Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

Brussolo (Serge)

Écrivain français (Paris 1951).

Salué comme l'un des grands de la science-fiction française dès 1980, il subvertit le roman policier grâce à ses thèmes de prédilection : le fantastique quotidien, les êtres marginalisés, les lieux maléfiques, la peur, la folie (le Nuisible, 1982 ; la Maison vénéneuse, 1985 ; la Route obscure). Il s'est aussi essayé au thriller historique (le Labyrinthe de Pharaon, 1998 ; le Manoir des sortilèges, 1999).

Brutus (Dennis)

Poète sud-africain d'expression anglaise (Salisbury, Rhodésie, 1924).

Il est l'un des plus représentatifs des poètes sud-africains de couleur. Ses nombreux démêlés avec les autorités gouvernementales et policières lui valurent un séjour au camp de détention de Robben Island. Réfugié aux États-Unis, il y enseigne la littérature ; il a publié plusieurs recueils de poèmes : Sirènes, coups de poing, bottes (1963) ; Lettres à Martha (1969) ; Poèmes d'Alger (1970) ; Pensées d'ailleurs (1970), paru sous le pseudonyme de John Bruin ; Tensions (1975) ; Espoir têtu (1979).

Bryce Echenique (Alfredo)

Écrivain péruvien (Lima 1939).

Résidant à Paris, il a publié en 1968 un recueil de nouvelles : Je suis le roi, évocations nostalgiques de son pays natal. Avec son roman Julius (1970), il obtint en 1974 le prix français du meilleur livre étranger. Ses récits et ses nombreux romans (la Vie exagérée de Martín Romaña, 1981 ; l'Homme qui parlait d'Octavia de Cadix, 1985 ; Deux Dames bavardent, 1990) font de lui un grand représentant du réalisme « urbain » et social, et un des écrivains majeurs du domaine latino-américain.

Bryl (Ianka Antonovitch)

Écrivain biélorusse (Odessa 1917– Bélarus 2006).

Établi en Biélorussie polonaise, il connaît la clandestinité, les camps nazis, et dénonce dans ses premiers récits le fascisme et la misère rurale. Ayant consacré à la collectivisation des essais lyriques et des nouvelles (Croquis kolkhoziens, Aube à Zabolotié, 1950), il entreprend d'en critiquer les abus et les injustices (l'Erreur, Sur la Bystrianka, 1954), se penche sur les luttes de libération du passé (Désarroi, 1959 ; l'Aube entrevue, 1979) et retrace dans le roman autobiographique Oiseaux et Nids (1964) l'itinéraire d'un intellectuel pacifiste.

Bsisu (Muin)

Poète et dramaturge palestinien (Gaza 1930 – Londres 1984).

Après des études en Égypte (1948-1952), il enseigna à Gaza, milita et fut longtemps emprisonné (1955-1958 ; 1959-1963) ; il créa la radio palestinienne et occupa de hautes fonctions dans l'Organisation de libération de la Palestine. Il a laissé de nombreux recueils d'une poésie militante (la Palestine au cœur, 1958 ; Les arbres meurent debout, 1966) et plusieurs pièces de théâtre (Œuvres théâtrales, 1979).

Buchanan (George)

Poète écossais de langue latine (près de Killearn, comté de Stirling, 1506 – Édimbourg 1582).

Fixé sur le continent de 1520 à 1561, Buchanan étudie puis enseigne en France (il sera le professeur de Montaigne) et se lie avec les poètes de la Pléiade. Il séjournera aussi au Portugal puis en l'Italie. De retour en Écosse, il se met au service de Marie Stuart et joue un rôle politique déterminant. Ses Opera, sans cesse réédités (odes, épigrammes, tragédies), lui ont valu l'admiration de l'Europe entière qui l'a salué comme le « Prince des poètes ».

Büchner (Georg)

Écrivain allemand (Goddelau, près de Darmstadt, 1813 – Zurich 1837).

