Qabbani
Lignée d'écrivains syriens.
Ahmad Abû Khalîl (Damas 1836 – id. 1902) a été l'un des premiers dramaturges arabes. Il fonda avec Iskandar Farah à Damas la première troupe théâtrale et composa des pièces inspirées des contes et du patrimoine arabe ancien (l'Ingrat, Ruses de femmes, 'Afîfa, Hârûn al-Rachîd et Uns al-Jalîs, 'Antar Ibn Chaddâd) ainsi que des adaptations (Mithridate). La réaction religieuse lui fit fermer son théâtre (1884). Il émigra alors avec sa troupe en Égypte.
Nizâr (Damas 1923 – 1998) a abandonné une brillante carrière diplomatique pour se consacrer à l'édition (il a fondé une maison d'édition à Beyrouth, en 1966) et à la poésie. Ses œuvres, d'inspiration élégiaque, très novatrices dans la forme, traitent de problèmes sociaux et de préoccupations quotidiennes (La brune m'a dit, 1942 ; Poèmes, 1956 ; le Livre de l'amour, 1970 ; Tu es à moi ; Samba ; Chérie ; Poèmes hors la loi, 1972 ; À Beyrouth, avec mon amour, 1976 ; Poème de Balqîs, 1982 ; En marge des marges, 1992). Peu respectueux des tabous de la société (sa première œuvre fit scandale), et n'hésitant pas à prendre violemment parti sur des problèmes brûlants (la défaite de 1967, les divisions interarabes, les régimes policiers), Nizâr Qabbânî est l'un des poètes les plus populaires du monde arabe.
Qaid (Yusuf al-)
Romancier et journaliste égyptien (al-Dahriyya 1944).
Son œuvre, où la dimension politique est toujours présente, se fait tout particulièrement l'écho des problèmes sociaux dans la campagne égyptienne, qu'elle traite avec un humour amer (le Deuil, 1969 ; Nouvelles de la ferme d'al-Manîsî, 1971 ; Ce qui se passe en Égypte actuellement, 1977 ; la Guerre en terre d'Egypte, 1978 ; Histoires du temps blessé, 1980 ; Plaintes de l'Égyptien éloquent, 3 vol., 1981-1985 ; les Cœurs purs, 1988 ; Qui a peur de Camp David ?, 1993).
qasida
Nom donné, en arabe, à un poème relativement long, et surtout à la vieille ode préislamique, longtemps considérée comme la forme parfaite de la poésie. Monorime, la qasida comporte en moyenne une cinquantaine de vers, voire plus (une centaine de vers par exemple pour la mu'allaqa de Tarafa), et se déroule généralement en trois séquences : la déploration sur le campement abandonné par la bien-aimée et sa tribu, des thèmes descriptifs, à propos de la monture du poète ou des choses vues durant le voyage, enfin le panégyrique du groupe et la satire des ennemis. La qasida, peu à peu oubliée, sauf chez les poètes de tradition classique, peut être néanmoins considérée comme la source de plusieurs formes poétiques ultérieures nées du développement de ses thèmes (ghazal ou poésie amoureuse). Elle reste aussi, pour les lexicographes arabes, un irremplaçable document de la vieille langue bédouine.
Qasim (Samih al-)
Poète palestinien (al-Zarqâ', près de Safad, 1939).
Fils d'un officier, il vécut à al-Jalîl, termina ses études secondaires à al-Nâsira, puis renonça à une carrière dans l'enseignement après la parution de son deuxième recueil (Chansons de route, 1964), amputé par la censure. Musulman, druze, homme de gauche, très engagé dans la défense de la cause palestinienne, il a été emprisonné à deux reprises (1961 et 1967), puis assigné à résidence à Haïfa. On lui doit de nombreux recueils : Cortèges du soleil (1958), Chansons de route (1964), Iram (1965), Mon sang sur la paume (1967), la Chute des masques (1968), Fumée de volcans (1968), Voyage dans les caveaux déserts (1969), En attendant l'oiseau du tonnerre (1969), Coran de mort et de jasmin (1971), Persona non grata (1986).
