Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Jacques Legrand

Prédicateur et écrivain français (vers 1360 – v. 1415).

Il composa une œuvre de compilation morale et scientifique avant son engagement dans la politique. Dans le Sophilogium (vers 1398), traité de rhétorique et de morale, il proposa une sorte de typologie littéraire. Il en fit une adaptation française, l'Archiloge Sophie, adressée à Louis d'Orléans. Le Livre des bonnes mœurs, très moral et religieux, dédié à Jean de Berry, reprend une grande partie de l'Archiloge.

Jaeger (Frank)

Écrivain danois (Frederiksberg 1926 – Copenhague 1977).

Son premier recueil de vers, Poèmes sages (1948), choqua par son allégresse et son absence d'idéologie en un temps où la poésie se voulait engagée et philosophique. Au contraire de ses contemporains, il chante volontiers la nature et la campagne (Idylles, 1867), en particulier dans l'autobiographie ironique les Souffrances du jeune Jaeger (1953), et dans ses nouvelles. Il a également écrit des pièces radiophoniques.

Jaeger (Hans)

Écrivain norvégien (Drammen 1854 – Tostrupgården, Oslo, 1910).

Il dirige ses attaques contre la société bourgeoise et son hypocrisie, le christianisme et une conception de la morale qu'il juge dépassée dès la Critique de la raison de Kant (1878). Il est surtout connu pour son roman De la Bohème de Christiania (1885), préparé par ses prises de position dans le débat sur la prostitution et la liberté sexuelle (Olga, 1883 ; Une séduction intellectuelle, 1884). Jaeger passa de longues années en France, où il publia une trilogie autobiographique. Interdits dans tous les pays scandinaves, ses romans ne parurent en Norvège qu'en 1969.

Jahier (Piero)

Écrivain italien (Gênes 1884 – Florence 1966).

Collaborateur à la Voce, ses récits mêlés de prose et de vers, marqués par l'expérience de la Première Guerre mondiale, se caractérisent par le lyrisme du style et l'exigence éthique (Adolescent, 1919 ; Avec moi et avec les alpins, 1919).

Jahin (Salah)

Poète égyptien (Le Caire 1930 – 1986).

Journaliste et caricaturiste au journal al-Ahrâm, il opte pour le dialecte égyptien, pour composer une poésie toute de simplicité et d'espoir dans les idéaux révolutionnaires de l'Égypte nassérienne (le Mot Salâm, 1955 ; Complainte pour un canal, 1956 ; De lune et de boue, 1961 ; Quatrains, 1963 ; Mélodies de septembre, 1984).

Jahnn (Hans Henny)

Écrivain allemand (Stellingen, Hambourg, 1894 – Hambourg 1959).

Anarchiste et pacifiste exilé au Danemark, facteur d'orgues anciens, éleveur de chevaux et chercheur, cet auteur, décrivant « l'enfer de la chair » avec toutes ses perversions, n'a cessé de choquer. Son œuvre, où la créature est jetée dans un monde où il faut « dévorer ou être dévoré », rassemble des pièces réputées « injouables » (Pasteur Éphraïm Magnus, 1919 ; le Couronnement de Richard III, 1921 ; Médée, 1926), des récits (la Nuit de plomb, 1956) et deux fresques baroques et sensualistes, Perrudja (1929) et la trilogie Fleuve sans rives (1949-1961).

Jakemes

Écrivain picard (fin XIIIe s.).

Il est l'auteur du roman le Châtelain de Coucy, en 8 000 octosyllabes (vers 1285), dont le héros est le célèbre trouvère picard qui mourut à la quatrième croisade. Le thème du roman est la jalousie et le motif principal, le « cœur mangé » : le mari de la dame de Fayel récupère le cœur de l'amant de sa femme, Renaut, le châtelain de Coucy mort à la croisade, et le lui fait manger : elle en meurt de chagrin. Des pièces lyriques de Guy de Coucy sont insérées dans la narration.

Jalal (Muhammad Uthman)

Écrivain égyptien (près de Banî Suwayf 1829 – Le Caire 1898).

Créateur, avec Ibrâhîm al-Muwaylihî, de la revue Nuzhat al-Afkâr (1869), il adapta Bernardin de Saint-Pierre et La Fontaine en arabe littéraire, Racine et Molière en dialecte égyptien, particulièrement al-Chaykh Matlûf (Tartuffe), 1873.

Jamblique le Syrien, en gr. Iamblichos

Romancier grec (IIe s. apr. J.-C.).

D'origine syrienne et d'éducation grecque, il enseigna peut-être la rhétorique et composa un long roman, les Babyloniques ou Histoires babyloniennes, dont il ne reste que des fragments et un résumé dans la Bibliothèque de Photios. L'intrigue évoque, sur un fond pseudo-historique et dans une tonalité proche des contes orientaux, les aventures sentimentales et tragiques de deux jeunes mariés, Sinonide et Rodane.

James (Cyril Lionel Robert, dit C. L. R)

Écrivain trinitéen (la Trinité 1901 – Londres 1989).

Intellectuel engagé, polémiste de talent, il est un peu aux Caraïbes ce que W. E. B. DuBois fut aux États-Unis. Il a écrit une vingtaine d'ouvrages théoriques et critiques qui traitent de Trotski ou de Melville (Marins, renégats et naufragés, 1953, 1978), des révoltes d'esclaves ou de l'Internationale communiste, dans un souci de lutte contre le colonialisme occidental et une tentative incessante pour examiner les rapports entre socialisme et libération politique et raciale (les Jacobins noirs, 1938), société et culture (il s'intéresse ainsi beaucoup aux formes culturelles existant dans les Caraïbes, s'appuyant notamment sur l'exemple du cricket). Grand voyageur, James a surtout vécu en Grande-Bretagne (1932-1938 ; 1953-1958 ; il y passera ses dernières années), aux Caraïbes (1958-1960) et aux États-Unis (1938-1953 ; et une dizaine d'années à partir du milieu des années 1960), ne manquant pas d'inspirer des intellectuels engagés, de George Padmore à George Lamming. Ses activités politiques ne doivent pas faire oublier ses pièces (notamment sur Nkrumah et sur Toussaint Louverture), ses nouvelles (Triomphe, 1929) et un roman (Minty Alley, 1936) qui explore, dans un style vivant et populaire, l'aliénation de l'intellectuel antillais vis-à-vis de son peuple – aliénation qui appauvrit l'un et l'autre. Ses écrits sont ceux d'un penseur qui, le premier, avec son collaborateur Alfred H. Mendes, s'est intéressé aux couches les plus basses de la société trinitiéenne. Leur journal Trinidad, puis ensuite The Beacon (dirigé par Albert Gomes de 1931 à 1933) seront les premiers organes d'opinion où les Afro-Caribéens pourront s'exprimer librement. Ses positions lui vaudront d'être persona non grata aux États-Unis et aussi, brièvement, à Trinidad au début des années 1960, alors que l'île vient d'accéder à son indépendance. Enfin, il faut signaler son roman autobiographique Au-delà des limites (1963), dont les interrogations portent sur la nature de l'art, et les liens entre les lettres et la culture populaire.

Les Jacobins noirs, étude historique (1938). Consacrée à Toussaint Louverture et la révolution de Saint-Domingue, elle témoigne d'une méthode scrupuleuse qui met en relation l'action des individus et des masses et les contraintes économiques : personnages dramatiques, scènes évoquées avec brio et, surtout, souci d'une perspective « tiers-mondiste » font de cet essai un classique du genre.