Henriquez Ureña (Pedro)
Philologue et historien dominicain (Saint-Domingue 1884 – La Plata, Argentine, 1946).
La plupart de ses travaux historiques analysent les relations entre la littérature et la culture latino-américaines (Heures d'étude, 1910 ; Histoire de la culture dans l'Amérique hispanique, 1947). Philologue averti, il fut entre 1905 et 1910 l'un des animateurs du groupe culturel mexicain El Ateneo de la Juventud. Son frère Max (1885-1968) fut un poète moderniste (Amphores, 1914) et un essayiste (De Rimbaud à Quasimodo, 1957).
Henry le Ménestrel
ou Henry l'Aveugle
Poète écossais (vers 1440 – v. 1495).
Il servit probablement à la cour de Jacques V. En écho au Bruce de Barbour, il prône l'alliance avec la France contre les Anglais. De deuil en deuil et de trahison en défaite, son héros devient l'incarnation tragique d'une nation satellisée (Hauts Faits de l'illustre et vaillant chevalier sir William Wallace, 1488).
Hensen (Florent Constant Albert Mielants, dit Herwig)
Écrivain belge d'expression néerlandaise (Anvers 1917).
Poète, dans la mouvance de Rilke et de Van de Woestijne (Hamlet au miroir, 1939 ; Dédale, 1948 ; Oiseau de papier sur la main, 1972 ; Entre le désespoir et l'extase, 1976), il témoigne, dans son théâtre qui réinterprète les grands thèmes classiques, d'une approche de la condition humaine qui unit une désinvolture nietzschéenne à une rigueur acquise dans sa formation de mathématicien (Don Juan, 1943 ; Lady Godiva, 1946 ; Alceste, 1954 ; le Magnanime, 1982).
Herbert (Frank)
Écrivain américain (Tacoma 1920 – Madison, Wisconsin, 1986).
Il écrivait de la science-fiction depuis plus de dix ans et avait publié en particulier le Monstre sous la mer (1955), roman qui annonçait certains des thèmes écologiques qu'on retrouverait dans la suite, quand Dune reçut le prix Nebula en 1965 et le prix Hugo en 1966. Le roman, qui fut l'un des rares titres de science-fiction à avoir connu la carrière d'un best-seller tant aux États-Unis qu'en Europe, situe dans un futur très lointain une société néomédiévale régnant sur l'ensemble de la Galaxie ; on découvre sur une planète perdue du nom de Dune une sorte de champignon (« l'Épice ») capable de prolonger la vie de plusieurs siècles et permettant de voir le futur ; cette planète devient le centre d'attraction de l'empire et l'objet de toutes les convoitises, le catalyseur des luttes politiques et de l'apparition d'une nouvelle religion. Roman historique, politique, écologique, messianique, l'œuvre se prolonge avec le Messie de Dune (1969), les Enfants de Dune (1976), le Dieu de Dune (1980), les Hérétiques de Dune (1984), la Maison des mères (1985). L'ensemble de la saga doit autant aux recherches qu'Herbert a menées dans des domaines très divers (géologie sous-marine, botanique, psychologie, ethnologie, techniques de la communication et de la créativité) qu'à sa connaissance de la psychanalyse (il tire de Jung une métaphysique et une cosmologie, de Freud une théorie de l'homme, d'Adler une théorie politique et le souci de l'éthique) et à sa pratique de différents métiers (photographe, plongeur sous-marin, journaliste, analyste, professeur à l'université de Seattle). Une même fascination pour les univers clos et le même intérêt pour un relativisme généralisé transparaissent dans ses autres romans, les Yeux d'Heisenberg (1966), la Barrière Santaroga (1967), les Fabricants d'Éden (1968), Et l'homme créa un dieu (1972), ainsi que dans des récits qui tendent à former de nouveaux cycles : l'Étoile et le Fouet (1973) et Dosadi (1977) ; la Ruche d'Hellstrom (1973), Destination : vide (1966), l'Incident Jésus (1979), The Lazarus Effect (1983).
Herbert (George)
Poète anglais (Montgomery, pays de Galles, 1593 – Bemerton, Wiltshire, 1633).
Poète « métaphysique », proche de Donne et des madrigalistes, il détruit tous ses poèmes profanes avant de mourir et confie à un ami les 169 poèmes religieux recueillis dans le Temple (1633). À travers un cheminement qui reproduit la visite d'un lieu de culte, Herbert évoque le conflit typiquement quiétiste de la lassitude spirituelle et de la joie. Récit d'une crise spirituelle dont le protagoniste est tiré grâce à la révélation, le Temple préfigure, dans certains poèmes, les calligrammes d'Apollinaire (le texte des « Ailes de Pâques » est disposé en forme d'ailes).
