Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
G

Grundtvig (Nikolai Frederik Severin)

Écrivain danois (Udby 1783 – Copenhague 1872).

Fils de pasteur, il étudie la théologie, s'intéresse au romantisme. Il entrevoit une carrière littéraire, mais une violente crise de conscience le pousse à prendre la succession de son père. Essayant de concilier les croyances de ses lointains ancêtres, les Vikings, et la foi paternelle, il publie des études sur la Mythologie des pays nordiques (1808-1832). Il traduit en danois la chronique de Saxo, le Heimskringla de Snorri. À la fois profondément croyant et patriote (Roskilde-Rim, en 1812, histoire versifiée du Danemark), il exalte « l'esprit héroïque du Nord ». Ses doutes personnels s'expriment dans ses poèmes (Nuit de Nouvel An, 1811). Il a exercé une influence profonde par sa prédication (il devint, en 1861, évêque de Själland), par l'idée qu'il lança (1844) des « hautes écoles populaires » pour l'éducation des adultes et par la religiosité de ses Chants pour l'Église danoise (1837-1841).

Gryphius (Andreas Greif, dit Andreas)

Écrivain allemand (Glogau 1616 – id. 1664).

Poète, il exprime la vanité du monde et une foi protestante inébranlable dans Pensées au cimetière (1657). Ses comédies vont de la satire (Absurda Comica, 1657) au burlesque (Horribilicribrifax, 1663). Ses tragédies, inspirées de Van den Vondel et du théâtre jésuite, empruntent leurs sujets à l'histoire (Leo Armenius, 1650) ou à l'actualité (la Majesté assassinée ou Carolus Stuardus, 1649) et joignent à une philosophie stoïque l'acceptation chrétienne du martyr (Catherine de Georgie, 1651). Avec Cardenio et Célinde (1657), il a traité, pour la première fois, un sujet bourgeois, dans le grand style baroque.

Gu Cheng

Poète chinois (1956 – 1993).

Fils d'un poète officiel de l'Armée, qu'il accompagne cinq ans durant dans sa déportation au Shandong (1969-1974), il est durablement traumatisé par la Révolution culturelle. Désespoir et hermétisme font de cet « enfant du tourment » l'un des représentants, avec Bei Dao, de la « poésie obscure ». Il se suicidera en exil, après avoir tué sa femme, elle aussi poète.

guarani (littérature)

Le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay composent pour l'essentiel le territoire des Indiens Guaranis. Aujourd'hui réduits à quelque 6 000 individus, ceux-ci sont dispersés en de petites communautés d'agriculteurs. Réfractaires à toute forme d'intégration au monde blanc, ils conservèrent longtemps un silence farouche autour de leurs croyances et traditions orales. Les premiers recueils de mythes, contes et prières datent du XVIe siècle et sont dus aux missionnaires jésuites. Le corpus mythologique, d'une relative pauvreté en regard de celui des autres populations indiennes d'Amérique, est composé de trois mythes que l'on retrouve dans des versions différentes sur presque tout le territoire amérindien : le mythe des jumeaux, le mythe d'origine du feu et celui du déluge universel. Si des divergences existent entre les récits recueillis chez les Mbyá-Guaranis, chez les Ava-Guaranis ou Chiripás, chez les Tupinambas ou chez les Apapokuvás, tous s'ordonnent autour des mêmes schémas : l'inceste, tabou majeur commis par deux des habitants de la première terre, va déclencher le déluge universel qui mettra fin à ce premier monde. Les premiers habitants de la nouvelle terre sont le futur soleil et la future lune ; tous deux fils de l'épouse du grand dieu, mais de père différent, ils connaîtront une longue suite de mésaventures tragiques ou comiques avant de rejoindre leur père au firmament. La possession du feu, privilège qui distingue l'homme de l'animal, constitue la phase finale de l'émergence de l'actuelle humanité. Si tous les Indiens sont à même de raconter les mythes propres à leur tribu, seuls quelques sages sont les détenteurs respectés des prières, invocations et chants magiques nécessaires à la célébration des événements de la vie des Guaranis. Migrations religieuses, jeûnes, hymnes et invocations, toutes les pratiques et toute la pensée du monde religieux des Guaranis sont dominées par la soif de franchir l'espace qui sépare l'homme des dieux, le terrestre du divin.

Guare (John)

Dramaturge américain (New York 1958).

Les pièces de John Guare traitent des relations familiales sur un mode farcesque, parfois même cruel. Après des études à la Yale School of Drama, il devient une figure du théâtre off-off-Broadway en 1964, avec À Wally Pantoni, nous laissons une étagère. Mouzika lui vaut un Obie Award en 1968. La Maison des feuilles bleues (1971) s'inspire d'éléments autobiographiques (son enfance catholique). Dans Six Degrés de séparation, un artiste devient escroc et se fait passer pour le fils de Sidney Poitier. Des adaptations cinématographiques et des comédies musicales complètent l'œuvre de ce dramaturge.

Guareschi (Giovanni)

Journaliste et écrivain italien (Parme 1908 – Cervia 1968).