Q'azbegi (Tchopika'achvili Aleksandre Mixeilis dze, dit Aleksandre)
Écrivain géorgien (St'epants'minda 1848 – Tiflis 1893).
Apparenté à la famille royale par sa mère, il fut dans l'enfance profondément marqué par les récits de sa nourrice, Nino. À la mort de son père, il partit étudier à Moscou, où il multiplia les aventures amoureuses et attrapa la syphilis dont il devait mourir vingt ans plus tard, paralysé, seul, enfermé à l'hôpital des fous. De retour en Géorgie, il se fit berger, dans l'incompréhension générale, pour partager la vie des montagnards qui le fascinait, vibrant aux souvenirs d'un temps où le servage n'existait pas encore et aux exploits de Chamyl. Rejeté, il s'essaya sans succès au commerce sur la Route Militaire, y ouvrant d'abord un débit d'alcools et d'épices, y improvisant ensuite un transport de bétail pour ravitailler l'armée russe de Turquie. Son théâtre (Arsena, 1882 ; le Martyre de la reine Ketevan, 1883) n'ayant aucun succès, il trouva sa voie dans des récits mettant en scène des montagnards livrant un combat inégal aux fonctionnaires russes, souvent secondés par des collaborateurs indigènes, osses de préférence, dans leurs sordides exactions. Elgudja (1881), la Parricide, Eliso (1882), Gotcha, le chef de la vallée (1884), qui parurent tous d'abord en feuilleton, certains feuillets écrits à la hâte à l'imprimerie même, sont à l'origine du roman réaliste géorgien.
Qazwini (Zakariyya ibn Muhammad al-)
Écrivain arabe (vers 1203-1283).
Il est l'auteur de deux ouvrages, l'un géographique et l'autre cosmographique. La géographie est organisée selon la vieille tradition ptoléméenne. Quant à la cosmographie, elle traite de l'ensemble du monde céleste et terrestre, de ses composantes animales, végétales et minérales. Le « merveilleux » ('adja'ib), que l'on retrouve souvent dans la littérature narrative médiévale, y occupe une place de choix.
qenê
Genre poétique éthiopien.
Le terme, qui renvoie à une racine trilitère q n y, connote l'idée de chant plus que celle de poésie ; la traduction par « hymne » est peu satisfaisante. Il s'agit en fait d'une brève pièce de vers qui est un des constituants de l'office chrétien. On trouvera peut-être des antécédents du genre qenê dans d'autres civilisations du Proche-Orient, mais le développement qu'il a pris dans la culture éthiopienne est tout à fait original. La langue du qenê est le guèze, comme il en est de tous les textes récités ou chantés dans la liturgie chrétienne. Cependant, on s'est mis par la suite à composer des qenê en langue amharique, mais il s'agit d'une imitation qui s'éloigne du modèle original liturgique.
L'étude de la composition des qenê est un des sommets de l'étude de la langue guèze, à la fois rhétorique et versification. Le qenê est le genre chéri des érudits éthiopiens par sa beauté, sa richesse et sa difficulté. Les Éthiopiens distinguent une douzaine de types de qenê de 2 à 11 vers monorimes. Chacun de ces types a un nom qui lui est propre. En outre, le qenê peut être dit « simple » ou « cire et or », c'est-à-dire « équivoqué » : ce dernier utilise dans une rigoureuse composition une concaténation des métaphores ou d'équivalences qui aident à construire deux significations parallèles dont l'une, « l'or », est camouflée par l'autre, « la cire ». La « cire » se réfère toujours à quelque récit des Écritures, mais « l'or » fait allusion à des faits contemporains, que parfois l'autorité a cherché à étouffer. C'est là le tour de force : la liberté d'expression s'y manifeste pleinement. Un chroniqueur éthiopien relève, au XVIe s., que c'est « l'usage des prêtres d'Éthiopie de chanter dans l'église des hymnes rappelant les exploits du roi de l'époque ».
