Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Jeu d'Adam (le)

Ce premier drame religieux français, en 942 vers octosyllabiques à rimes plates ou décasyllabiques constituant des quatrains monorimes, a été composé entre 1150 et 1170 dans la mouvance de la cour d'Henri II Plantagenêt. Jouée devant le porche d'une église, cette paraliturgie du temps de Noël met en œuvre une dramaturgie très élaborée. De structure tripartite (Tentation et Châtiment d'Ève et d'Adam qui s'achèvent par leur mort et leur entrée en Enfer, Meurtre d'Abel, Prophètes annonciateurs de la venue du Christ), elle comporte des textes liturgiques en latin chantés par un chœur, mais aussi des rubriques en latin donnant des indications précises sur la mise en scène (diction, gestes des acteurs, décor, costumes...). Chacune des parties, située dans un décor différent (le Paradis terrestre pour la première), est nourrie de dialogues animés, la deuxième se singularisant par une progression dramatique très travaillée. Le fondement théologique qui les unit est l'idée que le péché d'Adam et Ève, suivi du crime commis par Caïn, pourra être racheté par la Rédemption, que souhaitent les premiers parents. Cette remythisation du récit de la Genèse, destinée à expliquer l'origine de l'homme et à fonder la morale sur sa culpabilité, évoque aussi l'institution du mariage comparé au contrat vassalique (Dieu est suzerain d'Adam, comme Adam est suzerain d'Ève). Joué à une époque d'hérésie violente (qui prônait l'égalité entre l'homme et la femme), le Jeu d'Adam est violemment anticourtois.

Jeune-Allemagne

Mouvement littéraire allemand des années 1830-1848. Ce mouvement est défini par un décret qui l'interdit en 1835 pour atteinte « à l'ordre social et aux bonnes mœurs », et non constitué par une adhésion explicite de ses membres : H. Heine, K. Gutzkow, H. Laube, L. Wienbarg, T. Mundt et L. Börne, généralement considéré comme leur chef de file. En réaction contre le classicisme et le romantisme, et sous l'influence des révolutions de 1830, la Jeune-Allemagne prêche l'engagement, adopte les formes d'expression du journalisme, conteste l'autorité des gloires littéraires (Goethe, Tieck, Schlegel) et philosophiques (Hegel, Schelling), renoue avec l'esprit de l'Aufklärung et s'inspire de la jeune littérature française et du saint-simonisme. Tout en affirmant son patriotisme, elle a critiqué l'Allemagne de la Restauration, l'immobilisme des monarchies comme le chauvinisme des corporations d'étudiants et d'une partie du mouvement nationaliste. Appelant de ses vœux une réforme globale de la société et des mentalités, elle plaide pour le droit de chacun à l'aisance et au plaisir, pour la « réhabilitation de la chair » et l'émancipation de la femme. Le style allusif imposé à ses représentants par la censure, le lien étroit de leur production avec l'actualité du Vormärz, une certaine trivialité aussi – inhérente à leur programme – expliquent le caractère éphémère de leurs succès, à l'exception de celui de Heine.

Jeune Vienne

Groupe littéraire qui réunit, vers 1900, autour de Hermann Bahr, la jeune génération d'écrivains autrichiens. On y trouve, entre autres, H. von Hofmannsthal, A. Schnitzler, P. Altenberg, R. Beer-Hoffmann, F. Salten. Tout comme les cercles littéraires munichois et berlinois de ce temps, la « Jeune Vienne » s'est donné pour objectif la création d'un art adapté aux temps modernes. Mais elle se distingue par son rejet absolu du naturalisme et trouve sa voie dans cet art néoromantique et symboliste, qui caractérise la littérature autrichienne du début du siècle.

Jeunes Gens en Colère

Mouvement artistique et littéraire né en Grande-Bretagne, qui se développa dans les années 1955-1965 et dont le nom renvoie à la pièce de John Osborne la Paix du dimanche (Look Back in Anger), qui fit, en 1956, figure de manifeste. Le mouvement regroupait, dans une même critique des valeurs traditionnelles de la société britannique et de la civilisation industrielle et bureaucratique moderne, des romanciers (Kingsley Amis, John Braine, John Wain, Alan Sillitoe), des poètes (Donald Davie, Ted Hughes), des critiques (Colin Wilson) et des auteurs dramatiques (Ann Jellicoe, John Arden, Arnold Wesker, Shelagh Delaney, Harold Pinter).

Jeury (Michel)

Écrivain français (Razac-d'Eymet, Dordogne, 1934).

Sous le pseudonyme d'Albert Higon, il publia en 1960 Aux étoiles du destin, ainsi que la Machine du pouvoir, roman d'inspiration anti-utopique. Le Temps incertain (1973) est le premier volet d'une trilogie qui comprend les Singes du temps (1974) et Soleil chaud, poisson des profondeurs (1976) et qui le consacre comme chef de file de la science-fiction française. Rapproché de P. K. Dick en raison de leur goût commun pour le bouleversement des réalités, Jeury est plus directement politique (machinations des multinationales, complots fascistes, lignes de fuite anarchistes...) et confère à son texte, dans son souci d'affoler le temps, une forme beaucoup plus éclatée et enchevêtrée (Poney-Dragon, 1978 ; le Territoire humain, 1979 ; les Yeux géants, 1980 ; l'Orbe et la Roue, 1982). L'amour des mots-processus (« chronolyse », « nébuleuse d'emballement »...), la tendance à ne pas renoncer à tout espoir dans les situations les plus sombres complètent l'image d'une œuvre qui tend à substituer au principe d'incertitude généralisée marquant les premiers romans un aléatoire d'ordre psychologique (les Animaux de justice, 1976 ; le Seigneur de l'histoire, 1980 ; la Sainte-Espagne programmée, 1981). Après le Jeu du monde (1985) et les Mondes furieux (1988), il renonce à la science-fiction pour s'investir dans des « romans du terroir » centrés sur son Périgord natal.

Jeyakantan

Écrivain indien de langue tamoule (Cuddalore 1934).

Militant marxiste, il épouse la cause des intouchables et des pauvres et se fait connaître par ses nouvelles Une poignée de riz (1951) et Quelqu'un comme toi (1965). Premier écrivain à utiliser la langue parlée, son roman Quelquefois... Quelques hommes (1978) est traduit en quatorze langues indiennes avant de devenir un film célèbre.