Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Bouraoui (Hedi)

Écrivain tunisien de langue française (Sfax 1932).

Il a été longtemps professeur à l'université York à Toronto (Canada). Ses recueils lyriques (Tremblé, 1969 ; Éclate module, 1972 ; Vésuviade, 1976 ; Haïtu-vois, 1980) témoignent d'une poésie éclatée qui joue sur le clavier de cultures multiples, de même que son récent roman historique la Pharaone (1998).

Bouraoui (Nina)

Romancière franco-algérienne de langue française (Rennes 1967).

Elle a vécu en Algérie de 1970 à 1980. Son écriture atypique défie tous les classements, et donne corps aux sentiments les plus élémentaires de l'être cloîtré en lui-même – désir, peur, répulsion –, dans une sorte de souffrance primordiale, ou même d'autisme. Si la Voyeuse interdite (prix Livre Inter 1991) peut être lu comme une dénonciation de la claustration féminine en Algérie, les romans suivants (Poing mort, 1992 ; le Bal des murènes, 1996 ; l'Âge blessé ; 1998 ; le Jour du séisme, 1999 ; Garçon manqué, 2000) diversifient leurs ancrages avec une très grande qualité littéraire.

Bourbon (Nicolas) , dit l'Ancien

Poète français de langue latine (Vendeuvre 1503 – v. 1550).

Auteur précoce (1517) des Ferraria, poème didactique sur les forges, d'écrits encomiastiques (tombeau de François Ier, épithalame de Jeanne d'Albret dont il a été précepteur), de manuels (Opusculum puerile, Tabellae elementariae), il est surtout connu pour ses Nugae (1533), recueil d'épigrammes, d'odes, de prières, intéressant par son aspect autobiographique et le tableau qu'il livre du premier humanisme français.

Bourboune (Mourad)

Écrivain algérien de langue française (Djidjelli 1938).

Il a joué un rôle politique dans le premier gouvernement algérien de l'indépendance. Son roman iconoclaste le Muezzin (1968) dénonce avec violence et avec une grande force poétique la « révolution avortée » et la confiscation du pouvoir algérien depuis 1965, alors que son premier roman (le Mont des genêts, 1962) dépeignait l'éclatement du monde colonial.

Bourdaloue (Louis)

Prédicateur français (Bourges 1632 – Paris 1704).

Jésuite, préfet des études au collège d'Eu, il commença à prêcher à Paris en 1669. Prédicateur du roi en 1670, il prononça jusqu'en 1693 dix séries de sermons, pour l'Avent ou pour le carême. Son succès fut immédiat auprès de la cour et dépassa même celui de Bossuet. Il récitait de mémoire, avec un débit rapide et violent, et des gestes qui étonnaient, voire choquaient, des sermons qui plaisaient par la rigueur de leur logique, la minutie des analyses morales et les « portraits » ou « caractères » dont ses auditeurs aimaient à découvrir les clefs (Sermons pour les grandes fêtes de l'année, 1692 ; Sermons sur les mystères, 1709). Il ne publia pas ses sermons et ce fut le P. Bretonneau qui le suppléa comme éditeur, fournissant de 1704 à 1734 des textes retouchés, parfois épurés, qui en auront en tous cas nivelé le relief et qui lanceront pour longtemps la question de l'authenticité de ces œuvres où s'est perdue la force de l'oral.

Bourdet (Édouard)

Auteur dramatique français (Saint-Germain-en-Laye 1887 – Paris 1945).

Ses pièces enchantèrent par leur satire des mœurs : inversion féminine et masculine (la Prisonnière, 1926 ; la Fleur des pois, 1932), mœurs éditoriales (Vient de paraître, 1927), appât du gain (le Sexe faible, 1929 ; les Temps difficiles, 1934). Fric-Frac (1936), évoquant le « milieu », fit un triomphe. Administrateur de la Comédie-Française de 1936 à 1940, il travailla avec Dullin, Jouvet, Baty et Pitoëff.

Bourgeade (Pierre)

Écrivain français (Morlanne 1927).