C'est ainsi que, dans l'Histoire du roi Sars'a Dengel, le chroniqueur relate comment, le jour de Pâques 1588, un certain Zaparâqlit'os chanta en présence du roi le qenê et'âna mogar suivant : « Le thaumaturge Moïse au début de la fête des Azymes / fit engloutir les Égyptiens dans la mer Rouge / et libéra de l'esclavage les esclaves de Pharaon. / Le Christ, en se livrant en sacrifice pour nous tous / a fortifié notre espérance par la résurrection du premier-né des morts / et l'Ange de la mort resta au fond du Schéol. / C'est pourquoi Sars'a Dengel a été gratifié de l'ornement de sa Pâque de lumière, / celui qui s'est dressé contre toi (est) semblable à Adêr le Satan / et semblable à Sâmi l'Ennemi, / celui qui a aimé les rocs on l'a couvert de rocs, / il avait choisi les rocs pour son refuge. » Cette pièce de 11 vers se divise en deux parties. Dans les six premiers vers, l'auteur insère son poème dans la liturgie du dimanche de la Résurrection en remémorant successivement la Pâque chrétienne. Après ce rappel parfaitement clair, voici l'allusion, en cinq vers, aux faits contemporains : de même que les ennemis des Juifs ont été détruits, l'ennemi de Sars'a Dengel a péri entre ses mains ; c'est là « sa Pâque de lumière », qui confirme l'espérance de vie éternelle et de défaite du démon portée par le Christ. En effet, la veille, on avait apporté au négus la tête coupée du rebelle tigréen Wad Ezum : ainsi cet ennemi démoniaque est retourné au Schéol. Le rebelle avait été tué alors qu'il s'enfuyait du sommet où il s'était réfugié pour un autre sommet plus fort. Par ordre du roi, sa tête avait été lapidée. Ainsi, il avait aimé les rochers, s'était réfugié dans les rochers et on l'avait couvert de pierres, lui faisant de celles-ci un dernier abri.
Antoine d'Abbadie décrit dans un article du Correspondant (1868) comment se situait le qenê du jour dans la liturgie chrétienne : « Dans toute église bien servie, les paroles rimées de chaque hymne doivent être composées pour chaque fête. Les douze däbtärä de la fabrique y signalent leur piété, leur savoir et surtout leur esprit. C'est dans des hymnes savamment parsemées de doubles sens qu'on critique l'évêque, qu'on donne des leçons au chef des moines et même des avertissements politiques au souverain. En rappelant un acte de tel personnage de l'Ancien Testament, on trouve moyen de faire la police de la ville, de louer un mécène qu'on attend ce jour-là à l'office, ou même au besoin de satisfaire une rancune particulière. Quand un däbtärä s'avance dans le chœur pour dire à voix basse au principal chanteur l'hymne qu'il vient de composer et qu'il doit toujours savoir par cœur, ses collègues se groupent autour de lui, cherchent à devancer le sens ou la rime, fouillent la phrase pour en extraire le double sens ; et, quel que soit le résultat, ils se hâtent toujours de féliciter l'heureux auteur. » Les savants éthiopiens, s'étant de longue date constitué des collections manuscrites des plus beaux qenê, assurèrent leur transmission jusqu'à nos jours, même si, pour certains d'entre eux, les allusions aux faits contemporains sont devenues obscures. Au XIXe s., la correspondance du Dabtarâ Assaggâkhagn nous livre des qenê en langue guèze, de caractère profane : deux en l'honneur du consul anglais Cameron emprisonné par l'empereur Théodore et un troisième à la gloire de son correspondant Antoine d'Abbadie. Grande, en effet, était la tentation de composer des qenê profanes en langue amharique. Beaucoup de poètes s'y sont essayés avec succès. Leurs œuvres ont été chantées, apprises, notées, recopiées, et appréciées par les fins connaisseurs du genre.