamné à mort en 1910 à la suite d'une « erreur judiciaire ». Ce souvenir d'enfance est le sujet de la fresque dramatique du Boulevard Durand, créé en 1961. Enfin, Dieu le savait (1950), les Invités du Bon Dieu (1953) et Une femme trop honnête (1956) reprennent les thèmes d'un écrivain hanté par l'absence de Dieu, le bon usage de l'absurde souffrance des hommes, voués à la solitude de leurs passions et, peut-être, manœuvrés malgré eux par on ne sait quelle dérisoire « Providence ». Salacrou a publié ses Mémoires (Dans la salle des pas perdus, 1974-1976).