Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
R

Rollinat (Maurice)

Poète français (Châteauroux 1846 – Ivry 1903).

On lui doit des poèmes rustiques, dont les plus réussis sont des ballades (Dans les brandes, 1877). Rollinat fréquente Le Chat noir et les Hydropathes ; le succès des Névroses (1883) fait de lui un homme à la mode et Barbey d'Aurevilly salua « la sincérité et la profondeur » de son « diabolisme ». Il se retira dans la Creuse, hésitant entre l'inspiration satanique et la veine folklorique, qu'il devait confondre dans une poésie exprimant l'étrangeté du quotidien.

Romagnoli (Ettore)

Écrivain italien (Rome 1871 – id. 1938).

Professeur de grec en Italie, il a contribué à la diffusion de la culture grecque par ses traductions, ses études et ses représentations théâtrales. On lui doit aussi des œuvres dramatiques inspirées des dramaturges grecs (Drames satiriques, 1914 ; Nouvelles Satires, 1916 ; Comédies lyriques, 1925 ; le char de Diogène, 1927).

Romains (Louis Farigoule, dit Jules)

Écrivain français (Saint-Julien-Chapteuil, Haute-Loire 1885 – Paris 1972).

Poète (l'Âme des hommes, 1904), il fonde l'unanimisme, « expression de la vie unanime et collective » (la Vie unanime, 1908). Il exposera ses principes poétiques dans le Petit Traité de versification (1923), écrit en collaboration avec G. Chennevière. Au théâtre, il donnera l'Armée dans la ville (1911), la trilogie Le Trouhadec (1923-1929), mais c'est à Knock ou le Triomphe de la médecine (1923) qu'il doit son plus grand succès : partant du principe que « tout homme bien portant est un malade qui s'ignore », un médecin nouvellement établi dans une bourgade perdue mais saine finit par amener tous les habitants, y compris son prédécesseur, à implorer ses soins. Sa carrière romanesque est marquée par la volonté de saisir l'influence de l'imagination sur la vie collective. Si la satire inspire le Bourg régénéré (1906) et Donogoo Tonka (1920), la puissance du canular est le sujet même des Copains (1913). Mort de quelqu'un et Sur les quais de la Villette (1914) sont des textes profondément unanimistes, où la vie individuelle a beaucoup moins de consistance et de réalité que la vie collective. Après la trilogie de Psyché (1922-1929), Romains élabore son œuvre maîtresse, le roman-fleuve les Hommes de bonne volonté (1932-1946). Ces 27 volumes s'ordonnent autour de deux normaliens, camarades de la promotion 1908, qui partagent l'idéal de l'auteur : ils rêvent d'une « confrérie des honnêtes gens » qui assurerait la paix entre les hommes. Ce tableau du quart de siècle s'écoule entre le 6 octobre 1908 et le 7 octobre 1933 « dans le mouvement et la multiplicité, dans le détail et le devenir » et prend appui sur « la vie unanime ». Le ciment de l'œuvre est cette « bonne volonté » impuissante entre deux catastrophes planétaires : le roman culmine de façon significative dans les volumes XV et XVI (Prélude à Verdun et Verdun). Les mêmes idées imprègnent ses essais dont Manuel de déification (1910) et Puissances de Paris, qui restent comme deux des textes fondateurs de l'unanimisme, et que prolongent, réclamant le rapprochement entre les peuples, Problèmes d'aujourd'hui (1931), Problèmes européens (1933) et le Couple France-Allemagne (1935). Vers la fin de sa vie, tout en donnant encore des romans et des poésies, il lutte pour la défense de l'humanisme et se penche avec lucidité et humour sur son passé (Amitiés et Rencontres, 1970).

roman-photo
ou photoroman

Cette production populaire connut un énorme succès dans les années 1950-1980. Pur produit de la presse périodique, elle constitue le prolongement ou l'aboutissement de divers genres littéraires ou paralittéraires : drame larmoyant du XVIIIIe siècle, mélodrame, roman sentimental, roman populaire, cinéroman... Né en Italie, le roman-photo apparaît en France en 1949 dans la revue Festival et en 1950 dans Nous Deux, magazines fondés par Cino del Duca (1899-1967). L'origine du mot « roman-photo » reste mystérieuse. Allusion à romance, à romanesque, à roman illustré... ? Les synonymes « photo-histoire » et « photo-récit » n'ont jamais réussi à s'imposer. Quant à « photoroman », il sert plutôt à désigner des productions moins populaires ou jugées plus visuelles. Quoi qu'il en soit, ce moyen d'expression qui est « lu » et « édité » peut légitimement se situer – sinon se définir – aux portes de la littérature.

