Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
G

Gomes (Soeiro Pereira)

Écrivain portugais (Baião 1909 – Lisbonne 1949).

L'unique roman publié de son vivant (Lagunes, 1941) est un classique du néoréalisme portugais. Ses contes et chroniques ont été réunis dans Refuge perdu (1950).

Gomes Leal (António Duarte)

Écrivain portugais (Lisbonne 1848 – id. 1921).

Feuilletoniste célèbre (Ténèbres, 1869) et satiriste, il évolua après une crise religieuse du romantisme (Clarté du sud, 1875) au symbolisme (la Faim de Camões, 1880).

Gomez de Avellaneda (Gertrudis)

Femme de lettres hispano-cubaine (Puerto Príncipe, Cuba, 1814 – Madrid 1873).

Un romantisme idéaliste et tendre inspire son lyrisme (Poésies, 1841) mais aussi ses romans (Sab, 1841 ; Guatimozín, 1846), ses contes (l'Artiste batelier, 1861), ses drames (Saul, 1846) et ses comédies (la Fille des fleurs, 1852). Sa poésie est très souvent d'inspiration religieuse (le Livre de prières, 1867). Elle laissa des Mémoires (publiés en 1914) et une abondante correspondance.

Gomez de La Serna (Ramón)

Écrivain espagnol (Madrid 1888 – Buenos Aires 1963).

L'humour est la tonalité essentielle d'une œuvre abondante marquée par une curiosité quasi ethnologique pour sa ville natale (le Marché aux puces, 1915 ; le Café de Pombo, 1918) et un style impressionniste, éclaté, pictural (le Docteur invraisemblable, 1914-1921 ; la Femme d'ambre, 1927 ; le Romancier, 1924-1946). Il inventa la greguería, baptisée « criaillerie » par son ami Valery Larbaud, courte observation piquante donnant, sous forme d'aphorisme, une image caricaturale des êtres et des choses. On peut citer, comme l'un des exemples les plus représentatifs de ses greguerías, « la première chose qui pousse au printemps, ce sont les lettres d'amour ». D'une vitalité exubérante, cet écrivain intarissable, dont l'ambition était de définir l'indéfinissable et d'exprimer l'inexprimable, contribua à faire connaître à Madrid les tendances artistiques et littéraires de l'Europe et de l'Amérique (Ismos, 1931 ; Portraits contemporains, 1945).

Gonçalves de Magalhães (Domingos José)

Écrivain brésilien (Rio de Janeiro 1811 – Rome 1882).

Fondateur à Paris de la revue Niterói (1836), il y lança le manifeste du romantisme brésilien, illustré par ses Soupirs poétiques et nostalgies (1836).

Gonçalves Dias (Antônio)

Écrivain brésilien (Caxias, Maranhão, 1823 – dans un naufrage 1864).

Son œuvre de poète, d'historien et de philologue porte le double signe de sa culture européenne et de sa naissance (sa mère était métisse de Noir et d'Indien). Auteur d'un dictionnaire de la langue tupi (1858), il évolua dans sa poésie du romantisme des Premiers Chants (1846) au meilleur de l'indianisme, avec l'épopée inachevée les Timbiras (1857) et le poème I Juca Pirama (« qui est digne de mourir », en tupi).

Goncourt (Edmond et Jules Huot de)

1003926| Écrivains français : Edmond (Nancy 1822 – Champrosay 1896) et Jules (Paris 1830 – id. 1870).

Célèbres aujourd'hui parce qu'une académie et un prix littéraire portent leur nom, les frères Goncourt ont atteint la notoriété sans jamais parvenir au véritable succès. Leur nom est lié à la « bataille réaliste » et à la naissance du naturalisme ; leurs romans et leurs préfaces les plaçaient au centre des préoccupations esthétiques de l'époque, bien qu'ils n'eussent que peu de lecteurs. Leur Journal, célèbre pour son acidité et ses accès de mauvaise foi, reste une mine de renseignements sur la vie littéraire et artistique de leur temps.

   Les Goncourt ont composé une œuvre, qui est le fruit d'une étroite et constante collaboration fraternelle. En 18.. paraît en 1851 et passe totalement inaperçu. L'activité des Goncourt se répartit alors entre le journalisme (à l'Éclair et au Paris) et la rédaction d'articles et de travaux historiques. Passionnés par la vie de cour, la société et l'art du XVIIIe s., ils en écrivent l'histoire anecdotique, en tentant de redonner vie au passé. Ils publient successivement une Histoire de la société française pendant la Révolution (1854), une Histoire de la société française pendant le Directoire (1855), l'Histoire de Marie-Antoinette (1858) et la Femme au XVIIIe siècle (1862). « Bibelotiers », ils courent les antiquaires et les galeries, achètent dessins et aquarelles de peintres alors assez peu prisés : Chardin, Boucher, Watteau. Ils accumulent les meubles, les bronzes, les livres. Le tout sera décrit par Edmond en 1882 dans la Maison d'un artiste, et la vente de ces collections permettra de doter l'Académie et le prix Goncourt. L'Art au XVIIIe siècle, commencé en 1859, sera publié en 1875, et la monographie sur Gavarni, en 1873. Les Goncourt inaugurent le « japonisme » et se passionnent pour Utamaro ou Hokousaï.

