Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Rabemananjara (Jacques)

Homme politique et écrivain malgache d'expression française (Maroantsetra 1913 – Paris 2005).

Élu député à l'Assemblée nationale (1946), il est accusé d'avoir fomenté la révolte de 1947 et emprisonné à l'issue d'un procès inique. À l'indépendance, il est ministre sans interruption de 1960 à 1971. En 1972, le renversement du régime l'oblige à s'exiler à nouveau et définitivement à Paris. Cofondateur de Présence africaine (1947), Rabemananjara joue un rôle très actif dans le mouvement de la négritude. Il a d'abord pratiqué la prosodie régulière (Sur les marches du soir, 1942), avant de recourir à l'ample verset dans ses compositions poétiques majeures, écrites en captivité (Antsa, 1948 ; Lamba, 1956 ; Antidote, 1961). Il revient au sonnet pour célébrer l'initiation de la femme aimée à son pays (Ordalies, 1972). Il est l'auteur de trois pièces de théâtre : les Dieux malgaches, drame en vers (1947), les Boutriers de l'aurore (1957), Agapes des dieux (1962). Sa dernière œuvre publiée, le Prince Razaka (1995), est un curieux récit d'une nature hybride, à moitié roman autobiographique, à moitié légende merveilleuse.

Raboni (Giovanni)

Écrivain italien (Milan 1932 – Parme 2004).

Traducteur de Baudelaire et de Proust, il est aussi critique littéraire et théâtral pour le Corriere della Sera. Sa poésie post-hermétique oscille entre le lyrisme amoureux et l'engagement marxiste (la Maison de la Vetra, 1966 ; Cadences de tromperie, 1975 ; Dans le rêve grave, 1982 ; À un si cher rêve, 1988 ; Vers guerriers et amoureux, 1990 ; Chaque troisième pensée, 1993 ; Pourquoi cette tristesse ?, 1998 ; Toutes les poésies, 2000 ; Représentation de la croix, 2000).

Rabou (Charles)

Écrivain français (Paris 1803 – id. 1871).

Ayant délaissé le barreau pour les lettres, il se lia avec Balzac, dont il fut le collaborateur. Il s'autorisa de cette intimité, ainsi que de sa liaison avec Mme Hanska, pour terminer quelques récits inachevés du maître, comme le Député d'Arcis (1854), et pour publier des apocryphes : le Comte de Sallenave (1855), la Famille Beauvisage (1855), les Petits Bourgeois de Paris (1856-1857).

Racan (Honorat de Bueil, seigneur de)

Poète français (Champmarin, auj. Aubigné-Racan, 1589 – Paris 1670).

Issu d'une grande famille, mais orphelin de bonne heure, il devint le protégé de son cousin le comte de Bellegarde : c'est là qu'en 1605 il rencontra Malherbe, dont il devint l'ami et le disciple et auquel il consacra des Mémoires (1672). Rendu célèbre par ses Bergeries (1625) – la pièce est jouée en 1619 à l'Hôtel de Bourgogne –, Racan se fait connaître aussi par ses Odes, en particulier celle adressée à Bussy-Rabutin, et par sa traduction (1627) des Psaumes de David. L'un des premiers membres de l'Académie française, il y défendit l'inspiration poétique et le naturel.

Rachilde (Marguerite Eymery, dite)

Romancière française (Château-l'Évêque, Dordogne, 1862 – Paris 1953).

Attirée très tôt par la littérature (elle fait paraître en 1878 un roman, Madame de Sangdieu, dans un journal de Périgueux), elle fait à Paris des débuts fracassants avec Monsieur de la Nouveauté et, surtout, Monsieur Vénus (1884), qui sera poursuivi en justice mais défendu par une préface de Barrès. Suivent Nono (1895), les Hors-nature (1897), Madame Adonis (1888), le Meneur de louves (1905), la Tour d'amour (1914), tous récits consacrés à des cas psychologiques exceptionnels. Mariée en 1889 à Alfred Valette, elle fonde avec lui le Mercure de France, où elle tiendra longtemps une tribune critique. Auteur dramatique (la Voix du sang, 1890 ; Madame la Mort, 1891 ; l'Araignée de cristal, 1894), elle soutient l'entreprise de Lugné-Poe et de Paul Fort au Théâtre d'Art. C'est elle qui révéla Jarry (Alfred Jarry ou le Surmâle des lettres, 1928).

Racine (Jean)

Auteur dramatique français (La Ferté-Milon 1639 – Paris 1699).

La tragédie racinienne est tenue pour le modèle de la tragédie classique française. Elle peut être, de fait, considérée comme un accomplissement, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, du mouvement engagé à la génération précédente (Corneille, Mairet, Rotrou, Tristan). Mais elle contient aussi, au sein de son ordonnancement classique, force recherches et innovations.

