Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
N

Ninochvili (Ingoroq'va Egnat'e Tomas dze, dit Egnat'e)

Écrivain géorgien (Q'ela, rég. de Lantchxuti, 1859 – Tchikveti [Artcheuli], id., 1894).

Fils de paysans pauvres, il fut le maître à penser du Mesame dasi (le Troisième Groupe), d'inspiration marxiste. Ses récits racontent le déclin de la noblesse après l'abolition du servage et la prolétarisation des paysans qui s'ensuivit (Gogia Uichvili, 1890 ; le Lac de P'aliast'omi, 1891 ; Krist'ine, 1893 ; le Chevalier de notre pays, 1894). Il a aussi consacré un roman (Révolte en Gourie, 1888-1889) à l'insurrection de 1841, qui fut réprimée dans le sang.

Nisard (Désiré)

Critique littéraire français (Châtillon-sur-Seine 1806 – San Remo 1888).

Professeur d'éloquence latine au Collège de France (1844), inspecteur général de l'enseignement supérieur (1852), il succéda à Villemain dans la chaire d'éloquence française de la Sorbonne et devint (1857) directeur de l'École normale supérieure. Son Histoire de la littérature française (1844-1861), qui témoigne d'une admiration exclusive pour le XVIIe s. classique, devait marquer durablement la tradition universitaire française.

Nishiwaki Junzaburo

Poète et critique littéraire japonais (Niigata 1894 – id. 1982).

Professeur de littérature anglaise à l'Université Keio (1926-1961), il étudia la littérature médiévale à Oxford (1922-1926), séjour au cours duquel il voyagea en France et en Espagne. Dès son retour, il participa à des groupes littéraires modernistes ou d'avant-garde, et publia des critiques sur le surréalisme (1929-1930) et son recueil de poème Ambarvalia (1933). Il consacra également de longues années à ses traductions de T. S. Eliot (Poems, 1929 ; Waste Land, 1952). Maître incontesté, il marqua l'évolution de la poésie japonaise de l'après-guerre : Sans retour, le voyageur (1947) ; Troisième Mythe (1956) ; Temps perdu (1960).

Niwa Fumio

Romancier japonais (Yokkaichi 1904-Musashino 2005).

Issu d'un foyer de desservants bouddhistes que sa mère déserte alors qu'il est encore enfant, il fait des études de littérature japonaise à l'Université Waseda, et s'engage résolument dans la carrière littéraire à la suite de la parution de sa nouvelle la Truite (avril 1932). L'épreuve de la guerre l'orientera vers un engagement social dont témoigneront l'Age de méchanceté (1947), le Serpent et les Colombes (1952). Il demeurera toutefois fondamentalement marqué par la conscience du péché que lui inspire l'histoire de sa famille : dans plusieurs œuvres autobiographiques (le Blé qui lève, 1953 ; l'Arbre du Bouddha, 1955 ; Une seule route, 1966), il décrit sans complaisance l'asservissement fatal de l'être humain à la sensualité, et consacre de vastes séries aux deux figures de réformateurs du bouddhisme japonais : Shinran (4 vol., 1965-1969) et Rennyo (8 vol., 1971-1981).

Nizan (Paul)

Écrivain français (Tours 1905 – Audruicq, Pas-de-Calais, 1940).

Après une formation des plus classiques (Henri-IV, l'École normale supérieure, l'agrégation de philosophie en 1929), un voyage à Aden brise le cocon des vérités abstraites : en 1932, Aden Arabie, mi-récit, mi-essai, fait le bilan de cette expérience de la désillusion, tandis que les Chiens de garde entreprennent la critique de l'idéalisme universitaire et de la philosophie en chambre qui jamais n'a sauvé personne. Nizan, qui a adhéré au parti communiste, devient un journaliste militant à l'Humanité (1935), où il assure la politique étrangère, puis à Ce soir en 1937. De cette activité extérieure restent Chroniques de septembre, où il réfléchit à la fonction du journaliste politique qui écrit l'histoire au jour le jour et qui se heurte au problème constant des sources de son information. Avant de mourir en juin 1940 dans la retraite de Dunkerque, Nizan avait eu le temps de publier trois romans (Antoine Bloyé, 1933 ; le Cheval de Troie, 1935 ; la Conspiration, 1938). Nizan paya cher sa rupture avec le P.C.F., en protestation contre le pacte germano-soviétique, même de façon posthume : après la Libération, on l'accusa d'avoir trahi et émargé au ministère de l'Intérieur. Il allait glisser dans un oubli méprisant quand Sartre lança en 1960 la petite bombe de sa préface à la réédition d'Aden Arabie. Nizan devient la figure mythique d'un radicalisme absolu, celle de « l'homme qui a dit non jusqu'au bout ». Cet extrémisme et ce refus de l'ordre bourgeois, l'enfance l'explique : fils d'un ouvrier triste d'avoir renié sa classe et d'une « vieille bourgeoise enfantine », Nizan ne vit jamais dans l'avenir que la lueur sinistre qui éclairait le passé de son père. De là était sorti Antoine Bloyé, roman du dégoût. Nizan représente ce désir de devenir un homme nouveau, en sortant de soi : indifféremment, le marxisme servit à tout ; et, quand ses représentants trahirent à leur tour, il ne resta plus qu'à revenir à la révolte anarchique et désespérée, dont Aden Arabie reste la manifestation la plus belle : « J'avais vingt ans, je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. »

Nizon (Paul)

Écrivain suisse-allemand (Berne 1929).

Les romans de ce Parisien d'adoption, d'empreinte fortement autobiographique (Canto, 1963 ; Stolz, 1975 ; l'Année de l'amour, 1981), donnent à lire l'étonnement et le ravissement face à la prodigalité de la vie : acte existentiel, l'écriture est pour Nizon à la fois le moyen de rapprocher le monde et de réfléchir à cet effort (Swiss made, 1971 ; Dans le ventre de la baleine, 1985 ; l'Envers du manteau, 1995 ; Chien. Confession à midi, 1998).

Njegos (Petar Petrovic)

Prince-évêque du Monténégro et poète (Njegos 1813 – Cetinje 1851).

Âgé de 17 ans, il succéda à son oncle Petar Ier et devint le chef religieux du Monténégro, dont l'indépendance n'était reconnue ni par les Ottomans ni par les puissances européennes. Il créa les premières institutions de l'État monténégrin et préserva l'indépendance de fait du pays. Il mourut de tuberculose. Son œuvre est une synthèse de l'expression poétique populaire et d'une pensée originale. Elle exprime aussi l'idée nationale serbe car Njegos considérait que son petit pays n'était qu'une partie du peuple serbe. Son poème la Lueur du microcosme (1845) décrit la révolte de Satan et d'Adam contre Dieu et leur chute. Son chef-d'œuvre, la Couronne de la montagne (1847) a pour sujet la légende de l'extermination des musulmans monténégrins au XVIIIe s. Le Faux Tsar Étienne le Petit (1851) est une sorte de comédie héroïque.