Fils de médecin, il étudie la médecine et la neurophysiologie à Strasbourg (1831-1833), puis à Giessen ; c'est là qu'il entre en contact avec les libéraux hessois, fonde clandestinement une « Société des droits de l'homme » et cherche à soulever la population. Il rédige, imprime et distribue des tracts clandestins sur le thème : « Paix aux chaumières, guerre aux châteaux ! » (le Messager de Hesse, 1834). Menacé d'arrestation, il se réfugie en Alsace, termine ses études à l'université de Strasbourg, puis s'établit, à la fin de 1836, à Zurich. Il meurt du typhus, à l'âge de 23 ans. Büchner doit à sa formation scientifique d'avoir rompu avec l'idéalisme. Il regarde le grouillement des humains comme on observe des infusoires au microscope ou un théâtre de marionnettes dont on aperçoit les fils. Passionné de justice sociale, il est un révolté qui entend devenir un révolutionnaire, agir sur la société pour la transformer. Il est rationaliste, positiviste, matérialiste et athée. Ses tableaux sociaux sont des planches d'anatomie crues, cruelles, dramatiques. Mais lui-même est infiniment tendre : « Le plus humble des êtres humains est si grand que l'existence entière ne suffit pas à le combler d'amour. » Seul son drame la Mort de Danton (écrit en 1834) fut publié de son vivant. Il a laissé également une comédie, Léonce et Léna, une nouvelle (Lenz, 1839) et un drame inachevé, Woyzeck, qui n'a été publié qu'en 1879 et représenté en 1913 (cent ans après la naissance de son auteur). Ignoré par son siècle, mais reconnu aujourd'hui comme un des écrivains majeurs de l'Allemagne, son nom a été donné au prix littéraire le plus réputé de la R.F.A.

La Mort de Danton, drame en 4 actes : écrite en quelques semaines, cette pièce paraît en 1835, mais ne sera représentée qu'en 1902. Même si les personnages, les événements et même certains passages de discours sont tirés des œuvres d'A. Thiers et de Mignet, ce n'est pas une pièce historique. En une suite rapide de scènes de rue, de prison, d'assemblée, de prétoire, de salon et de boudoir, c'est le tableau d'une époque troublée et le face-à-face de deux protagonistes de la Révolution au moment où celle-ci tourne contre elle-même sa puissance destructrice et, tel Chronos, dévore ses propres enfants : Danton, qui voulait faire la Révolution au nom du bonheur, et Robespierre, qui la faisait au nom de la vertu. Danton a déjà pris conscience de l'inanité de ses efforts ; malgré quelques sursauts de révolte, il apparaît passif, avide seulement de plaisir et de repos. Robespierre, lui, est encore prisonnier de la dynamique révolutionnaire. La Révolution tue ceux qui croyaient la faire, alors qu'ils étaient faits par elle, et poursuit sa course folle, mue par un moteur plus puissant que toutes les théories : la misère et la faim. Vers quel avenir ? En ne proposant aucune réponse, la Mort de Danton est bien le drame du nihilisme historique pur.

Woyzeck, drame. Écrit en 1836, resté inachevé. À partir d'un fait divers réel des années 1820, Büchner décrit, en une suite discontinue de scènes, la triste existence et la fin lamentable du soldat Franz Woyzeck. C'est un pauvre diable : âme simple et confiante, mais esprit faible et instable. Il est la cible désignée de tous les coups du sort : sa femme le trompe, son capitaine l'humilie et le médecin l'utilise pour des expériences absurdes. Il finit par tuer sa femme avant de trouver la mort à son tour. Qui est Woyzeck ? Est-ce un criminel, responsable de ses actes, ou une victime de la méchanceté du monde et de sa propre folie ? Cette pièce désespérée sur la solitude et la détresse humaine n'a cessé d'exercer une grande fascination depuis qu'elle a été redécouverte, une fascination que l'opéra d'Alban Berg (Wozzeck, 1925) a perpétuée par d'autres moyens.