Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
V

Verma (Nirmal)

Écrivain de langue hindi (Shimla 1929).

Il a passé plus de dix ans en Tchécoslovaquie et a contribué, par la traduction, à établir des liens littéraires entre les deux pays. Son œuvre romanesque et ses nouvelles se caractérisent par la musicalité du style, une recherche spirituelle et esthétique, primant sur les contenus narratifs (Un bonheur en lambeaux, 1979 ; la Dernière Forêt, 1999). Ses essais philosophiques et littéraires comptent parmi les plus importants travaux sur l'esthétique moderne (les Risques de l'art, Dialogue entre l'Inde et l'Occident, En descendant la pente).

Vermenouze (Arsène)

Poète français de langue d'oc (Vielles d'Ytrac 1850 – id. 1910).

Ce négociant qui séjourna souvent en Espagne devint le fondateur et le premier président de l'école félibréenne auvergnate en 1894, et le directeur de sa revue Lou Cobreto (1895). Élu majoral du félibrige en 1900, il composa deux recueils de vers, Fleur de brousse (1896) et Sous la toiture (1908), qui allient lyrisme et réalisme et connurent une grande popularité en Auvergne, région dont Vermenouze demeure un des chantres.

Verne (Jules)

Écrivain français (Nantes 1828 – Amiens 1905).

D'abord attiré par le théâtre après ses études de droit (1846-1850), Verne fit jouer sa première pièce grâce à Alexandre Dumas : les Pailles rompues (1850). Secrétaire du Théâtre-Lyrique (1851-1855), il écrivit des comédies et des livrets d'opérette : le Colin-Maillard (1853), Monsieur de Chimpanzé (1858). Après des nouvelles publiées dans le Musée des familles, Verne vint au roman sous l'influence de Poe. La rencontre avec l'éditeur Hetzel, qui accepta de publier Cinq Semaines en ballon (1862), fit naître le projet d'une série de romans qui recevront le titre général de « Voyages extraordinaires » : ce seront des récits de voyages imaginaires qui auront aussi une dimension éducative. Parallèlement, Hetzel lançait une publication, le Magasin d'éducation et de récréation (1864) dans lequel une partie des romans de J. Verne vont paraître en feuilletons.

   Dès lors, la vie de l'écrivain semble se confondre avec son œuvre. Jusqu'à sa mort en 1905, il écrira soixante-deux romans, s'astreignant à un labeur régulier, se livrant à un énorme travail de documentation, prenant des notes qui viennent autant de nombreuses lectures que de choses vues ou entendues. Rédigeant ses « Voyages extraordinaires », il devint lui-même voyageur, se rendant en Amérique à bord du Great-Eastern, puis s'achetant des bateaux qui grandirent avec le succès, mais portèrent tous le nom de Saint-Michel et le menèrent tant dans les pays nordiques qu'en Méditerranée.

L'extraordinaire

L'œuvre vernienne relève du genre du voyage imaginaire, mais la science y remplace le merveilleux. Les premiers « Voyages extraordinaires » traduisent bien la volonté du héros vernien d'arpenter toute la surface de la Terre et de connaître les lieux inexplorés. Après Cinq Semaines en ballon, qui s'intéressaient au centre de l'Afrique, les romans suivants sont plus hardis. Voyages et aventures du capitaine Hatteras (1864-1865) entraînent le lecteur à la découverte du pôle Nord. Voyage au centre de la Terre (1864) raconte comment le géologue allemand Lidenbrock trouve miraculeusement dans un vieux manuscrit un cryptogramme dont l'auteur, Arne Saknüssem, alchimiste islandais du XVIe siècle, révèle la route à prendre pour atteindre le centre de la Terre. Lidenbrock décide de tenter l'aventure, accompagné de son neveu Axel et d'un guide islandais. Ce périple souterrain se présente comme une remontée dans le temps : dans les entrailles du globe, les explorateurs découvrent les merveilles d'un monde inconnu où vivent encore des animaux préhistoriques et peut-être des êtres humains. De la Terre à la Lune (1865), dans un registre plus fantaisiste, montre comment les artilleurs américains du Gun-Club, désœuvrés avec la fin de la guerre de Sécession, décident d'envoyer un obus vers la Lune au moyen d'un immense canon. Le projet va évoluer quand le Français Michel Ardan (à qui Nadar servit de modèle) annonce son intention de prendre place à bord de l'obus...