Herbert (Zbigniew)
Écrivain polonais (Lwów 1924 – Varsovie 1998).
Né dans une famille de la bourgeoisie polonaise empreinte de culture européenne, Herbert est très vite confronté à ce qui sera définitivement pour lui la barbarie marxiste. Lorsque Lwów est occupée par l'Armée rouge (1939), trop jeune pour rejoindre la résistance armée, il crée l'association de l'Aigle blanc qui porte une aide alimentaire aux Polonais déportés en Sibérie. Les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les Soviétiques reconquièrent la ville, il appartient aux services d'espionnage de la résistance polonaise, gagne Cracovie où il fait des études de lettres, d'art et de droit. Par la suite, à Toruń, il suit les cours du philosophe Henryk Elzenberg (1887-1967), officiellement interdit d'enseignement ; il est fortement marqué par sa conception de l'éthique, de la culture, comme étant ce qui donne un sens à l'existence humaine. Se refusant à toute compromission avec le réalisme socialiste, Herbert ne débute qu'en 1956 où il publie Chanterelle de lumière, un recueil de poèmes écrits au cours des quinze années qui précédèrent. Durant toute sa vie, il a instauré une distance absolue avec le pouvoir communiste et tout ce que celui-ci représente ou implique dans la vie polonaise aussi, si son immense talent ne peut qu'être reconnu, si sa popularité est considérable, le poète mène une existence difficile. Il prend une part active au mouvement Solidarność, publie dans les presses clandestines. À la déclaration de l'état de guerre, il retire ses œuvres de toutes les publications officielles et refuse aux théâtres le droit de les monter. Un séjour à l'université de Los Angeles où il enseigne (1970-1971), puis d'autres en Autriche, Allemagne et France (1973-1981, 1987-1990) sont des moments de répit dans l'adversité qu'il rencontre dans son pays. Si Herbert a écrit des essais intéressants (Un barbare dans le jardin, 1962) et des pièces de théâtre (la Caverne des philosophes, 1956 ; la Reconstruction de poète et Drames, 1970) dans lesquels il donne une pleine expression à sa passion pour l'Antiquité, le Moyen Âge, l'art européen, c'est toutefois ses poèmes qui lui assurent une place dominante parmi les grands de la littérature polonaise. Ses recueils poétiques : Hermes, le chien et l'étoile (1957), Étude de l'objet (1961), Inscription (1969), Monsieur Cogito, (1974), Rapport de la ville assiégée (1983), Élégie pour un départ (1990), Rovigo (1992), Épilogue à la tempête (1998), livrent une poésie fortement empreinte de philosophie. Le poète s'efforce de comprendre le monde du XXe s. tout en établissant un lien tangible avec le passé pour dégager ce qui constitue les valeurs permanentes de l'humanité. Monsieur Cogito, personnage qui, à partir de 1974, revient dans tous les recueils, est à la fois une référence à une longue tradition (Descartes, Shakespeare, Valéry) et un défi à celle-ci. Monsieur Cogito ne se pose pas la question de Hamlet, il part du Cogito ergo sum pour se demander comment être dans le monde des hommes afin de mériter ce statut d' « étant ». Il existe entièrement dans son nom, il est ce qu'Ossip Mandelstam définissait comme « un corps pensant », et ses interrogations en découlent. Ainsi doute-t-il d'être l'héritier d'une vieille culture (« Monsieur Cogito regarde son visage dans le miroir »), doute-t-il de son identité (« Les Aliénations de Monsieur Cogito » ; « La Sœur »), des grandes idées (« Monsieur Cogito lit le journal »), du sens de la vie (« Monsieur Cogito et le poète d'un certain âge »), du sens de la vertu (« Monsieur Cogito et la vertu »), des mythes et des modèles (« L'Histoire du Minotaure » ; « La Vieillesse de Prométhée » ; « Caligula »). S'il remet tout en question, s'il se livre à des expériences – car pour lui l'expérience seule offre une chance de parvenir à la liberté –, Monsieur Cogito réprouve la passivité et l'inaction (« Monsieur Cogito-Envoi : reste en éveil – quand le feu flambera sur la colline – lève-toi et va/ aussi longtemps que le sang dans ton sein fait tourner ton étoile obscure). Il rejette l'héroïsme pour s'attacher à étudier une dimension humaine dont les faiblesses non seulement ne lui échappent pas, mais lui font mettre en lumière de nouvelles valeurs. Sa langue poétique associe une extraordinaire limpidité à un contenu d'une profondeur tout aussi saisissante. Ses vers brefs, sans termes savants, suscitent des réflexions d'une grande aporie.