   Dès 1860, ils passent de l'histoire au roman : « L'Histoire est un roman qui a été ; le roman est de l'histoire qui aurait pu être », écrivent-ils en 1861. De leur association naîtront six romans en dix ans : les Hommes de lettres (1860), rebaptisé Charles Demailly, Sœur Philomène (1861), Renée Mauperin (1864), Germinie Lacerteux (1865), Manette Salomon (1867) et Madame Gervaisais (1869). Une tentative au théâtre avec Henriette Maréchal subira en 1865, un échec retentissant.

   Edmond de Goncourt, sept ans après la mort de son frère Jules, se décidera à écrire seul et publiera la Fille Élisa (1877), les Frères Zemganno (1879), la Faustin (1882) et Chérie (1884). Le Journal, commencé en commun le jour du coup d'État de 1851, sera continué par Edmond, qui en publiera, de 1887 à 1896, les parties les moins compromettantes (« la vérité agréable »). Ce n'est qu'en 1956 qu'une édition complète révélera l'ensemble du texte.

   Assidus aux dîners Magny, grands amateurs de discussions et de théories littéraires, les Goncourt prirent place, assez tardivement, dans la mouvance réaliste. Ils ont pu alors utiliser les acquis d'autres écrivains et rassembler des principes épars : l'étude de milieux sociologiquement déterminés (Balzac), la documentation minutieuse (Flaubert), l'intérêt pour les « basses classes » (Champfleury), la volonté scientifique (Taine). Les deux frères tentent, dans chacun de leurs romans, de restituer un univers particulier : les milieux littéraires (Charles Demailly), l'hôpital (Sœur Philomène), la domesticité et le « peuple des barrières » (Germinie Lacerteux). Le réalisme, selon Edmond, implique aussi, s'il veut être cohérent, qu'on décrive « ce qui est élevé, ce qui est joli, ce qui sent bon » et qu'on donne « les aspects des êtres raffinés et des choses riches » – programme qu'il appliquera dans son dernier roman, Chérie. Sociologiques, documentaires, les romans des Goncourt, en effet, se veulent aussi scientifiques. Ils ne le sont véritablement que sous un aspect : la plupart de leurs héros sont des cas pathologiques ; Germinie Lacerteux est une « hystérique », Madame Gervaisais souffre d'une « hypertrophie du sentiment religieux » expliquée par la phtisie. Ils pensaient transcender les sujets vulgaires, qu'ils choisissaient volontairement, par une composition romanesque en rupture avec l'intrigue linéaire et surtout par l'écriture artiste. Les romans des Goncourt appellent les métaphores picturales : habiles à peindre, les deux frères ont composé des suites de tableaux sans grande progression dramatique. « Impressionnistes », « mosaïstes du langage », ils tentèrent de fonder un style fait de notations qui papillotent, visant à rendre les sensations dans leur immédiateté.

Germinie Lacerteux (1865). Plusieurs raisons ont contribué à faire de ce roman la plus célèbre des œuvres des Goncourt. Pour la première fois, notait Zola, on y décrivait « le héros en casquette et l'héroïne en bonnet de linge ». D'autre part, l'histoire de Germinie, fidèle domestique de Mlle de Varandeuil, vieille fille recluse, n'est pas née de l'imagination des deux frères. Augurant des principes du naturalisme, les Goncourt se sont imposé « les études et le devoir de la science ». Ils avaient enquêté dans les quartiers populaires de Paris, projetant un roman qu'Edmond n'écrira que beaucoup plus tard, l'histoire d'une prostituée, la Fille Élisa. Mais, en 1862, Rose Malingre, la domestique qui les sert depuis leur enfance, meurt de tuberculose : ils découvrent alors qu'elle menait une double vie (jeunes amants, alcoolisme, dettes nombreuses). Une fois leur stupéfaction et leur rancœur rétrospective passées, les Goncourt s'inspirent directement de l'histoire de leur servante pour écrire Germinie Lacerteux. L'héroïne y est dépeinte comme un « cas » pathologique, une hystérique victime d'un destin lamentable et de pulsions irrésistibles vers le vice. Les Goncourt revendiquèrent pour leur roman le statut d'œuvre d'avant-garde : sujet inhabituel et choquant, intérêt sociologique, perspective « scientifique », documentation « concrète ». Zola ne reproduira pas cependant la distance que les Goncourt maintiennent si visiblement avec leur sujet, ce dédain d'aristocrates remuant la fange du bout de leur canne.

Le Journal. Écrit par Jules, de 1851 jusqu'en 1870, « sous une dictée à deux », poursuivi par Edmond qui en publia des parties (entre 1887 et 1896), l'ensemble ne parut pas avant 1956. Le soir, « ou au plus tard le lendemain matin » comme le signale la préface de 1891, les deux frères notaient leurs impressions de la journée, les traits d'esprit, les anecdotes, le tout agrémenté de réflexions philosophiques et littéraires et de tableautins « impressionnistes », de portraits souvent peints au vitriol. Se présentant comme des « écrivains des nerfs » (22.12.1868) et définissant à la fois la structure (7.9.1895) et le style (25.2.1866) du roman moderne, les Goncourt nous présentent un témoignage irremplaçable sur le monde littéraire et artistique de la seconde moitié du XIXe siècle.

Renée Mauperin (1864). Renée, jeune fille d'humeur indépendante, incarne un type positif de la femme moderne face à son frère, un jeune viveur, qui mourra dans un duel involontairement provoqué par Renée. Cette œuvre réaliste, qui prétend peindre le monde de la bourgeoisie d'affaires à la fin du second Empire, est aussi un roman autobiographique nourri des souvenirs personnels des deux frères.