Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

Charaknots

Recueil des hymnes religieuses arméniennes, propres aux célébrations liturgiques de chaque jour.

Certaines sont attribuées à des poètes du Ve au XIIIe s., Machtots, Komitas Ier, Stephane Siunétsi, Nersès le Gracieux, etc.

Chardonne (Jacques Boutelleau, dit Jacques)

Écrivain français (Barbezieux, Charente, 1884 – La Frette-sur-Seine 1968).

II se fait connaître en 1921 par l'Épithalame, qui décrit la vie d'un couple en proie au temps qui passe, un temps doucement mais implacablement déchirant. Le thème de son œuvre est donné : Chardonne sera l'analyste du couple. La désagrégation domine aussi le Chant du bienheureux (1927) et les Varais (1929), qui met en parallèle la fin d'un amour et celle d'un domaine. L'auteur dit sans cesse la difficile insertion de l'amour dans le mariage et la fragilité de cet amour face à la force du destin et à la faiblesse des êtres (Éva, 1930 ; Claire, 1931). Le milieu social est encore ce qu'il y a de plus solide, et Chardonne, dans les Destinées sentimentales (1934-1936), fond ses motifs habituels dans la douce lenteur de la vie bourgeoise et provinciale : on ne souffre là que de « maux éternels » et on y respire les vieilles vertus (le Bonheur de Barbezieux, 1938). Cependant, Romanesques (1937), Chimériques (1948) et Vivre à Madère (1953) campent des personnages lucides et désabusés, en quête d'imaginaire. Moraliste, Chardonne fait volontiers le bilan des choses et des êtres (Demi-Jour, 1964 ; Propos comme ça, 1966) : l'écriture, contrairement à l'amour, est « habitable », et « l'art est la revanche de l'imperceptible ».

Charef (Mehdi)

Écrivain et cinéaste algérien de langue française (Maghnia 1952).

Émigré en France en 1962, il a travaillé en usine et connu la « galère ». Son roman le Thé au harem d'Archi Ahmed (1983), tourné en film en 1985 (prix Jean Vigo) et suivi par le Harki de Meriem en 1989 et la Maison d'Alexina en 1999, peut être considéré comme fondateur d'une nouvelle littérature de la « 2e génération de l'immigration ». Il semble cependant se tourner davantage vers le cinéma, avec Miss Mona en 1987 puis Camomille en 1988, Pigeon vole en 1995, Marie-Line en 2000.

Chariton d'Aphrodisias
ou Chariton d'Aphrodise

Écrivain grec (Ier ou IIe s. apr. J.-C.).

Il est l'auteur des Aventures de Chairéas et Callirhoé, le plus ancien roman grec conservé intégralement. En 8 livres, ce récit historique et sentimental, au ton parfois rhétorique, évoque les malheurs d'un couple de jeunes Syracusains du Ve siècle av. J.-C., séparés par la jalousie et de multiples malentendus, et qui se retrouvent, après de nombreuses aventures amoureuses et guerrières, à Babylone.

Charles-Roux (Edmonde)

Romancière française (Neuilly-sur-Seine 1920).

Fille de diplomate, épouse de Gaston Defferre, journaliste, elle fut longtemps rédactrice en chef du journal Vogue. Ses romans (Oublier Palerme, prix Goncourt 1966 ; Elle Adrienne, 1971) et ses récits biographiques sur Chanel (l'Irrégulière, 1974), Don Juan d'Autriche (1980) et Isabelle Eberhardt (deux tomes, 1989 et 1995) brossent le tableau souvent nostalgique d'une aristocratie européenne à l'esthétisme raffiné. Élue à l'Académie Goncourt en 1983.

Charlevoix (François-Xavier de)

Historiographe jésuite français (Saint-Quentin 1682 – La Flèche 1761).

Il fut professeur au collège Louis-le-Grand (1709-1719) et critique littéraire aux Mémoires de Trévoux (1723-1741). Ses ouvrages concernent principalement l'histoire des missions chrétiennes au Japon, au Paraguay, à Saint-Domingue (1731). L'Histoire générale de la Nouvelle-France (1744), suivie du journal de son voyage qui le mena, en 1720-1721, de Québec à la Louisiane en passant par les Grands Lacs et le Mississippi, fut l'une des sources de Chateaubriand.

