Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
T

Taha (Ali Mahmud)

Poète égyptien (Mansûra 1902 – Le Caire 1949).

Architecte (1924), il se consacra aux lettres dès l'âge de 20 ans. Poète symboliste, il aimait Baudelaire et Verlaine et laissa des recueils de vers d'une fine musicalité (le Marin égaré, 1934 ; Chanson des quatre vents, 1943 ; Fleurs et Vin, 1943 ; le Retour de la passion, 1945 ; Occident et Orient, 1947).

Tahir (Baha)

Romancier égyptien (région de Louxor 1935).

Journaliste, il travaille à la télévision égyptienne (1945-1975) avant de s'installer en Suisse comme traducteur à l'O.N.U. À une culture profondément ancrée dans une Égypte riche de ses origines pharaoniques et de ses villages de fellahs, il associe une ouverture au monde et à ses bouleversements, qui se reflète dans la structure même d'une œuvre narrative innovante tant dans ses nouvelles (les Fiançailles, 1972 ; Hier, j'ai rêvé de toi, 1984 ; Moi, le roi, je suis venu, 1985) que dans ses romans (À l'est de la palmeraie, 1984 ; Duhâ disait, 1985 ; Tante Safiyya et le monastère, 1991).

Tahtawi (Rifaa Rafi al-)

Réformateur égyptien (Tahta 1801 – Le Caire 1873).

Disciple du cheikh Hasan al-'Attâr (1776-1834), il fut choisi, après une formation traditionnelle à al-Azhar au Caire, comme imam de la première mission universitaire envoyée en France par Muhammad 'Ali. D'une curiosité et d'une ouverture d'esprit remarquables, il acquit durant son séjour à Paris (1826-1831) une connaissance encyclopédique et subit l'influence des idées issues de la Révolution de 1789. De retour en Égypte, il participa à un projet de réforme de l'enseignement à al-Azhar, devint directeur de l'École khédiviale d'administration (1834), de l'École des langues (1835), rédacteur en chef du premier journal officiel d'Égypte (al-Waqâ'i' al-Misriyya, 1840) et chef du département des traductions (1841). Son œuvre considérable (27 ouvrages) est tout entière animée par une volonté de réforme intellectuelle fondamentale du monde ottoman, une relation de voyage (Takhlîs al-ibrîz fî talkhîs Bârîz [l'Or de Paris]), de nombreux essais, (Manâhij al-albâb [Direction des âmes], 1869 ; le Guide intègre dans l'éducation des filles et des fils, 1872) et des traductions de Télémaque, du Code civil français ou de Montesquieu). Ses idées d'avant-garde, tant dans les domaines juridique, politique, social, littéraire que dans la définition nouvelle d'une nation égyptienne, ont eu une influence considérable sur l'esprit de ses contemporains et ont marqué la pensée égyptienne tout au long du XIXe s.

Tahureau (Jacques)

Écrivain français (Le Mans 1527 – v. 1555).

Il prit part aux guerres d'Italie ; de retour en France, il se lia d'amitié avec J.-A. de Baïf et se familiarisa, grâce à ce dernier, avec la doctrine et la pratique de la jeune école de la Pléiade. Il mourut l'année même de son mariage, en 1555. Il avait, en 1554, édité un recueil de poèmes pétrarquisants, les Sonnets, Odes et Mignardises amoureuses de l'Admirée. Mais ce sont les Dialogues, publiés après sa mort en 1565, qui constituent la part de son œuvre la plus originale. S'inspirant du philosophe grec Démocrite, il s'y livre, au nom de la raison, à une critique systématique et impitoyable de toutes les « folies » humaines : après celle de l'amour (à quoi est consacrée la plus grande partie du Premier Dialogue) vient celle des diverses impostures dont se sont rendus coupables au cours de l'Histoire les nobles, les hommes de loi, les médecins, les astrologues, les alchimistes, et, pour finir, ceux qu'il appelle les « forgerons de dieux », c'est-à-dire les fondateurs des différentes religions.

Taiheiki
(Chronique de la grande paix)

Récit guerrier qui relate les troubles et les guerres civiles que connut le Japon de 1318 à 1367. La chronique historique et morale s'y enrichit de nombreuses références littéraires japonaises et chinoises. Achevés sans doute vers 1372, les quarante volumes subsistants sont vraisemblablement l'œuvre de plusieurs auteurs. Décrivant un monde plongé dans la violence et le chaos, cette œuvre qui impose la vision d'un nouveau type de guerrier, trouvant son accomplissement dans la mort, fut diffusée dans tout le Japon par des conteurs et exerça une profonde influence sur la culture de l'époque d'Edo.

Tailhade (Laurent)

Écrivain français (Tarbes 1854 – Combs-la-Ville 1919).

Poète de la mouvance symboliste, il en illustre les tendances anarchistes et la violence satirique. Après des débuts parnassiens qui lui valent les encouragements de Théodore de Banville (le Jardin des rêves, 1880), il se rapproche des milieux décadents et symbolistes, fréquentant Cros, Verlaine, Barrès et Moréas. Il crée le scandale par ses œuvres polémiques, où il met à l'épreuve son goût des sonorités et de l'invective : Au pays du mufle (1891) – le mufle, c'est le bourgeois – est salué par Mallarmé ; il exploite le même filon, qu'il s'agisse de vers ou de prose, avec À travers les groins (1899), Imbéciles et Gredins (1900), où il attaque violemment tous les antidreyfusards, et Dix-Huit Ballades familières pour exaspérer le mufle (1904). Ses pamphlets en vers ont été réunis dans les Poèmes aristophanesques en 1904. En 1893, Tailhade s'écrie au cours d'un banquet littéraire, le soir de l'attentat de Vaillant (1893) : « Qu'importent les victimes, si le geste est beau ! Qu'importe la mort de vagues humanités, si par elle s'affirme l'individu ! » Cette apologie de la violence choque considérablement, et elle n'empêchera pas son auteur d'être lui-même gravement blessé, peu de temps après, lors de l'attentat anarchiste du restaurant Foyot (1894) : il persiste dans sa défense de l'anarchisme (il sera condamné pour provocation au meurtre lors de la visite du tsar en 1901). Ce goût du scandale ainsi que son anticléricalisme lui valent, avec quelques duels, la célébrité. À côté d'une activité intense et polémique de journaliste, il s'emploie à traduire Pétrone (le Satiricon, 1902) et Plaute (Trois Comédies, 1905 ; la Farce de la marmite, 1909). Il finira, à la fin de sa vie, par renier l'anarchie pour l'ordre et la foi (Un monde qui finit, 1910 ; Quelques Fantômes de jadis, 1919). En dépit d'une œuvre poétique variée (Poèmes élégiaques, 1907 ; Plâtres et Marbres, 1913) où jouent subtilement l'héritage parnassien, l'imaginaire et les rythmes symbolistes, Tailhade demeure à la postérité pour la violence de son verbe pamphlétaire.