Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
V

Vezinov (Nikola, dit Pavel)

Écrivain bulgare (Sofia 1914 – id. 1983).

Dans ses récits, ses nouvelles et ses romans, d'inspiration parfois fantastique, l'auteur adopte une écriture moderne, fondée sur le montage (Chevaux blancs dans la nuit, 1974). Le conflit de générations se transforme en quête passionnée, dans une réalité en pleine mutation. Avec beaucoup de pessimisme, Vezinov constate l'échec de toute tentative d'élévation spirituellle (la Barrière, 1976) dans un monde de « castrats de l'esprit » acceptant leur aliénation, attitude courante vivement dénoncée et rejetée par le narrateur.

Vezirov (Nadjafbek Fatalibek-ogly)

Auteur dramatique azerbaïdjanais (Choucha 1854 – Bakou 1926).

L'un des fondateurs du théâtre national (1873), il composa, sous l'influence d'Ostrovski, des comédies de mœurs où sont dénoncées la scolastique de l'islam (À toi la viande, à moi les os, 1873 ; Tableaux d'une éducation, 1875), la déchéance de la noblesse (Seul le nom reste, 1891) et l'apparition d'un capitalisme rapace (les Héros de notre temps, 1898). Ses drames le révèlent sensible à l'éveil des idées modernes et à la métamorphose de la société (le Malheur de Fakhreddin, 1896 ; l'Aube d'une ère nouvelle, 1924).

Vialar (Paul)

Écrivain français (Saint-Denis 1898 – Vaucresson 1996).

D'abord poète (le Cœur et la Boue, 1920) et auteur de comédies réalistes, il rencontre le succès avec son roman la Rose de la mer (1939). Ses romans (la Grande Meute, 1943 ; Rien que la vérité, 1980) et ses vastes cycles (La mort est un commencement, 1945-1951 ; la Chasse aux hommes, 1952-1953 ; Chronique française du XXe siècle, 1955-1961) évoquent une société dont le jeu d'affrontements s'incarne dans le thème de la chasse.

Vialatte (Alexandre)

Écrivain français (Magnac-Laval, Haute-Vienne, 1901 – Paris 1971).

Né d'une famille auvergnate très attachée à sa région, initié à la littérature par son ami Henri Pourrat, il séjourne en Allemagne (1922-1928) pour le compte de la Revue rhénane et de l'Intransigeant ; ses chroniques (rassemblées dans Bananes de Königsberg, posth., 1985) sont celles d'un témoin lucide de la montée du nazisme. Après un premier roman publié, Battling le Ténébreux (1928), histoire d'une rivalité d'adolescents autour d'une même femme, et un recueil de courtes nouvelles, Badonce et les créatures (1937), il est nommé professeur de français en Égypte en 1937 (lycée d'Héliopolis). Prisonnier en juin 1940, physiquement et mentalement épuisé à la suite d'une marche interminable, il doit être interné à l'asile de Saint-Ylie (Jura), d'où il sortira brisé. Installé dès lors en Auvergne, il écrit plusieurs romans dont quelques-uns seulement seront achevés et publiés de son vivant : le Fidèle Berger (1942), inspiré par l'épreuve de la guerre ; la Maison du joueur de flûte (posth., 1986), la Dame du Job (posth., 1987), Camille et les grands hommes (posth., 1999), les Fruits du Congo (1951). Régulièrement, des personnages d'adolescents rêveurs y gravitent autour d'une figure féminine mystérieuse dans un labyrinthe d'aventures indécises, teintées de mélancolie autant que de cocasserie ou d'humour noir. À partir de 1952, il se consacre exclusivement à ses chroniques, écrites le plus souvent pour le quotidien la Montagne (elles seront rassemblées après sa mort : Chronique de « la Montagne », 2000-2001). Chefs-d'œuvre d'humour et de fantaisie satirique dont les cibles sont « le progrès qui fait rage », les mœurs de ses contemporains, et plus rarement les événements ou les personnalités politiques, ces chroniques font de lui un maître du genre et la conscience aiguë d'une époque. Il s'y montre aussi l'admirateur fervent et érudit de Montaigne, Pascal, Pourrat, Paulhan, Carco, Heine, Dubuffet, entre autres, saisis dans de courtes notes qui font mouche. Vialatte fut toute sa vie un grand traducteur, entre autres de Nietzsche, de Thomas Mann, et surtout de Kafka qu'il contribua largement à faire connaître en France.

