Sá-Carneiro (Mário de)
Poète portugais (Lisbonne 1890 – Paris 1916).
C'est l'une des principales figures de la revue Orpheu, qui introduisit le modernisme au Portugal. Tributaire du futurisme, il fait l'éloge du cosmopolitisme et de la civilisation mécanique, allant jusqu'à emprunter aux techniques publicitaires les slogans et le graphisme (Manucure). Mais l'ensemble de son œuvre, d'une sensibilité exacerbée, marquée par le symbolisme, évolue dans le sens d'une dispersion de l'être et de l'anéantissement du moi (Dispersion, 1914 ; Indices d'or, 1937 ; Poésie, 1946). Ses nouvelles (Principes, 1912 ; Ciel en feu, 1915) et ses Lettres à Fernando Pessoa (1958-1959) témoignent du sentiment de frustration qui le conduisit au suicide.
Sá de Miranda (Francisco)
Poète portugais (Coimbra v. 1481 – Quinta de Tapada 1558).
Il fit ses études à Coimbra, puis fréquenta la cour, dont il partageait les soirées littéraires. Ayant rencontré, lors d'un séjour en Italie (vraisemblablement entre 1521 et 1526), Sannazaro et l'Arioste, il introduisit au Portugal de nouvelles formes poétiques : décasyllabe, sonnet, lettre, chanson, élégie, églogue et comédie en prose. Étrangers (1527), inspirés de Plaute, véhiculent l'idéal humaniste de la Renaissance, tandis que la Fable du Mondego, l'églogue Alexo et quelques sonnets constituent les premières expressions portugaises du style nouveau. Il entreprit une véritable campagne pour introduire les nouvelles formes poétiques et de nouveaux thèmes, l'histoire, la mythologie et les sujets propres à la littérature de la Renaissance. Après avoir obtenu deux commandes de l'Ordre du Christ, il s'éloigna de la Cour et, s'étant retiré avec sa famille dans son village du Minho, ne maintint qu'un contact épistolaire avec les amis et disciples qui l'avaient soutenu dans sa campagne de novateur. N'ayant jamais renoncé à la « mesure ancienne » (medida velha), il défendra dans ses Cartas (1530 ?) les valeurs traditionnelles, la simplicité de la vie rustique contre l'artificialité de la vie de la ville et de la Cour, faite de conventions et d'intrigues. Son style concis, voire elliptique, traduit en des images délibérément rustiques une élaboration conceptuelle qui refuse toute rhétorique.
Saadi
Poète persan (Chiraz v. 1213 – id. 1292).
Il étudia à Bagdad à la célèbre université créée par le vizir des Seldjoukides, Nezam al-Molk, et voyagea à travers l'Orient, notamment pour accomplir le pèlerinage à La Mecque. De retour à Chiraz vers 1256, il fréquenta la cour, les poètes et les soufis. Il composa un Divan (recueil de poèmes courts), un masnavi (poème long), le Boustan (Verger, 1257), et le Golestan (Jardin des roses, 1258), en prose. Son œuvre révèle son attrait pour le soufisme et sa morale indulgente d'homme désabusé. De caractère didactique, ses compositions, faites de récits anecdotiques à fond moral, reflètent les mœurs de l'époque, et leur langage marque la pleine maturité du persan, en particulier dans ses ghazals. Souvent imitée, son œuvre littéraire a formé pour des générations l'image de l'honnête homme iranien et a initié l'Occident à la poésie persane : le Golestan fut traduit en français dès 1634.
Saar (Ferdinand von)
Écrivain autrichien (Vienne 1833 – Döbling 1906).
Cadet puis officier, il quitte le service en 1859 pour se consacrer à la littérature. Auteur de poèmes élégiaques (Élégies viennoises, 1897), il publie surtout des cycles de nouvelles dans un style réaliste. Influencé par Schopenhauer et Tourgueniev, Saar décrit avec prédilection le destin de marginaux, d'êtres passifs, résignés ou écrasés par l'existence. Il atteint à une analyse rigoureuse des caractères qui dévoile d'inquiétantes profondeurs psychologiques (Nouvelles d'Autriche, 1897 ; Ronde automnale, 1897 ; la Tragédie de la vie, 1906).
Saarikoski (Pentti)
Écrivain finlandais de langue finnoise (Impilahti 1937 – Joensuu 1983).
Peu à peu gagné par le paganisme de la Grèce et de Rome (Poèmes et Autres Poèmes, 1958), il traduit Aristote, Xénophon, Sappho et Héraclite, et abjure son christianisme. Également traducteur de Miller, de Burroughs, de Kerouac et d'Allen Ginsberg, il encourage la jeunesse à la libération des mœurs, et se déclare communiste entre 1962 et 1968. Il a laissé des récits de voyage et des recueils de poèmes dont l'expression spontanée et l'explosion verbale rappellent celles des poètes beatniks américains (1962 ; Où que j'aille, 1965 ; Je regarde par-dessus la tête de Staline, 1969 ; le Bal sur la montagne, 1977 ; l'Invitation à la danse, 1980).
Saaritsa (Pentti)
Écrivain finlandais de langue finnoise (Helsinki 1941).
Sa poésie musicale et méditative, marquée par l'ironie, mêle des thèmes politiques et intimistes. Les poèmes inspirés du socialisme sont plus l'expression d'un sentiment de fraternité et de compassion que des chants de combat (les Signes fuyants, 1965 ; Demain je me souviendrai mieux, 1966 ; Tritonus, 1976 ; la Neuvième Vague, 1977 ; Que vois-je ?, 1979 ; Retour à l'envol, 1982 ; Plus pauvre d'un monde, 1988).
Saavedra Fajardo (Diego de)
Écrivain et diplomate espagnol (Algezares, Murcie, 1584 – Madrid 1648).
Son œuvre majeure, intitulée Idéal politique d'un prince chrétien, est souvent désignée par le titre Emblèmes politiques (1640-1642), traité d'éducation politique et moral dans lequel l'auteur choisit l'allégorie pour exposer sa doctrine. La République littéraire (posthume, mais écrite vers 1612) est un récit satirique à la manière de Lucien et fustigeant le monde des lettres.
Saba (Umberto Poli, dit Umberto)
Écrivain italien (Trieste 1883 – Gorizia 1957).
Son nom (« pain » en hébreu) est un double hommage à sa mère, juive, abandonnée par son père – Ugo Poli – avant sa naissance, et à une nourrice tendrement aimée, Beppa Sabaz. Toute son œuvre poétique, d'une transparence ambiguë, s'enracine dans cette situation originelle. Le décor d'une Trieste populaire et quotidienne, la figure maternelle de son épouse Lina et l'apparition d'adolescents, dont la grâce suscite à la fois la nostalgie et le désir, sont les principaux thèmes de son Canzoniere (1921, 1945 et 1961). Dans Histoire et chroni-histoire du Canzoniere (1948), Saba lui-même soumet toute son œuvre, poème après poème, à un commentaire ironique et anecdotique volontiers immodeste. Les petites proses autobiographiques de Raccourcis et récits (1946) fourmillent, d'autre part, de savoureux aphorismes et de portraits d'une extrême vivacité. Écrit en 1953 et publié en 1975, Ernesto, bref récit de l'initiation sexuelle d'un adolescent de 16 ans dans les bras d'un débardeur de Trieste, à la fin du siècle dernier, puis dans ceux d'une prostituée qui a la tendresse et l'« odeur » de sa nourrice, compte parmi les plus belles pages « matérialistes » de la littérature érotique contemporaine.