Romancier humoriste (l'Extravagante Mademoiselle Troll, 1942 ; À la milanaise ; Mon petit monde à moi, 1948), il créa en 1948 le personnage de Don Camillo (le Petit Monde de Don Camillo ; Don Camillo et Peppone), dont les aventures furent transposées au cinéma.

Guarini (Giovan Battista)

Écrivain italien (Ferrare 1538 – Venise 1612).

Diplomate et courtisan à la cour de Ferrare, on lui doit de nombreux poèmes (Rimes, 1598), des essais (Précis de poésie tragi-comique,1599) et une comédie (l'Hydropique, 1584). Sa fable pastorale en 5 actes et en vers, le Berger fidèle (1589), fut l'un des modèles de la poésie baroque. Inspirée de l'Amyntas du Tasse, elle narre les amours contrariées de Mirtil et Amaryllis, de Silvio et Dorinda, puis leur heureux dénouement selon le schéma classique de la tragi-comédie.

Guatemala

Le Guatemala, où la première imprimerie est installée en 1660, accède à l'indépendance en 1821 et devient politiquement autonome en 1839. S'il n'y a pas de véritable littérature nationale avant 1821, deux grands noms des lettres de la période coloniale émergent : l'historien-poète Francisco de Fuentes y Guzmán (1643-1700) et, surtout, le jésuite Rafael Landívar (1731-1793). Le premier poète à s'illustrer après l'indépendance est J. Batres y Montufar (1809-1844), auteur néoclassique des Traditions du Guatemala. A. J. de Irisarri (1786-1868) peut être considéré comme le père du roman guatémaltèque (Historia del Perínclito Epaminondas del Cauca, 1863).

   Le romantisme n'apparaît que tardivement : en poésie, Juan Diéguez est surtout un imitateur de V. Hugo. Le roman est mieux représenté, grâce au Visiteur (1867) de José Milla. Ce n'est qu'avec le modernisme qu'apparaissent les véritables créateurs, comme le poète M. Soto Hall (Dans l'attente, 1910). Le grand nom de la nouvelle école est celui de E. Gómez Carrillo (1873-1927), auteur de chroniques vivantes et colorées, au style rapide et élégant.

   Les vingt premières années du XXe siècle sont marquées par la féroce dictature d'Estrada Cabrera, modèle du Monsieur le Président (1946) d'Asturias. Le seul roman d'envergure qui échappe à la censure est l'Homme qui ressemblait à un cheval (1915) de R. Arévalo Martínez. Après 1920, date de la chute du dictateur, le Guatemala s'ouvre aux influences extérieures, en particulier celle de la révolution mexicaine. Les jeunes gens de la bourgeoisie voyagent en Europe et sont initiés aux grands courants littéraires de l'époque. Apparaît alors « la génération de 1920 », dont font partie les deux plus grandes figures du Guatemala contemporain, l'essayiste et poète L. Cardoza y Aragón et M. Á. Asturias. Ces deux noms ne doivent pas occulter ceux d'autres écrivains, en général réunis autour de la revue Ensayo : Flavio Herrera (1892-1968), Carlos Wild Ospina (1891-1956). La nouvelle est représentée par Carlos Samayoa Chinchilla (Mère Milpa, 1934), et la poésie, par César Brañas (Vent noir, 1938).

   En 1930, le Guatemala subit la crise économique mondiale, provoquant le retour des « Européens » comme Asturias, et une nouvelle dictature (J. Ubico). Un nouveau mouvement apparaît, les Tepeus, sous l'égide de M. Mariscovétere y Durán, qui fonde la revue Proa, où écrivent le poète F. Méndez et le romancier R. Santa Cruz. L'opposition à la dictature se cristallise dans le groupe Acento, dont certains membres, comme Otto R. González ou Carlos Illescas, fonderont deux ans après la chute d'Ubico (1944) un nouveau groupe, Saker-Tí, qui s'illustra tout au long de la seule décennie (1944-1954) démocratique de l'histoire du pays, période florissante pour les lettres : Monsieur le Président et Hommes de maïs d'Asturias paraissent, ainsi que Ecce Pericles d'Arévalo Martínez, Entre la pierre et la croix de M. Monteforte Toledo. L. Cardoza y Aragón, auteur du célèbre essai Guatemala, les lignes de sa main, dirige la Revista de Guatemala.

   À partir de 1954, de nombreux écrivains doivent s'exiler, tels Asturias, A. Monterosso ou Otto René Castillo. Ce dernier, rentré dans son pays, torturé et mis à mort, est devenu une sorte de poète mythique pour les Guatémaltèques. Dans le désert des années 1960, on trouve quelques poètes de premier plan, comme Roberto Obregón, assassiné lui aussi, auteur de El aprendíz de profeta (1967), et Arquelez Morales (La rosa perseguida, 1960), ainsi que le dramaturge Manuel José Arce. Les lettres connaissent une certaine renaissance dans les années 1970, surtout après la parution de Los compañeros (1976) de Marco A. Flores ; les nouvelles tendances semblent se caractériser par une recherche expressive fondée sur l'étude du langage populaire. Mais, aujourd'hui encore, les exilés sont nombreux, tel le romancier et nouvelliste Rodrigo Rey Rosa (le Projet, 1991 ; Un rêve en forêt, 1997).