Viale (Salvatore)

Écrivain français d'expression italienne (Bastia 1787 – id. 1861).

Il est l'auteur de Dionomachia (1817), œuvre burlesque sur un conflit survenu en 1812 entre deux villages, où il insère, comme exercice plaisant, onze sizains en corse, premier texte imprimé dans cette langue. En 1835, il publie sans nom d'auteur le premier recueil de « chansons paysannes » corses, qu'il augmentera en 1843 et intitulera Chants populaires corses. Il fut un défenseur ardent de la langue italienne en Corse : il en fit rétablir l'usage officiel à Bastia à la chute de l'Empire et en stigmatisa plus tard le délaissement littéraire dans l'essai De l'usage de la langue patriotique en corse (1858).

Vian (Boris)

Écrivain français (Ville-d'Avray 1920 – Paris 1959).

Destin ironique que celui de cette vie littéraire essentiellement posthume, qui a fini par résumer la génération du Saint-Germain-des-Près de l'après-guerre : « les années Vian » (P. Galbeau). Vian avait dès 1950 évoqué le quartier existentialiste et sa faune dans un Manuel, qui ne sera publié qu'en 1974. Il tentait d'y révéler la vérité sur une époque, lui qui d'emblée avait choisi le masque : il se diluait dans les multiples rôles d'ingénieur (il avait été reçu à l'École centrale en 1939), de trompettiste au « Tabou », de joueur d'échec, de chroniqueur aux Temps modernes (il y tint la « Chronique du Menteur » en 1946), de critique de jazz (il évoquera dans En avant la zizique en 1958 sa collaboration à Jazz-hot et ses articles seront réunis dans Écrits sur le jazz en 1981 et 1982), de traducteur (le Bluffeur de James Cain, l'Homme au bras d'or de Nelson Algren, le Client du Matin de Brendan Behan, mais aussi l'Histoire d'un soldat du général Bradley), de parolier et interprète de chansons (son Déserteur aura un succès de scandale pendant la guerre d'Algérie), de peintre (il a dessiné des mécaniques étranges comme une « machine à confesser ») et de sculpteur (il a produit de curieux personnages en bois). Son double littéraire, Vernon Sullivan, connaissait la célébrité avec J'irai cracher sur vos tombes (1946), Elles se rendent pas compte (1948), Et on tuera tous les affreux (1948), alors que les romans signés de son nom (Vercoquin et le plancton, 1946 ; l'Écume des jours, 1947) restaient superbement ignorés, sauf du Collège de pataphysique qui appréciait (très particulièrement Queneau) son humour désespéré hérité de Jarry et qui l'accueillit en son sein en 1952 comme « Transcendant Satrape ».

   Boris Vian tendait ainsi la clef de son milieu et de son temps mais, parce qu'il avait choisi en une période de conformisme engagé l'ironie funambulesque, personne ne croyait à la réalité du poète (les Cent Sonnets, 1941-1944 ; Barnum's digest, 1948 ; Cantilènes en gelée, 1950 ; Je voudrais pas crever, 1962) pas plus que du romancier (l'Automne à Pékin, 1947 ; l'Herbe rouge, 1950). Toute sa démarche entre le surréel et l'absurde pourrait être définie par l'Arrache-Cœur (1953) et par la verve parodique de son théâtre (l'Équarissage pour tous, 1950 ; le Goûter des généraux, 1951 ; les Bâtisseurs d'empire, 1959) que l'on retrouve dans les Petits Spectacles (1977), recueil des textes pour le théâtre de cabaret. Outre des nouvelles (les Fourmis, 1949 ; Loup-garou, 1964 ; le Ratichon baigneur, 1981), on doit encore à Boris Vian des livrets d'opéra : le Chevalier de neige (1957), sur une musique de Georges Delerue, et Fiesta (1958), pour Darius Milhaud. Partout règnent l'amour fou, l'invention verbale et l'attrait nostalgique pour un merveilleux doux-amer.