   Vingt Mille Lieues sous les mers (1869-1870) est une véritable épopée sous-marine. Le naturaliste français Aronnax, parti combattre un monstre marin, découvre que celui-ci est un engin sous-marin lorsqu'il y est fait prisonnier avec son domestique Conseil et le harponneur canadien, Ned Land. Ils rencontrent ainsi le capitaine Nemo qui a fabriqué ce sous-marin pour fuir la société humaine. Grâce à ce dernier, ils accomplissent le voyage le plus extraordinaire qu'ils aient pu imaginer au fond des mers. Nouvel Ulysse, véritable génie des abysses, ce « Personne » (c'est le sens du mot latin nemo) dispose de trésors, retrouve les traces de l'Atlantide et combat dans les profondeurs les tyrans de tous pays.

   Le rêve du héros vernien semble être de s'approprier l'univers dans une représentation écrite : il éprouve un besoin et un véritable plaisir à dresser des cartes des lieux inconnus et à rédiger le récit de son voyage. Ce parcours systématique du globe se présente aussi comme une véritable contrainte d'écriture annonçant celles de l'OuLiPo, Verne s'obligeant à ne jamais revenir dans un pays déjà traversé.

   Des machines étranges traversent ces récits : le Nautilus de Nemo, l'Albatros, le navire volant de Robur-le-Conquérant (1886) ou le Géant d'acier, une locomotive en forme d'éléphant (la Maison à vapeur, 1880). Mais ces machines sont toujours inspirées de recherches de l'époque. Le Château des Carpathes (1892) a pour cadre la Transylvanie où règnent les superstitions : la présence d'un château abandonné suffit pour alimenter l'imagination des villageois voisins. Comme dans un roman gothique, Verne réunit divers motifs fantastiques (monstres aériens, voix étranges, fantômes), mais une explication finale, proprement scientifique, vient dissiper toute ambiguïté.

   D'autres récits présentent une véritable dimension fantastique. Le Sphinx des glaces (1897) est la continuation des Aventures d'Arthur Gordon Pym de E. Poe. En essayant d'approcher du pôle Sud, une expédition va retrouver les traces du héros du conteur américain et surtout découvrir un étrange sphinx qui se dresse à proximité du pôle, bizarrerie de la nature ou construction d'une civilisation disparue.

Un regard sur l'époque

Même s'il paraît moins étrange, le Tour du monde en quatre-vingts jours (1872) est aussi un voyage extraordinaire. À la suite d'un pari, l'Anglais flegmatique Phileas Fogg est amené à effectuer le tour du monde en un temps record, en compagnie de son domestique, le Français Passepartout. Ce voyage est plus mouvementé que prévu, associant humour et suspense : il illustre bien la turbulence du monde (attaque des Indiens, tempêtes, erreurs policières – le héros est poursuivi tout au long de son périple par l'agent Fix, qui le croit coupable d'un vol de deux millions à la Banque d'Angleterre –, coutumes aberrantes). Quand Fogg croit tout perdu, il s'aperçoit que, en ayant fait le tour de la Terre par l'est, il a gagné vingt-quatre heures. Le roman s'achèvera dans le romanesque : Phileas Fogg épouse Aouda, la veuve d'un maharadjah qu'il a sauvée du bûcher sacrificiel au cours de sa traversée des Indes.

   L'œuvre vernienne n'est pas fermée aux problèmes contemporains. En homme de son temps, Verne est sensible aux grands mouvements du siècle qui défilent dans son œuvre : conflit de 1870 (les Cinq Cents Millions de la bégum, 1879), guerre de Sécession aux États-Unis (Nord contre Sud, 1887), conquête de l'Algérie (l'Invasion de la mer, 1905), montée du capitalisme (l'Île à hélice, 1895), révolte canadienne (Famille-sans-nom, 1889), problème du progrès (Robur-le-Conquérant, 1886). Exerçant les fonctions de conseiller municipal d'Amiens de 1888 à 1902, Verne observe l'évolution de la fin du XIXe siècle et s'interroge sur l'avenir.

   Ainsi, l'Île mystérieuse (1874-75) débute sur la guerre de Sécession : des Américains nordistes s'évadent à bord d'un ballon et un ouragan les jette sur une terre inconnue, où ils vont vivre une robinsonnade avant de retrouver Nemo. Ce chef-d'œuvre de Verne se présente comme une interrogation sur l'évolution de la civilisation, que l'on retrouve dans d'autres romans, y compris dans des récits posthumes : l'Île à hélice (1895), les Naufragés du Jonathan (1909), l'Éternel Adam (1910). De même que le monde est clos, le devenir de l'humanité n'est-il pas une boucle ?

   On ne saurait réduire cette œuvre à l'anticipation, voire à une préfiguration de la science-fiction, ni à la littérature enfantine. Verne a bâti un ensemble romanesque, reflet d'une époque qui refuse de renoncer au rêve, mais s'interroge sur son évolution.