Auteur dramatique (Palazzo Mentale, 1977), il déploie dans ses nouvelles (les Immortelles, 1966), ses poèmes (New York Party, 1969) et ses romans (l'Aurore boréale, 1973 ;  l'Empire des livres, 1989) des fantasmes érotiques et religieux qui contaminent une quête d'amour et d'amitié perpétuellement dévoyée dans des aventures ou des objets dérisoires (la Fin du monde, 1984 ; Mémoires de Judas, 1985). Marqué par la période 1936-1945, il évoque les guerres et les totalitarismes du XXe siècle dans Orden (1969), le Camp (1979), l'Armoire (1977), les Serpents (1983).

Bourges (Élémir)

Écrivain français (Manosque 1852 – Paris 1925).

Esthète, amateur de musique (particulièrement de Wagner) et intellectuel, Bourges n'a livré au public qu'une œuvre mince, distillée comme autant de nécessités intérieures : Sous la hache (1883), le Crépuscule des dieux (1884), Les oiseaux s'envolent et les fleurs tombent (1893), la Nef (1904-1922). « Œuvre protégée contre l'esprit du jour » (E. Jaloux), le roman de Bourges déploie en vastes fresques une symbolique qui emprunte aussi bien aux tragiques grecs qu'aux dramaturges élisabéthains, à l'univers mythique de Dante qu'à l'imaginaire romantique ; œuvre touffue qu'unifie cependant une écriture qui demande à la musique l'alternance des thèmes et des modulations ; œuvre philosophique, enfin, qui, évoluant du nihilisme à l'idéalisme, s'épanouit en un dialogue cosmique mettant en scène religions et idéologies. Véritable Prométhée d'un univers décadent, Bourges traduit dans le réel l'attitude ambiguë qui fut celle de Des Esseintes ou de Dorian Gray dans la fiction.

Bourget (Paul)

Écrivain français (Amiens 1852 – Paris 1935).

Après avoir subi l'influence du Parnasse, Bourget deviendra célèbre pour sa réflexion sur sa propre impuissance poétique. Il s'interroge sur la difficulté de faire œuvre de novateur : elle tiendrait à une sorte d'« intoxication littéraire » qui l'aurait « empêché de vivre sa vie à lui ». Bourget va donc s'attacher aux causes de ce désenchantement stérile qui le frappe en même temps que toute sa génération. Les Essais de psychologie contemporaine (1883-1899) s'appuient sur cette analyse d'un monde formé par les Baudelaire, les Renan ou les Taine, qui auraient tous possédé « la même philosophie dégoûtée de l'universel néant ». Marqué par Schopenhauer et son néobouddhisme, le jeune auteur pressent la venue d'un courant qu'on l'accusera d'avoir suscité : le décadentisme. Il veut faire – et ses premiers romans comme Cruelle Énigme (1885) ou Un crime d'amour (1886) en sont l'illustration – « des planches d'anatomie morale ». Mais l'observateur nihiliste et sceptique, proche d'Anatole France, qui a captivé la jeunesse par sa finesse intuitive et séduit le public mondain par la délicatesse de ses études de mœurs et de caractère, va s'effacer devant le chef de file de l'idéalisme renaissant imprégné de néokantisme. Le Disciple (1889), roman charnière, se situe au confluent de ces deux courants, en portant à son paroxysme l'antinomie de la science et de la morale, du scepticisme et de l'idéalisme. Sa publication fut un événement littéraire qui provoqua des polémiques où s'affrontèrent les défenseurs de la liberté intellectuelle, avec à leur tête Anatole France, et les partisans de la tradition représentés par Brunetière. Bourget tente d'exorciser, en jetant sur elles l'anathème, ses diverses tentations, aussi bien celle d'un « nihilisme délicat », que celle de cet « égotisme absolu ». Au roman d'analyse expérimental va succéder le roman d'idées. Le militantisme à l'Action française donne le ton de l'œuvre, qui critique la démocratisation et l'égalitarisme (l'Étape, 1902), se prononce contre la dissolution du mariage (Un divorce, 1904) ou préconise le rôle actif de la noblesse (l'Émigré, 1907). Bourget, qui s'est converti au catholicisme, tente une synthèse entre la science et la foi, entre le positivisme et l'idéalisme : à l'un, il départit le monde des faits ; à l'autre, l'Inconnaissable.