   Influencé par le cinéroman, le roman-photo a voulu à l'origine suggérer ou imiter le cinéma : images, atmosphère et décor rappellent les films. Les comédiens copient le jeu des acteurs du 7e art. D'ailleurs de nombreuses grandes stars italiennes (Gina Lollobrigida, Sophia Loren...) débuteront dans le roman-photo. Pour des raisons complexes, le genre évolue très vite : abandon des plans généraux au profit des plans rapprochés, lents déplacements d'appareil, acteurs jouant comme au théâtre... En contrepartie, l'amélioration des photos, de la couleur, la qualité de l'éclairage et de la mise en scène contribuent à reconstruire un monde presque réel. Comme dans la bande dessinée, les séquences photos se déchiffrent à partir d'un processus discontinu de lecture (on bondit de photo en photo) que l'œil transforme en lecture continue grâce à un système de narration elliptique (on imagine ce qui se passe entre les photos). Cette narration est facilitée par des relais : couleur, éclairage, décor... et surtout par des récitatifs (cartouches de texte) souvent très importants. Car dans le roman-photo, le verbal (ballons et récitatifs) domine. Il donne du sens à des photos généralement pauvres en informations : seules 40 % de celles-ci sont essentielles pour assurer la compréhension et le bon déroulement du récit.

   Comme le conte, le roman-photo se situe entre le mythe et le roman. Du premier, il a les personnages stéréotypés (l'héroïne, le prince, le contre-héros...). Du second il possède à la fois le déroulement dans un temps « réel » et le caractère de fiction. L'image de la femme domine ces récits. On y retrouve tous les types féminins culturels et littéraires : la femme éternelle, la séductrice, la mère, l'inaccessible, l'inspiratrice, la dominatrice, la femme fatale, la femme-objet... Pourtant, les hommes (un quart des lecteurs de roman-photo) tiennent le premier rôle dans ces histoires. Celles-ci ne sont pas figées : il y apparaît de plus en plus souvent des marginaux (assez sages quand même), des femmes féministes et libérées (mais sans excès), des homosexuels des deux sexes (mais là, tout est suggéré et rien n'est dit). D'autre part, « l'irruption du bonheur » (E. Morin) en fin de récit a cessé d'être la généralité. En effet, même si la quête de l'amour (avec tous les obstacles que le prince ou l'héroïne doivent vaincre) reste au cœur des romans-photos, ses thèmes n'ont cessé de se renouveler. Ce genre n'ignore ni le social, ni le réel, ni le quotidien, mais il se contente de l'évoquer en l'euphorisant ou en le sécurisant comme le fait la publicité. Le roman-photo a adapté la plupart des grandes œuvres littéraires (les Misérables, Madame Bovary, les Hauts de Hurlevent...) en leur faisant subir les « altérations » nécessaires à cette évacuation du social ou du politique.

   Le roman-photo a connu autrefois un immense succès commercial : pendant vingt ans, les ventes de Nous Deux ont toujours dépassé chaque semaine le million d'exemplaires. Victime de la concurrence des sagas romantiques de la télévision et de l'évolution des mentalités, l'attrait pour le genre accuse une nette régression. Il fit longtemps l'objet de violentes critiques reposant sur des préjugés culturels très discutables. Mais il fascine toujours. Reportages télévisés et dossiers dans la presse magazine... rappellent régulièrement ses heures de gloire. En 1997, Télérama a offert à ses lecteurs de l'été un long roman-photo : l'Énigme du fétiche noir avec l'acteur R. Bohringer.