Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Aristote

Philosophe grec (Stagire, Macédoine, 384 – Chalcis, Eubée, 322 av. J.-C.).

Élève à l'Académie de Platon de 366 à 347, il séjourne ensuite en Mysie, puis à Mitylène, avant de devenir en 343 le précepteur d'Alexandre, fils de Philippe de Macédoine. Il revient à Athènes en 335 et fonde le Lycée et l'école péripatéticienne. En 323, à la mort d'Alexandre, il s'exile en Eubée.

   Il nous reste environ un cinquième du millier d'ouvrages que lui attribuaient les Anciens, et uniquement des traités dits ésotériques, non destinés à la publication, contrairement aux textes dits exotériques, tous perdus. Son œuvre, encyclopédique, couvre tous les domaines du savoir de son temps, et se répartit en trois groupes : traités de logique, ou Organon (« instrument ») ; traités de philosophie théorétique (physique, histoire naturelle, surtout zoologie, et métaphysique) ; traités de philosophie pratique (éthique, politique, rhétorique, poétique). Aristote se distingue de Platon par son refus de la doctrine des Idées et par sa méthode analytique fondée sur l'observation, l'érudition, le raisonnement et des concepts comme les couples matière-forme, cause motrice-cause finale, espèce-genre. Aristote, loin de condamner la fiction, la poésie ou la rhétorique, les traite comme des objets scientifiques.

   Trois ouvrages intéressent plus précisément la littérature. L'Éthique à Nicomaque, en 10 livres, où le souverain bien est défini comme le bonheur, acquis par l'exercice de la vertu : les vertus particulières, comme la magnanimité et l'amitié, résident dans un juste milieu entre deux excès, par exemple le courage entre la lâcheté et la témérité. Ces analyses éthiques et psychologiques ont influencé les Caractères de Théophraste, les comédies de Ménandre, et toute la littérature préoccupée par l'analyse du caractère humain.

   La Poétique, dont il nous reste le premier livre. Après avoir défini la poièsis comme une mimèsis, « imitation-représentation » (par. 1-5), Aristote analyse la tragédie, en particulier l'intrigue (muthos) et les ressorts psychologiques de la crainte et de la peur (par. 6-22). Comparant ensuite l'épopée (en particulier l'Iliade d'Homère) et la tragédie (par. 23-26), il conclut à la supériorité de cette dernière, qui montre les personnages en action. Aristote assigne aussi à la tragédie le rôle pédagogique de libérer le spectateur de ses passions, par la catharsis (« purification-purgation »), et réfléchit aux notions de vraisemblance, d'unité d'action et de cohérence esthétique.

   La Rhétorique, en trois livres, répond à la fois aux sophistes et à Platon, en montrant l'utilité de l'art de bien parler et bien penser, et en analysant les modalités de la persuasion (pisteis). Dans le livre I, Aristote étudie les trois genres d'éloquence (délibératif, qui vise à l'utile ; judiciaire, qui vise au juste ; et épidictique, éloge et blâme, qui vise au beau). Le livre II étudie les preuves extérieures à l'art, comme le témoignage, et les preuves dites techniques, comme la mise en scène du caractère de l'orateur (ethos), la démonstration rhétorique (enthymème) et l'action sur les passions du public (pathos). Le livre III concerne la diction, le style et la composition du discours.

La postérité d'Aristote

L'œuvre d'Aristote a influencé durablement toute la pensée occidentale. Pendant le Moyen Âge et la Renaissance, celui-ci est considéré comme « le philosophe », même si la pensée arabo-islamique et la scolastique médiévale l'interprètent différemment. Son influence s'étend sur Boèce, Averroès, Siger de Brabant et la Somme de Thomas d'Aquin. Sa Rhétorique, utilisée par Cicéron, est reprise par les théoriciens de l'éloquence de la Contre-Réforme, mais c'est au moment où sa métaphysique et sa physique sont contestées, notamment par Galilée et par le cartésianisme, que sa Poétique, traduite en latin en 1498, participe à l'élaboration de la doctrine du classicisme. En Italie, les commentaires se succèdent (Art poétique de Vida en 1527) et la Poétique de Scaliger anticipe sur les théoriciens français (Chapelain, d'Aubignac, La Mesnardière ou Scudéry), qui découvrent dans Aristote des éléments utilisables – parfois au prix de contresens – pour leur doctrine, résumée notamment par Boileau. Aristote n'avait pas d'intention normative, mais les lecteurs du XVIIe siècle, méconnaissant les raisons philosophiques de certaines idées (comme le rôle central de l'action dramatique, dans un système où l'homme, pour être représenté correctement, doit l'être « en acte ») ou établissant des approximations durables (par exemple sur la catharsis), ont déduit de la Poétique certains de leurs principes : la réhabilitation du poète contre Platon, l'idée que l'œuvre d'art doit respecter la vraisemblance et les bienséances (l'harmonie des caractères, des situations, et le goût du public), les règles d'unité d'action et de temps (celle de lieu vient des commentaires italiens). Le principe de la raison, qui sous-tend le classicisme, paraîtra vite peu conciliable avec le respect de la tradition aristotélicienne, d'abord dans le domaine scientifique. Aristote sera progressivement « oublié », à partir du XVIIIe siècle, comme théoricien de la tragédie. Les classiques ne s'étaient d'ailleurs pas privés de le trahir : outre Corneille, qui préfère le vrai au vraisemblable, on notera que le classicisme affirme la prééminence de l'épopée sur les autres genres.

   Un regain d'intérêt pour les analyses d'Aristote apparaît dans les travaux de la théorie littéraire (post-)structuraliste, dans le domaine de la narratologie, de la rhétorique, de la poétique, de la pragmatique (cf. Perelmann, Barthes, Genette...).

Ariyoshi Sawako

Femme de lettres japonaise (Wakayama 1931 – Tokyo 1984).

Après plusieurs essais de critiques théâtrales, son œuvre est dominée par ses romans : la Ballade (1956),  Kae, ou les deux rivales (1966) où elle évoque la difficile conquête par la femme japonaise de son identité, les Dames de Kimono (1959), histoire d'une famille de Kushu sur plusieurs générations, et son roman le plus remarqué : les Années du crépuscule (1972), où une femme est confrontée à la sénilité de son beau-père.