Une carrière hors du commun

Racine est de modeste origine. Son père avait les charges de procureur au bailliage et de greffier au grenier à sel de la Ferté-Milon : c'étaient là deux petits « offices » de justice et d'administration. Racine devint de bonne heure orphelin sans ressources. Il fut alors recueilli par ses grands-parents maternels (1643). Mais la famille avait eu des contacts avec les jansénistes et avec le couvent de Port-Royal : une tante de Racine se fit religieuse en ce monastère. Aussi, à la mort du grand-père maternel (1649), la grand-mère se retira à Port-Royal, et Racine fut admis aux Petites Écoles à titre gracieux. Il y eut pour maîtres Arnauld, Hamon, Lancelot, A. Le Maître. Deux séjours dans des collèges complétèrent sa formation : collège de Beauvais (1653-54) et collège d'Harcourt, à Paris, où il fit sa philosophie (1658). Racine se trouva nanti d'une formation particulièrement solide, supérieure à ce que ses origines pouvaient normalement lui faire espérer.

   À 20 ans, muni d'un ample bagage culturel mais démuni de biens, il fut introduit dans le monde par son cousin Vitart, intendant du duc de Luynes. Il noua ses premières relations littéraires (La Fontaine) et donna ses premiers essais poétiques. En 1660, une ode de la Nymphe de la Seine à la Reine, composée à l'occasion du mariage de Louis XIV, retint l'attention de Perrault et de Chapelain. Mais, pour assurer sa subsistance, Racine entreprit de rechercher un bénéfice ecclésiastique et alla séjourner à Uzès (1661-1663) auprès de son oncle, le vicaire général Sconin. Rentré à Paris en 1663, il se lança résolument dans la carrière des lettres.

   Il s'orienta d'abord vers la poésie de Cour. Une maladie de Louis XIV lui suggéra une ode Sur la convalescence du roi pour laquelle il se vit promettre une récompense du mécénat royal. Il récidiva aussitôt avec la Renommée aux muses. Le duc de Saint-Aignan l'introduisit à la Cour. Par ailleurs, il rencontra Molière et Boileau. Lorsque Colbert fit distribuer des gratifications annuelles aux écrivains, Racine figura parmi les bénéficiaires. Tout jeune poète, il se trouvait donc d'emblée distingué à côté des noms les plus illustres. C'est alors qu'il se tourna vers le théâtre.

   Le 20 juin 1664, la troupe de Molière créa la première tragédie de Racine : la Thébaïde, qui met en scène les guerres entre les fils d'Œdipe se disputant la succession de leur père. En 1665, il donna Alexandre le Grand, que joua d'abord la troupe de Molière. Insatisfait des acteurs, Racine n'hésita pas à remettre sa pièce à la compagnie rivale, l'Hôtel de Bourgogne, qui bientôt la joua en « doublant » Molière. En 1667, Andromaque est créée dans les appartements de la reine, puis jouée à l'Hôtel de Bourgogne. Cette fois, le succès est immense. En 1668, Racine donna la comédie des Plaideurs. Nouveau succès. Mais sa gloire se voit confirmée surtout avec Britannicus (1669). En prenant pour sujet et pour cadre l'histoire romaine, Racine s'engageait sur le terrain de prédilection de Corneille. Dès lors, si les polémiques se poursuivent, le succès s'installe : en 1671, avec Bérénice, que Corneille tenta en vain de concurrencer avec Tite et Bérénice, en 1672 avec Bajazet, en 1673 avec Mithridate, en 1674 avec Iphigénie, créée dans le cadre de fêtes de Versailles.

   Le détail de la biographie de Racine durant cette période reste inconnu. On peut cependant suivre sa progression dans les bonnes grâces des gouvernants : il est élu à l'Académie française (1672). En moins de dix ans, le jeune homme pauvre était devenu un écrivain célèbre et un bourgeois nanti. Mais il se produisit alors un changement important dans la situation du poète. Louis XIV lui octroya une gratification exceptionnelle de 6 000 livres et le chargea, avec Boileau, d'être son historiographe. Sa nouvelle charge représentait, pour l'époque, une promotion sociale considérable, couronnement de sa réussite.

   Négligeant désormais le théâtre que la Cour, de plus en plus dévote, voit d'ailleurs avec moins d'enthousiasme, Racine s'attacha à remplir son office. En 1678, il suivit le roi dans ses campagnes. Sa production d'historien resta cependant mince. On lui doit surtout un Éloge historique du Roi sur ses conquêtes, composé sans doute en 1684. Il entra à l'Académie des inscriptions et se trouva, avec Boileau encore, chargé de préparer les inscriptions latines que Louis XIV faisait graver au-dessous des peintures qui décorent Versailles. Racine a joué sans hésiter son rôle d'écrivain thuriféraire du roi. Cela lui valut, en retour, d'être parmi les familiers de la Cour, d'avoir un logis à Versailles, et ses entrées dans le cercle privilégié que le roi réunissait à Marly. Il jouissait de la protection de Mme de Maintenon. Celle-ci avait créé à Saint-Cyr une institution pour jeunes filles nobles démunies. Pour leur faire pratiquer le chant, le jeu théâtral, et leur donner en même temps des divertissements édifiants, elle commanda à Racine des tragédies religieuses. Il revint donc au théâtre, après dix ans de silence, pour composer Esther (1689), qui fut très appréciée du public de Cour, et Athalie (1691).