Charpentier (François)

Écrivain français (1620 – 1702).

Traducteur de Xénophon, il participa activement à la préparation du Dictionnaire de l'Académie française, où il avait été élu dès 1651. Passionné de peinture (Traité de la peinture parlante, Explication des tableaux de la galerie de Versailles, 1684), homme de confiance de Colbert, il fut un partisan des Modernes (Défense de la langue française, 1676) et un adversaire de Boileau. Il participa à la rédaction des Mémoires de Richelieu.

Charqawi (Abd al-Rahman al-)

Écrivain égyptien (Chibîn al-Kûm, 1920 – Le Caire 1987).

Directeur de la revue Rûz al-Yûsuf il est emprisonné en 1946 pour ses poèmes politiques. Dans Al-Ard, la Terre (1954), apogée du roman campagnard réaliste et social, il présente la révolte de villageois livrés à l'arbitraire des grands propriétaires terriens, et mêle arabe littéraire et dialecte égyptien. Il écrivit neuf pièces poétiques exaltant la résistance nationale (Algérie, Palestine) et revendiquant un islam progressiste, de liberté et de justice sociale. L'une d'elles (Husayn homme révolté et martyr 1969), suscita une censure politique, puis surtout religieuse. Après 1980, il prolongea par des essais sa réflexion sur un islam de liberté.

Charrière (Isabella Van Tuyll Van Serooskerken Van Zuylen, Madame de)

Femme de lettres suisse d'origine hollandaise (Zuilen, près d'Utrecht, 1740 – Colombier, canton de Neuchâtel, 1805).

C'est l'une des femmes écrivains les plus prolifiques du XVIIIe siècle avec Mme Riccoboni et Mme de Graffigny. Comme ces dernières, elle se fit connaître par ses romans par lettres, tels que les Lettres neuchâteloises (1784) et les Lettres écrites de Lausanne (1785), ainsi que par ses récits (Caliste, 1787), qui allient l'analyse psychologique aux tableaux de mœurs ironiques. Le choix de la forme épistolaire permet aux femmes d'explorer les arcanes de l'intimité et de la sensibilité. Son écriture se caractérise par une retenue subtile et une attention accordée aux détails de la vie, ce qui lui permet d'élaborer une réflexion sur le destin de la femme. Mme de Charrière eut, avant Mme de Staël, une longue liaison avec Benjamin Constant.

Charron (Pierre)

Philosophe et moraliste français (Paris 1541 – id. 1603).

Issu d'une famille de libraires, il entra dans les ordres en 1576 et parcourut la France, tantôt prêchant, tantôt exerçant les fonctions de théologal. À Bordeaux, où il séjourna plusieurs années, il se lia intimement avec Montaigne dont la pensée l'influença profondément. Beaucoup plus intentionnellement que ce dernier, il contribua au renforcement du « fidéisme sceptique », mouvement se servant de la philosophie sceptique pour préparer la venue de la foi pure, dénuée de tout fondement rationnel, par un anéantissement systématique des lumières naturelles de l'homme : reprenant ce pyrrhonisme aux Essais de son prédécesseur pour l'allier à l'anti-intellectualisme chrétien, principalement hérité de la sensibilité paulinienne et de la théologie négative, Charron a nettement participé à cette alliance du doute et de la foi qui deviendra un lieu commun de l'apologétique au XVIIe siècle. Auteur d'une apologie de la religion catholique destinée à réfuter Duplessis-Mornay et, avec lui, l'ensemble des réformés (les Trois Vérités, 1593), il est surtout connu pour ce qui est considéré comme un des premiers ouvrages philosophiques en langue vernaculaire : De la sagesse (1601), dont le succès fut important auprès des libertins érudits du XVIIe siècle (49 éditions de 1601 à 1672). Fortement inspiré des Essais de Montaigne, ce traité déplaçait le centre de gravité de toute sagesse vers l'étude de l'homme : une telle anthropologie, pessimiste et méfiante envers les capacités humaines de connaissance, voyait dans la foi la seule issue à la morale provisoire et imparfaite dont l'homme pouvait se montrer capable.