Pourrat (Henri)
Écrivain français (Ambert 1887 – id. 1959).
Attaché à son Auvergne natale, il choisit d'y vivre plutôt que de faire carrière à Paris, ce qui ne l'empêchera pas d'écrire soixante-dix ouvrages. Aux recueils de poèmes les Montagnards (1919), Chansons... Liberté (1921), succèdent des récits qui s'inspirent de l'histoire locale ou de la légende (Dans l'herbe des trois vallées, 1927 ; les Sorciers du canton, 1933 ; la Cité perdue, 1935 ; Histoire fidèle de la bête en Gévaudan, 1946). C'est avec Vent de mars, à la fois essai, journal et roman, que l'écrivain obtient le prix Goncourt en 1941 : il s'y révèle tour à tour géographe, historien, démographe, philosophe, économiste et critique littéraire. S'aidant d'enquêtes menées sur le terrain pendant des années, il retrouve les sources authentiques de la culture populaire. Il fait revivre celle-ci dans Gaspard des montagnes (1922-1931), véritable geste rurale : elle en a le souffle épique et le foisonnement picaresque, dans un style oral, savamment emprunté à la langue paysanne. Le roman a pour héros un jeune gars du Livradois qui, pour protéger sa cousine Anne-Marie, victime innocente de noirs bandits, se lance dans tout un cycle de « vaillances, farces et aventures » au temps de Napoléon. Bâtie sur un conte de peur et de vengeance, cette « histoire à cent histoires » fait alterner, au rythme de veillées pathétiques ou cocasses, tous les rebondissements du roman d'aventures (vols, rapts, duels, incendies, ruses, chantage, crimes et traîtrises). Gaspard prend la défense du petit peuple des campagnes contre l'avidité des bourgeois d'Ambert, qui détiennent la terre et l'argent, spéculent sur le grain et règnent sur le pays par la terreur. À l'intérêt de cet affrontement s'ajoute la valeur du document : fidèle jusqu'au moindre détail à la terre où il s'enracine, le récit présente un tableau du ménage des champs au lendemain de la Révolution, où l'on peut observer la répercussion locale des événements historiques (vente des biens nationaux, chute de l'Empire, occupation des Cosaques, troubles de la Restauration). Ces géorgiques s'épanouissent dans l'évocation poétique du domaine des Escures en ses travaux et en ses joies. Au-delà, l'amour impossible d'Anne-Marie et Gaspard s'accomplit dans le renoncement du sacrifice, exprimant l'idéal des « grandes mœurs » qui fut celui de la civilisation terrienne et chrétienne.
Gaspard des montagnes domine les autres récits de Pourrat (le Mauvais Garçon, 1926 ; Monts et Merveilles, 1934 ; le Chasseur de la nuit, 1951) et ses nombreux contes, même si c'est là son genre de prédilection : Contes de la bûcheronne (1936), Contes des montagnes (1946), Légendes d'Auvergne (1947), Conte sous l'alisier (1950), la Belle Mignonne (1951), Contes du pré carré (1952), Trésor des contes (1948-1962). Rejetant un régionalisme étroit, Henri Pourrat a su pourtant enraciner son œuvre dans un terroir dont elle tire toute sa saveur.
Pourtalès (Guy de)
Romancier français d'origine suisse (Berlin 1881 – Lausanne 1941).
De famille protestante, il bénéficia d'une éducation cosmopolite. Nationalisé français, il fut gazé au cours de la Première Guerre mondiale. Essayiste (De Hamlet à Swann, 1924 ; Berlioz, 1939), il est aussi romancier : la Pêche miraculeuse (1937) fait la chronique d'une société, à travers les aventures d'un jeune aristocrate genevois qui découvre l'horreur de la guerre de tranchées ; l'ensemble constitue une vaste fresque (qui fait songer aux Thibault de son contemporain Roger Martin du Gard) où s'affrontent les scrupules moraux caractéristiques du protestantisme romand, et la possibilité du salut par le dévouement à la souffrance des autres. Européen attaché à ses origines, il fut, selon Denis de Rougemont, l'un de ces écrivains « qui essaient de représenter l'idée de la Suisse au regard de l'Europe » (Contes du milieu du monde, 1940).
Powell (Anthony Dymoke)
Écrivain anglais (Londres 1905-Frome, Somerset, 2000).
Rêvant d'être Proust, il décrit en une immense saga, dont le « Narrateur » est Nick Jenkins (la Musique du temps, 1951-1975), l'Angleterre mondaine depuis 1921 : une vision de plus en plus sombre de la résistible ascension des « hommes nouveaux », par un rival de Huxley et de Durrell. On lui doit aussi des pièces de théâtre (The Garden God, 1971) et une autobiographie (1976-1982).
Powys (John Cowper)
Écrivain anglais (Shirley, Derbyshire, 1872 – Blaenau-Ffestiniogg, Pays de Galles, 1963).
Poète et essayiste, il est surtout connu pour ses longs romans panoramiques d'inspiration mystique et sensuelle. Dans Wolf Solent (1929), un instituteur, déchiré entre l'amour charnel et une liaison spirituelle, est contraint de participer à un projet pornographique. Les Enchantements de Glastonbury (1932) s'achèvent sur une inondation cataclysmique, mise en scène des obsessions et du désir d'harmonie de l'auteur. On lui doit une Autobiographie (1934) dont la franchise, l'humour et la vitalité rejoignent la mystique de ses romans. Son frère Llewelyn (Dorchester 1884 – Davos, Suisse, 1939) tenta de retrouver la santé en Afrique du Sud puis en Suisse, avant de mourir de tuberculose. Ses romans africains célèbrent une vitalité et une cordialité qui ne sont que le masque pudique de la souffrance. Theodore Francis (Shirley, Derbyshire, 1875 – Mappowder, Dorset, 1953), frère des précédents, s'installa dans le Dorset pour y mener une vie d'ermite, partagée entre une mélancolie fataliste proche de celle de Hardy et une vision déchirante de l'amour. De ses huit romans, le plus connu est le Bon Vin de Mr. Weston's (1927).
Pozzi (Catherine)
Poétesse française (1882 – 1934).
Elle fut très peu publiée de son vivant (son œuvre est surtout posthume), même dans sa période intense de production (1925-1935). L'œuvre poétique très confidentielle de cette femme de grande culture éblouit. Son expérience religieuse débute avec Très haut amour, un des grands textes de la mystique du siècle, que Michel de Certeau a commenté. Elle est très proche de Valéry, dont la présence, même formellement, se laisse lire dans plus d'un texte. Son Journal (1913-1934), publié en 1987, réédité en 1990, marque la révélation de cette âme profonde et établit une passerelle entre poésie et prose. Un seul titre, démarqué de Perrault, Peau d'âme (posthume, 1935), dit la hauteur du propos, marqué par un classicisme à la manière de Louise Labé, une soif de pureté comparable à celle de Simone Weil, et l'incessant appel de l'ailleurs.